Affaires
Les équipementiers automobiles pas très confiants dans la reprise
La production de la branche des produits de l’industrie automobile s’est appréciée de 16,7% au premier trimestre.
Les industriels rappellent que la chute a été lourde en 2008 et 2009 et que l’évolution de la demande est incertaine.
Ils redoutent que l’Etat ne reconduise ses aides qui leur ont été très utiles pour se relancer.

Les équipementiers automobiles marocains seraient-ils en train de sortir de la zone de très fortes turbulences où ils étaient entrés depuis 2008 ? La réponse est visiblement oui, si l’on se réfère aux statistiques de la production industrielle pour le premier trimestre de l’année rendues publiques par le Haut commissariat au plan (HCP). Il en ressort que la production de la branche des produits de l’industrie automobile s’est appréciée de 16,7% au premier trimestre par rapport à la même période de 2009. C’est la meilleure performance dans le secteur des produits manufacturés qui est en quasi-stagnation, n’augmentant que de 0,6%. L’activité de la branche des produits en caoutchouc ou en plastique, dont certains entrent également dans la fabrication des équipements automobiles, est également en progression, bien que le rythme soit moins soutenu (+4,6%). Une telle tendance se dégageait dès la fin 2009 et le début de la présente année.
Pourtant, les industriels, eux, ont une autre lecture de la conjoncture. Ils soulignent à ce propos que le secteur est toujours «sinistré» car la baisse cumulée du chiffre d’affaires sur 2008 et 2009 est de l’ordre de 30 à 40%. Le segment des pièces pour poids lourds et véhicules de transport avait été beaucoup plus éprouvé avec une dégringolade de 70% pour certaines entreprises. On est donc loin du niveau de 2007.
«On ne peut absolument pas parler de sortie de crise. Oui, il y a un léger frémissement, et, par rapport aux deux dernières années où nous avons été très éprouvés, 2010 commence assez bien. Mais la comparaison doit s’arrêter là. Et puis, les perspectives sont loin d’être prometteuses car si sur l’industrie automobile des voitures d’entrée de gamme il y a une légère croissance, le haut de gamme comme le transport est loin d’être sorti de l’auberge», explique Adil Raïss, administrateur directeur général de la société Plastex, spécialisée dans les garnitures de voitures et basée à Tanger. Il ajoute que plus de 7 000 transporteurs européens auraient mis la clé sous le paillasson. On en déduit que ce sont autant de clients potentiels qui font défaut.
Etienne Bildiguen, patron opérationnel de Siprof, qui fabrique des plaquettes et la garniture des freins à Berrechid, n’est pas plus optimiste même s’il avoue que les deux années pluvieuses consécutives ont quelque peu boosté la demande des agriculteurs. «Le redémarrage de quelques grands chantiers ont aussi contribué au redémarrage sur le plan intérieur», fait-il remarquer.
Les fournisseurs de la première monte restent exposés
Ce manque d’enthousiasme, ou du moins prudence, se fait sentir un peu partout. Ahmed El Meslouti, DRH de Polydesign, société spécialisée dans le tissage et le tricotage des filets pour sièges d’automobiles installée dans la zone franche de Tanger, parle d’une «légère reprise», mais n’est pas rassuré pour la suite. «Je veux bien croire les statistiques mais sachez que, durant la même période de 2009, notre activité, à Polydesign, avait chuté de 80%. On peut être optimiste, mais ce qui est sûr c’est que nous n’avons aucune visibilité pour 2010 et il faudra certainement attendre 2011 pour y voir plus clair», précise-t-il. Il souligne, toutefois, que les multinationales qui bénéficient de contrats plus volumineux et plus sécurisés vont sûrement avoir le vent en poupe.
Quant à Mohamed Laraqui, PDG de Floquet monopole, entreprise spécialisée dans les chemises de pistons, il explique que son entreprise souffre sur des marchés qu’elle a difficilement conquis car il a fallu convaincre de grands constructeurs avec des produits à haute valeur ajoutée. A l’en croire, le secteur automobile a été touché de plein fouet et il ne faut surtout pas croire que la crise est en train de s’estomper. Le PDG de Floquet ajoute que si la partie du secteur qui approvisionne le marché de la pièce auto peut espérer commencer à souffler, lui, qui est fournisseur du marché de la première monte, reste très exposé à l’instabilité du marché mondial.
Surtout, dit-il, que les différents pays européens s’acheminent vers la réduction ou même la suppression des aides pour l’achat de l’automobile. Si cela devait se confirmer, de telles mesures risquent de ramener le spectre de la crise de plus belle. Et puis, souligne-t-il, «une partie des aides gouvernementales accordées dans le cadre du plan d’urgence lancé début 2009 vont expirer cette année (ndlr :certaines dès la fin juin 2010) et, si elles ne sont pas reconduites, cela va nous fragiliser encore davantage». La hantise de perdre le soutien de l’Etat est effectivement partagée par les autres équipementiers, particulièrement ceux qui en ont bien tiré profit.
