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Affaires

Les limites du schéma actuel

Le non-remboursement des médicaments est une des dispositions qui risquent de biaiser le système.

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Mamoun Lahbabi, professeur d’économie de la santé à la faculté de médecine de Casablanca, se félicite de l’AMO mais estime que les scénarios proposés présentent plusieurs limites. Pour le Ramed, il préconise une caisse publique financée qui serait alimentée par des prélèvements sur des produits nocifs ainsi que par le Trésor public

La Vie éco : Que pensez-vous des scénarios qui ont été retenus et qui seront discutés avec les partenaires sociaux ?
Mamoun Lahbabi : D’après les premiers éléments rendus publics, les limites sont nombreuses : premièrement, l’exclusion des soins ambulatoires et les médicaments, c’est-à-dire ce qu’on appelle «la médecine de ville». L’exclusion des médicaments est préjudiciable lorsque nous savons que la consommation moyenne de santé pour un ménage marocain est de 400 DH par an dont près de la moitié revient aux médicaments.
La limitation du panier de soins, et c’est là la deuxième limite du projet, à 20 pathologies lourdes est également préjudiciable. Car il existe d’autres pathologies, tout aussi lourdes et qui n’ont pas été retenues, dont le coût reste très cher et qui ne peuvent être pris en charge par les patients.
Troisièmement, si l’on retient le panier limité des soins et le non-remboursement des médicaments, on peut noter que le taux de cotisation apparaît, par conséquent, comme trop élevé. Enfin, quatrièmement, il faut relever la faiblesse du taux de remboursement fixé à 70 %, car la prise en charge de certaines pathologies est excessivement chère et les patients ne peuvent supporter les 30 % non couverts.

Ces scénarios n’ont-ils donc aucun apport positif ?
Malgré ces limites, on peut noter qu’il y a deux points positifs, à savoir le déplafonnement du remboursement et l’antériorité de la maladie. Cette dernière disposition permet de couvrir les patients déjà porteurs d’une maladie grave. Mais, dans tous les cas de figure, on peut estimer que ce projet d’assurance maladie obligatoire est quand même un premier petit pas pour la couverture médicale des Marocains. Et il y aura certainement d’autres mesures complémentaires qui viendront par la suite.

Le Ramed prévu dans le projet initial a été finalement écarté. Comment faut-il interpréter ce désistement du gouvernement ?
L’Assurance maladie obligatoire engendre, quel que soit le cas, des dépenses importantes pour l’Etat. Donc le gouvernement reste prudent et lance, comme une sorte de test, l’AMO dans un premier temps. Je pense que le Régime de l’assurance maladie pour les économiquement démunis (Ramed) n’a pas été purement et simplement écarté mais plutôt différé. Autrement dit, ce sera probablement la prochaine étape étant donné qu’il concerne la majorité des Marocains. Dans ce cas précis, le gouvernement agit par prudence car l’AMO a une vocation déficitaire. Déficit qui doit être supportable bien sûr, c’est pourquoi les pouvoirs publics veulent se donner le temps d’évaluer le coût et de mettre en place des mécanismes pour maîtriser l’évolution de ce coût.

Quel schéma pourrait être retenu pour le Ramed ?
Le Ramed concerne la population défavorisée dont ni la CNOPS ni la CNSS et encore moins les compagnies privées ne veulent. La solution qui pourrait être envisagée serait la mise en place d’une caisse publique financée qui serait alimentée par des prélèvements sur des produits nocifs ainsi que par le Trésor public. Et bien sûr une petite cotisation des bénéficiaires. La gratuité est à exclure dans le Ramed car elle engendrerait des abus.
Pour conclure, je dirais qu’on s’attendait à ce que l’AMO booste le secteur de la santé actuellement anémié, mais il apparaît que ces scénarios n’apporteront pas de dynamique pour ce secteur.