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Les non-dits des Assises du tourisme

Libéralisation bancale de l’aérien, réforme fiscale non réalisée comme prévu, stations balnéaires
en retard… la plupart des problèmes n’ont pas été évoqués.

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Les 3es Assises nationales du tourisme, organisées les 3 et 4 décembre à  Essaouira, se sont déroulées dans une ambiance détendue. Fini le temps o๠les opérateurs touristiques attendaient une rencontre avec le ministre de tutelle pour exposer leurs doléances ou exprimer leur mécontentement. Ceux qui espéraient que la Fédération du tourisme saisirait cette occasion pour re-taper du poing sur la table – son président ayant fait une sortie en septembre dernier pour qualifier 2005 d’année blanche – en ont été pour leurs frais !
Ces assises ont finalement été une occasion de plus, pour les responsables publics et la profession, d’échanger des félicitations pour toutes les avancées réalisées. Pourtant, et pour reprendre les mots du ministre du tourisme, elles avaient été initiées pour «laver notre linge sale en famille» avant les assises internationales auxquelles participeront les investisseurs et opérateurs étrangers. En fin de compte, il faut croire qu’il n’y avait que du «linge propre».
Au menu de ces assises, donc, et avant tout, les chiffres du secteur, fièrement arborés (et il y a de quoi). Les arrivées touristiques ont progressé de 15 % en 2005 par rapport à  2004 et une hausse des nuitées de 18 % a été enregistrée. Selon Adil Douiri, le secteur va battre un record historique puisque ses recettes en devises devraient pour la première fois frôler les 40 milliards de DH, plus que les transferts des MRE.

Le budget de l’ONMT augmentera de 260 MDH à  660 millions
A côté de cela, trois bonnes nouvelles ont été annoncées. Primo, l’ONMT aura plus de moyens puisque son budget passera entre 2005 et 2008 de 400 MDH à  660 millions. Secundo, pour les CRT, les opérateurs se sont réjouis de la mise en place d’une convention-type qui redéfinira et harmonisera le rôle et les prérogatives de ces conseils. Tertio, la mise en place du plan de développement régional touristique (PDR) de Fès, en novembre dernier, sera suivie par des PDR pour Agadir et Casablanca dès le début de 2006.
Enfin, il faut noter que le passage à  la phase opérationnelle de l’Observatoire du tourisme (10 mois après sa création) a également été appréciée, bien que sa plus-value par rapport à  l’ex-direction de la planification et de la coordination de la promotion reste à  prouver.
Pour Jalil Bennabbès Taarji, président de la fédération du tourisme, ces quelques avancées suffisent pour qu’on ne qualifie plus 2005 d’année blanche. «Trois mois ont fait une sacrée différence», a-t-il tenu à  souligner. Trois mois pour faire oublier neuf mois sans grande avancée ?
En tout cas, les professionnels, sincèrement ou par convenance, ont applaudi chaleureusement. Seuls quelques rebelles ont pris la parole pour critiquer les grosses lacunes qui subsistent, comme le manque de garanties aux investisseurs marocains, le bradage de certaines destinations, ou encore le flou qui entoure la répartition du budget promotionnel de l’ONMT… Mais aucun élément de réponse n’a été apporté à  leurs interrogations.
Adil Douiri a néanmoins mis en exergue un petit élément négatif. «Notre risque majeur de retard dans l’exécution de la Vision 2010 se focalise, à  présent, sur le rythme insuffisamment rapide de commercialisation et de construction des terrains destinés à  l’hébergement touristique… mais je suis confiant», dira-t-il.
Selon un opérateur bien au fait des rouages du système, «le temps o๠l’on tapait sur la table est fini». Pour d’autres, la raison est plus simple. «Aujourd’hui, on ne peut pas nier que l’activité va mieux. On a du travail donc on se plaint moins et l’on ferme les yeux même si certains engagements du contrat-programme n’ont pas été tenus. C’est un deal tacite».

Autosatisfaction quelque peu exagérée
Certes le tourisme va mieux et l’on revient de loin, mais qui n’avance pas recule et l’objectif des 10 millions de touristes prévus d’ici quelques années risque de s’éloigner encore. Ainsi, des sujets d’une actualité brûlante ont été passés sous silence. Comme ceux liés au transport aérien : la libéralisation du secteur semble s’enliser… l’opérateur espagnol Globalia, qui avait obtenu une subvention promotionnelle de l’ONMT il y a à  peu près un an et demi, s’était engagé à  effectuer des vols au départ de l’Espagne et à  destination de Fès et Marrakech. Or la compagnie a arrêté ses vols sur Fès. «C’est une partie du budget de l’ONMT et donc de l’argent du contribuable qui est ainsi partie en fumée», souligne un agent de voyage. Le sujet n’a même pas été effleuré. De même, Etapes nouvelles, le TO français qui draine 220 000 clients par an, a décidé depuis le 1er novembre d’annuler huit de ses vols hebdomadaires entre Paris et Marrakech avec la compagnie Atlas Blue à  cause de la capacité des avions et des prix pratiqués. Un coup dur pour la jeune compagnie. Problème également tu.
Enfin, le conflit qui oppose la Fédération des agences de voyages à  la RAM sur le nouveau système de commission n’a pas été jugé assez important pour être soulevé durant ces journées bien qu’un certain nombre d’agences risquent de mettre la clé sous la porte.
Dans un tout autre registre, des retards importants ont été enregistrés par les aménageurs des nouvelles stations balnéaires. Pour d’autres projets, les cahiers des charges n’ont pas été respectés. Il en est ainsi de la nouvelle zone de l’Aguedal à  Marrakech. Aucune explication n’a été donnée.

Enfin, au sujet de l’allègement de la fiscalité, des éléments de réponse devaient être trouvés durant l’année 2005, mais rien n’a été fait.
Ainsi, si les Assises nationales du tourisme ont le mérite d’exister il faut bien avouer que l’objectif essentiel de mettre le doigt sur les maux du secteur, dans le cadre d’une critique constructive, a été quelque peu oublié. Laissant place à  une autosatisfaction exagérée…