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Les Etats-Unis souhaitent renforcer leur partenariat énergétique avec le Maroc

Les compagnies américaines sont intéressées par le solaire, l’éolien, la conception de villes et cités intelligentes, la fabrication de «compteurs intelligents», l’efficience énergétique, etc. Les Etats-Unis espèrent également pouvoir exporter, à l’avenir, du gaz naturel liquéfié vers le Maroc.

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Robin Dunnigan

La sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe pour la diplomatie énergétique, Robin Dunnigan, a effectué, du 7 au 9 mars, une visite officielle au Maroc, au cours de laquelle elle a rencontré les directeurs des différents organismes publics en charge de l’énergie. Dans une interview accordée à «La Vie éco», elle revient sur les enjeux de sa visite au Maroc et ses échanges avec les responsables marocains. A noter que durant ses vingt-deux ans de carrière au Département d’Etat, Mme Dunnigan a supervisé les Bureaux des ressources énergétiques du Moyen-Orient et d’Asie, ainsi que de l’Europe, l’Hémisphère Ouest, et l’Afrique.

Le soutien des Etats-Unis pour le programme de l’énergie propre au Maroc était au cœur de vos discussions avec les responsables marocains. En quoi consiste-t-il ?

En premier lieu, je voudrais mettre l’accent sur le fait qu’aujourd’hui, la diversification des sources d’approvisionnement en énergie est une nécessité cruciale. Le Maroc est actuellement sur la voie de la sécurité énergétique du fait de ses divers programmes en matière d’énergies renouvelables. Dans ce domaine, le Royaume a des objectifs très ambitieux, mais néanmoins réalisables. C’est pourquoi nous aimerions voir des compagnies américaines établir des partenariats avec des compagnies locales, afin d’apporter des solutions technologiques, notamment dans les domaines de l’énergie solaire, l’énergie éolienne, la fabrication de «compteurs intelligents» (smart mètres), la conception de villes et cités intelligentes, ainsi que le domaine de l’efficience énergétique qui suppose non seulement la gestion de la consommation d’énergie, mais aussi la mise en place de «réseaux intelligents» (smart grids) pour l’approvisionnement en électricité. Enfin, les Etats-Unis pourront également apporter leur soutien au Maroc dans le domaine de la recherche, des échanges universitaires, le partage des bonnes pratiques et l’échange d’expertise pour le développement d’énergies propres.

Ma visite au Maroc a pour but de rencontrer les directeurs des organismes publics chargés de l’énergie, tels que l’ONEE, l’ONHYM, MASEN, la SIE, l’ADEREE, l’IRESEN, ainsi que le Secrétaire général du ministère de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, afin de discuter avec eux des domaines où l’expérience américaine pourrait être utile au Maroc.

Qu’est-ce qui est ressorti de ces discussions ?

Dans le cadre de notre dialogue stratégique, nous avons mis en place un groupe de travail afin de renforcer notre coopération énergétique avec le Maroc. C’est ainsi que nous avons discuté de l’avancée des Etats-Unis dans le domaine de la recherche en matière d’énergie propre, et aussi de son évaluation du Maroc qui est également avancé en termes d’énergie solaire et éolienne, notamment grâce à la création de MASEN et à la construction des centrales solaires Noor I, Noor II et Noor III, qui auront un impact énorme sur le volume d’énergie produite.

Par ailleurs, le Maroc projette de réduire sa dépendance vis-à-vis du pétrole, au profit du gaz naturel. C’est la raison pour laquelle il va construire un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) et des pipelines. Le gaz naturel est plus propre que le pétrole, d’où son intérêt pour le Maroc.

Concrètement, les compagnies américaines seront-elles des partenaires dans des projets énergétiques marocains ? Si oui, quels sont ces projets ?

Avant d’arriver au Maroc, j’ai rencontré un groupe de compagnies américaines spécialisées dans les énergies propres et elles sont toutes intéressées à investir au Maroc et établir des partenariats avec les entreprises marocaines. A titre d’exemple, le Maroc sera amené à importer davantage de GNL dont les compagnies américaines sont elles-mêmes exportatrices. C’est pourquoi nous espérons que le Maroc profitera du gaz américain. De même que les entreprises américaines pourront participer à la construction du terminal de GNL, ainsi que des pipelines. A ce titre, le gouvernement marocain s’apprête à lancer un appel d’offres et les compagnies américaines ont l’intention d’y soumissionner, sachant qu’elles disposent dans le domaine d’un savoir-faire  et d’une technologie mondialement reconnus.

Au-delà  de la construction du terminal de GNL, les compagnies américaines pourront aussi participer, comme c’est déjà le cas en ce qui concerne le projet Noor, à des projets en rapport avec l’énergie solaire et éolienne. Je souhaite qu’à l’avenir, il y ait davantage de compagnies américaines qui participent à ce type de projets.

Existe-t-il des synergies entre les politiques énergétiques américaine et marocaine ?

Au sein de mon Bureau au Département d’Etat, il y a une centaine de personnes qui travaillent exclusivement sur les questions énergétiques. Une telle mobilisation s’explique par le fait qu’il existe des liens étroits entre les domaines de la politique énergétique et de la sécurité nationale. Ces deux domaines se rejoignent, dans la mesure où la politique énergétique est susceptible d’avoir un impact sur la croissance économique, le changement climatique, ainsi que la stabilité politique. Pour ma part, je pense que le gouvernement marocain a parfaitement compris l’importance de ces enjeux. Au Maroc, la consommation d’énergie augmente chaque année, à cause de la croissance économique. Il n’est donc plus possible d’être dépendant d’une seule source d’énergie, d’où l’adoption par le Royaume  d’une politique de diversification et de planification énergétique. Comme vous le voyez, les approches entre les Etats-Unis et le Maroc sont similaires, en matière de sécurité énergétique.

Quelle place occupent les énergies renouvelables au niveau de la sécurité énergétique des Etats-Unis ?

Dans le domaine de la sécurité énergétique, la stratégie américaine repose sur une vision globale. Ce qui ne signifie, en aucun cas, que les Etats-Unis cherchent à être indépendants, mais plutôt à diversifier leurs sources d’approvisionnement et optimiser leur consommation énergétique ; ce qui inclut le recours aux énergies renouvelables, à l’efficience énergétique, au pétrole, au gaz naturel, ainsi qu’à l’énergie nucléaire. Durant l’administration du Président Barack Obama, nous avons triplé la puissance énergétique de notre parc éolien, multiplié par vingt celle de notre parc solaire, édicté de nouvelles normes pour les voitures, les poids lourds, les nouveaux bâtiments. De même que, grâce à l’exploitation du gaz de schiste, les Etats-Unis ont considérablement augmenté leur production de GNL, ce qui a grandement contribué à la sécurité énergétique du pays qui est devenu, à partir de ce mois-ci, exportateur de gaz. Notre production de GNL a ainsi augmenté de manière exponentielle, durant ces six dernières années. A l’époque, nous avions construit des terminaux de GNL destinés à l’importation. Aujourd’hui, ces mêmes terminaux sont utilisés pour l’exportation. C’est ainsi qu’au cours des cinq prochaines années, les Etats-Unis seront en mesure d’exporter 100 milliards de m3 de GNL par an. Pour l’heure, nos exportations vont vers le Brésil. Par la suite, nous espérons exporter le GNL vers le reste de l’Amérique Latine, l’Asie, l’Europe et aussi vers le Maroc dont le volume d’importation annuelle devrait dépasser, dans dix ans, les 10 milliards de m3.

Comme plusieurs pays, les Etats-Unis ont pris des engagements lors de la COP 21. En l’absence de mécanisme contraignant, quelles sont les garanties apportées par votre administration quant au respect de ces engagements ?

A la COP 21, les engagements des Etats étaient volontaires. Leur seule obligation est de rendre des comptes quant au respect de leurs engagements. Chaque pays devra ainsi rendre compte par rapport à son engagement intentionnel national, en matière de réduction de gaz à effet de serre (INDC). En ce qui concerne les Etats-Unis, la nouvelle politique énergétique du Président Obama s’est traduite par la mise en place de normes d’efficience énergétique au niveau de la construction, des mesures d’incitation fiscale pour encourager les investissements dans les secteurs de l’éolien, le solaire et la biomasse. Dans le secteur des transports, nous avons également enregistré d’importants progrès, grâce aux voitures électriques et à l’utilisation du gaz naturel pour le transport urbain. L’ensemble de ces mesures a entraîné d’importants investissements dans les énergies renouvelables, ce qui a eu pour conséquence de réduire les coûts de ces énergies qui concurrencent désormais le pétrole et le gaz. Je suis convaincue que ces mesures perdureront, et ce, quelle que soit la couleur politique du prochain locataire de la Maison Blanche. Pour finir, je voudrais dire combien je suis impressionnée par l’engagement du Royaume dans le domaine de l’énergie et j’espère que la COP 22 scellera une nouvelle ère de coopération énergétique entre les Etats-Unis et le Maroc.

Avez-vous évoqué les préparatifs de la COP 22 avec les autorités marocaines ?

Absolument. Et je peux vous dire que le gouvernement marocain travaille de plain-pied à l’organisation de cet important évènement. Au sujet de la représentation des Etats-Unis à la COP 22, il est attendu une délégation de haut niveau et nous allons faire en sorte que des compagnies américaines soient également présentes. Il faut aussi savoir qu’à l’instar de la COP 21, des évènements seront organisés en marge de la conférence, ce qui pourrait donner lieu à  des rencontres avec les compagnies américaines, les universités, les laboratoires de recherche, les ONG …