Affaires
Les investisseurs touristiques exigent un fonds de restructuration
Deux études récentes lèvent le voile sur un secteur en mal de financement. Apurer la dette et redonner confiance aux investisseurs sont les priorités.

Le secteur touristique n’en finit pas de susciter le débat. Cette fois-ci, ce ne sont pas le nombre d’arrivées, la promotion, la Vision 2020 ou la gouvernance qui sont mis en exergue ; ce sont les difficultés de financement du secteur touristique confirmées par deux études dont les résultats viennent d’être rendus publics par l’Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT). La première, relative au financement bancaire et réalisée par le cabinet Malya Conseil, a confirmé la perte de confiance des établissements bancaires dans le secteur touristique, qui totalise 40% des créances en souffrance. La deuxième, relative cette fois au financement en fonds propres et menée par le cabinet CBRE, a quant à elle révélé le faible engagement des investisseurs nationaux, avec notamment 3/4 des investisseurs qui «prévoient d’arrêter leur développement sur les cinq prochaines années, voire de se désengager».
C’est en s’appuyant sur ces données recueillies auprès d’institutions financières que l’ANIT en arrive à une série de recommandations qui permettraient de redynamiser le secteur et de redonner confiance aux investisseurs. La plus emblématique est l’éventualité de la mise en place d’un fonds de restructuration.
«Aucun montant ne peut être avancé tant que nous n’avons pas présenté le projet aux partenaires souhaités», précise l’ANIT qui a justement prévu de partir en campagne auprès de différents départements ministériels dans les semaines qui viennent. Plusieurs milliards de dirhams seraient certainement nécessaires. «Il s’agit d’assainir la situation financière du tourisme. Il est nécessaire de revoir le système de financement pour alléger les banques et leur permettre de réinjecter des ressources dans le secteur», explique-t-on du côté de l’ANIT. A l’image de l’agence gouvernementale National Asset Management Agency, mise en place en Irlande, ce fonds de restructuration, qui rassemblerait autour de la table l’Etat, les banques, des organisations multilatérales qui apporteraient notamment une assistance technique, ainsi qu’un autre sponsor public, serait chargé de racheter les créances difficiles, voire quelques actifs, afin de les confier à une équipe experte, avant de les revendre une fois assainis. «L’important, au final, n’est pas de chercher des investissements mais d’apurer la dette actuelle», résume-t-on, d’une seule voix, à l’ANIT.
Un marché secondaire toujours atone
Outre ce fonds de restructuration, ces deux études rappellent, une nouvelle fois, que le financement touristique a aussi besoin de plusieurs indicateurs, à commencer par une rentabilité au rendez-vous. «Il faut rentabiliser l’existant en améliorant le taux d’occupation pour atteindre 65 à 70%», nous confie-t-on au sein de l’ANIT. En 2014, il était de 44% en moyenne, avec Agadir en tête (58%), suivie de Rabat (55%) et Marrakech (54%). A ce niveau-là, la promotion, l’investissement dans l’animation ou encore l’élimination de la saisonnalité jouent un rôle important. L’ANIT milite aussi pour la création d’un marché secondaire, notamment grâce aux Organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), dont le texte est toujours dans le circuit d’adoption, qui permettraient de stimuler un marché pour le moins atone. Au cours des 10 dernières années, le Maroc a enregistré un montant estimé à 500 millions d’euros de transactions hôtelières quand l’Espagne en recense 2,2 milliards et la Turquie, l’éternelle concurrente, 373 millions d’euros en seulement 24 mois. «Il y a un réel intérêt pour les OPCI, même s’ils n’intègrent pas d’incitation fiscale, tout comme certains opérateurs se positionnent sur les Résidences immobilières de promotion touristique (RIPT), dotées depuis 2014 d’une incitation fiscale», révèle l’ANIT. Pour cette dernière, l’encouragement à la création de champions nationaux, qu’il s’agisse de constructeurs, développeurs, gestionnaires ou équipementiers d’animation, est une des clés de la réussite du secteur.
