Affaires
«Les mutations du transport maritime à l’international menacent les agents locaux»
L’Association professionnelle des agents maritimes, consignataires de navires et courtiers d’affrètement du Maroc regroupe quelque 55 membres, soit 98% de la profession. Son objectif est de relever le niveau de qualité et garantir une bonne fin à toutes les opérations de commerce international impliquant le Maroc.

Pouvez-vous nous donner un aperçu sur le secteur que représente votre association APRAM ?
L’Association professionnelle des agents maritimes, consignataires de navires et courtiers d’affrètement du Maroc (APRAM) regroupe quelque 55 membres, soit 98% de la profession. Cette association nationale dont les membres sont répartis dans tous les ports marocains, de Nador à Dakhla, regroupe deux professions. La première est l’agent maritime qui est mandataire, agissant pour le compte de l’armateur, transporteur maritime. La deuxième profession représentée est le courtier d’affrètement qui est un intermédiaire entre l’affréteur et l’armateur pour la réalisation du contrat d’affrètement.
Comment évolue l’activité du transport maritime international ?
Nous enregistrons une stagnation des volumes de conteneurs, voire une très légère hausse. Cependant, les escales de navires, sur la base desquels les agents maritimes sont rémunérés, sont en légère baisse. Il faut dire que beaucoup de perturbations et de menaces pèsent sur le secteur. En effet, à l’international, le secteur maritime ne se porte pas bien depuis 2008 à cause de la surcapacité des navires par rapport aux flux et volumes du commerce international. La surcapacité résulte de la course au gigantisme de la part des grands transporteurs. Chacun veut détenir le plus grand bateau. Aujourd’hui on est arrivé à des bateaux d’une capacité de 20000 conteneurs et le carnet de commande chez les chantiers navals est plein. De plus, les flux de la Chine ont diminué en raison de la contraction de l’économie de ce pays. Par conséquent, les coûts du fret sont en nette baisse.
En parallèle, le secteur est en pleine redistribution de cartes. L’année 2016 a connu plusieurs restructurations importantes, regroupements en alliances et fusions, et ce pour optimiser les coûts et harmoniser les dessertes de lignes régulières maritimes. Par exemple, fin 2015, l’allemand Hapag Lloyd a racheté United Arab Shipping ; les chinois Cosco et China shipping ont fusionné ; et tous les armements japonais se sont regroupés en un seul pôle. Cela implique que les petits et moyens armateurs se retrouvent dans une situation difficile de livrer concurrence à ces nouveaux géants. La même année a connu l’une des faillites les plus importantes dans l’histoire des transports maritimes, celle du sud-coréen Hanjin Shipping. Et certainement, elle ne va pas être la dernière. Tout ce bouillonnement a certainement des répercussions sur les représentants locaux de ces armateurs dont plusieurs peuvent faire face à des difficultés.
Néanmoins, nous restons optimistes car tous les professionnels espèrent une remontée des niveaux de taux de fret à l’international, ce qui ne manquera pas d’avoir des répercussions bénéfiques sur la profession.
Aujourd’hui, le métier d’agent maritime est réglementé. Vous militez, en plus, pour rendre l’examen obligatoire afin de rehausser les standards de qualité du métier. Où en-êtes vous ?
Pour pratiquer le métier, il faut remplir certaines conditions, notamment avoir une expérience, un diplôme et justifier d’une surface financière. Nous voulons aller au-delà en prônant une expérience plus longue et l’obligation d’un examen à l’entrée. Nous avons partagé cette réflexion avec les parties prenantes et nous sommes aujourd’hui en pourparlers avec les autorités pour la mettre en pratique. L’objectif est de relever les standards de qualité et garantir une bonne fin à toutes les opérations de commerce international impliquant le Maroc. Il faut souligner que le métier d’agent maritime est stratégique. Il engage l’image du pays et peut être à l’origine de l’initiation et de l’ouverture d’un nombre important de lignes régulières maritimes, qui sont au service de notre commerce extérieur, puisqu’il démarche la clientèle et recrute des frets.
Pour l’affrètement, le gros du chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé par des opérateurs étrangers. Comment la profession veut changer cette situation ?
Effectivement, 95% de l’activité du courtage d’affrètement échappe aux opérateurs locaux. Les entreprises étrangères, en lieu et place d’entreprises marocaines, sont contactées directement par les clients nationaux. Pour changer cette donne, nous sommes en train de réfléchir à comment pousser les opérateurs locaux à faire appel à des courtiers d’affrètement marocains. Concrètement, nous étudions avec les autorités un moyen incitatif qui permet à l’exportateur de vendre en coût & fret (C&F) et à l’importateur d’acheter en Free on Board (FOB).
Faire appel à une société marocaine de courtage d’affrètement aura un impact positif sur la balance des paiements vu que ce sont aujourd’hui plusieurs milliards de DH acquittés en devises. Nous avons lancé une étude que nous allons bientôt partager avec les autorités compétentes pour aller dans ce sens. Par ailleurs, nous sommes en train de mener des formations spécifiques et pointues pour le courtage d’affrètement afin de préparer des compétences et des profils qualifiés en vue de répondre à la demande dans les mêmes conditions et standards de qualité que les compagnies étrangères. Un rapport sera incessamment soumis au gouvernement sondant les voies pour ressusciter la profession de courtier d’affrètement.
En tant que partenaire des autorités portuaires, quel regard portez-vous sur la facilitation des procédures du commerce extérieur ?
L’APRAM se veut un partenaire incontournable de la communauté portuaire, une force de propositions pour améliorer la fluidité des procédures, la réduction des délais de séjour des marchandises au port, la dématérialisation des documents de commerce extérieur et toute action de nature à réduire l’encombrement portuaire. L’association agit en étroite concertation avec tous les partenaires, publics comme privés, pour aller de l’avant dans la facilitation des procédures et la dématérialisation des procédures. Nous avons mené une étude en 2013, il en est ressorti que notre profession dépose auprès des institutions publiques et privées et des autorités portuaires jusqu’à 67 documents physiques par escale de bateau. Grâce à la dématérialisation et la plateforme portuaire PortNet, début 2016, toutes les démarches sont dématérialisées pratiquement dans tous les ports, à l’exception d’une seule administration. Nous avons fait le même travail avec TMSA à Tanger dont les résultats étaient aussi concluants.
En 2014, l’APRAM a réalisé une autre étude pour l’harmonisation des documents. Chantier qui vise à ne plus produire plusieurs documents contenant les mêmes informations pour différentes administrations et de se limiter à un document unique. Il y a eu naturellement un peu de résistance au changement parce que plusieurs agents d’institutions publiques ne veulent pas renoncer au document qu’ils se sont habitués à demander aux opérateurs, mais nous y travaillons. Par ailleurs, nous sommes en contact continu avec les ports étrangers dont nous voyons les best practices, que nous tentons de mettre en pratique dans nos enceintes portuaires. Il s’agit notamment de la téléfacturation et le télépaiement. A ce titre, nous sommes à la veille de faire des essais avec l’ANP pour commencer le télépaiement.
En général, je dois avouer que le Maroc n’a pas à rougir, puisque nous sommes très en avance par rapport à tous nos voisins en ce qui concerne la facilitation des procédures. Des partenaires comme la Douane, l’ANP et TMSA jouent un rôle locomotif pour améliorer l’environnement de l’entreprise marocaine, afin de lui faciliter toutes les procédures portuaires. Cela dit, il nous reste encore du travail pour adopter les meilleurs standards. Tout l’enjeu pour nous, c’est d’assurer une concurrence équitable au sein des ports pour créer une émulation susceptible d’améliorer la qualité de service et garder nos ports compétitifs.
Vous venez d’être élu président de la prestigieuse FONASBA. Comment peut-elle contribuer à rehausser les standards de la profession au Maroc et servir les opérateurs locaux ?
J’ai été élu président désigné de FONASBA, Fédération des associations nationales des courtiers d’affrètements et des agents maritimes, une des plus prestigieuses du monde maritime, sans que je ne sois candidat à la présidence. Mes pairs, représentant 56 différents pays à travers le monde, eu égard au travail que j’ai accompli au sein de cette fédération mondiale, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, puisque j’assumais jusque-là la vice-présidence chargée de cette région, m’ont nommé pour assurer la présidence de cette fédération, ce qui est un honneur pour le Maroc et pour notre profession en particulier. La FONASBA contribue déjà à améliorer certaines choses au Maroc. En effet, le Maroc, à travers l’APRAM, a été accrédité 20e pays au monde pour délivrer les certificats de Standard Qualité Fonasba. Ce certificat a été conçu par cette fédération sur mesure pour la profession d’agent maritime et courtier d’affrètement. A ce jour, nous avons déjà certifié 24 membres de l’APRAM, car notre objectif est de mettre la qualité au service de nos exportateurs, pour qu’ils puissent commercialiser leurs produits dans les marchés étrangers dans les meilleures conditions.
