Affaires
Les entreprises pourront consulter leur notation auprès des banques d’ici juin prochain
Le secteur bancaire procède aux derniers réglages pour la mise en place d’un référentiel commun de notation. La majorité des banques se basent déjà sur leurs propres systèmes de notation sans divulguer les rating. Grand apport du dispositif : faciliter l’accès au crédit grâce à l’identification des axes d’amélioration des dossiers par les emprunteurs.

Le chantier de la notation de la clientèle Corporate des banques est bien avancé ! Banquiers et sources internes à la Banque centrale affirment que les réunions pour arrêter le mode opératoire et les critères sous-jacents de l’évaluation du risque des entreprises se succèdent. «Sous la houlette de Bank Al-Maghrib, les derniers réglages sont en train d’être effectués et la mise en place du dispositif est prévu au deuxième trimestre», confie une source proche du dossier. «Ce référentiel commun de notation est un pas crucial dans le chantier, étant donné que le secteur doit disposer de la même appréciation du risque et, partant, du même rating d’une entreprise donnée», explique une source au Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). Les banques ont pris le temps qu’il faut pour retenir la grille de notation la plus pertinente possible.
Leila Channawi Tahiri, présidente de la commission financement de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), explique que le fait d’avoir les mêmes critères permettra d’éviter que les banques accordent des notes différentes, ce qui influencera les conditions de crédit et par conséquent biaisera le jeu de la concurrence. «Les entreprises doivent être fixées sur des critères de notation identiques chez l’ensemble des établissements de crédit pour avoir une idée exacte de leurs forces et faiblesses», ajoute la présidente.
Il faut rappeler que la notation est un chantier très stratégique. Elle fait partie d’un ensemble de décisions prises lors de la réunion tenue, le 26 janvier 2016, par le wali de Bank Al-Maghrib (BAM) avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) pour relancer le crédit. Le constat fait à cette date est que le crédit décélère sans que l’on ne puisse identifier les raisons. Entre les banques qui affirment qu’elles ne reçoivent pas assez de dossiers bancables et les entreprises qui se plaignent du fait qu’on leur refuse le financement, il était important d’y voir plus clair afin de rectifier le tir.
Le refus d’accorder un crédit sera motivé
A en croire un membre d’un comité régional de crédit (groupes formés des représentants des banques, des membres du patronat et de responsables de BAM) qui suit les mesures décidées pendant la réunion de janvier, la notation sera accessible en agence à la demande de l’entreprise. L’accès à la grille sera systématique et gratuit pour toutes les entreprises clientes. Toutefois, la consultation ne pourra être faite que par le représentant légal de l’entreprise ou une personne mandatée. De plus, les banques devront motiver tout refus de financement par une lettre explicative adressée à l’entreprise.
En attendant, la majorité des banques recourent déjà à leurs systèmes de notation pour traiter les demandes de crédit et de dépassement. Plusieurs responsables de DSI avancent que leurs établissements disposent de toutes les données et de l’architecture informatique pour noter leurs clients corporate au même titre que les particuliers. Selon eux, les systèmes allient données qualitatives et quantitatives (avec des pondérations qui diffèrent d’une banque à l’autre) pour donner une notation aux entreprises. En règle générale, les notes sont attribuées à partir de données comptables et financières issues des états de synthèse, de données relatives aux incidents de paiement et aux engagements bancaires déclarés par les établissements de crédit et d’informations judiciaires, notamment les jugements rendus par les juridictions commerciales.
En gros, la «cotation» des entreprises, comme à la Banque de France, est composée de trois éléments : une cote d’activité, une cote de crédit et une cote de comportement de paiement. En plus de l’entreprise, la note est également consultable par les établissements financiers. Par ailleurs, des données relatives à la gouvernance (dirigeants, détenteurs de capitaux et entreprises apparentées pour les groupes…) peuvent également compter dans le rating d’une entreprise.
D’après une consultation sommaire de quelques établissements de la place, les notes sont exprimées généralement avec des lettres de A à F avec des indications d’ampleur du risque apportées grâce aux signes + et -. Par exemple, dans le système de notation d’une grande banque de la place, D- correspond à un profil moyennement risqué qui se verra refuser ses demandes de crédit s’il ne régularise pas sa situation (généralement comportement de paiement et incidents à la Centrale des risques). Pour ce même établissement, une entreprise notée B+ verra sa demande de crédit acceptée mais avec un plafond de 1MDH à ne pas dépasser (en raison de carences liées à la structure financière). En face, une note A+ signifie souvent un accès à toutes les requêtes et évite, en plus, à l’entreprise d’attendre les formalités exigées pour le reste des clients corporate. Par exemple, elle peut bénéficier de dépassements ponctuels sur décision du centre d’affaires sans passer par le comité.
Les mieux notées seront les mieux servies
En définitive, les entreprises les mieux notées seront les mieux servies. Les notes sont, bien entendu, évolutives. En accédant à la grille de notation, l’entreprise aura à sa disposition des informations très utiles. «Elle saura exactement comment elle est perçue par sa banque. En conséquence, elle pourra améliorer les différentes rubriques mal notées avant d’introduire une demande de crédit. De même, les emprunteurs dont le dossier est rejeté auront la possibilité de remédier aux carences en se basant sur les grilles qui leur sont fournies avant de revenir à la charge», explique Mme Channawi. C’est justement là que réside la valeur ajoutée de cette mesure. Ceux qui ont, par exemple, des soucis de structure financière vont y remédier avec l’aide d’un spécialiste et en cas de déficit de garantie, il sera possible de s’appuyer sur les mécanismes publics.
De l’avis de toutes les parties prenantes, ce chantier est un grand pas vers une analyse plus scientifique et plus fiable des vraies raisons qui limitent l’accès au financement. «De plus, il donnera des éléments très intéressants sur la manière dont nos banques appréhendent le risque», conclut un DAF.
