Affaires
Les économistes istiqlaliens regrettent la stagnation de l’investissement étatique pour 2011
Ils estiment que le niveau actuel de l’endettement du Trésor offre des marges de manÅ“uvre pour une politique plus volontariste en matière d’investissement.
Entre 2007 et 2010, l’investissement du budget général a pourtant augmenté de 107,7 %.

Le projet de Loi de finances 2010, qui repasse une dernière fois à la Chambre des représentants après avoir été voté par les conseillers, suscite moult commentaires et même parfois des critiques assez appuyées. Ce n’est certes pas nouveau, tant un texte comme la Loi de finances comporte des enjeux énormes à la fois sur les personnes, sur les entreprises et, au bout du compte, sur la collectivité. La nouveauté, en revanche, vient du fait que ces critiques émanent de personnalités appartenant à la majorité et même au parti pivot de la majorité, c’est-à-dire l’Istiqlal. L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI), lors de sa réunion du 18 décembre à Casablanca, s’est en effet livrée à une analyse assez complète du projet de Loi de finances 2011 et a formulé des critiques suivies de propositions dont deux au moins méritent d’être rappelées : celle relative à l’investissement et celle liée à la fiscalité. Tout en notant que l’investissement public a augmenté d’environ 2,5% en passant de 163 milliards de DH en 2010 à 167 milliards en 2011, les économistes istiqlaliens regrettent que l’investissement du Budget général soit stabilisé au même niveau que celui de l’actuel exercice, soit quelque 54 milliards de DH. Considérant, à juste titre, que la croissance économique du pays a été portée, ces dernières années, entre autres et principalement, par l’investissement, en particulier l’investissement dans les infrastructures, l’AEI attire l’attention sur «la nécessité de reprendre la croissance de l’investissement public en infrastructures (…)». D’autant que, argumente-t-elle, la conjoncture est venue mettre un coup de frein brutal aux grands chantiers de production de logements économiques et d’infrastructures touristiques.
Les recettes fiscales en baisse
Si nul ne conteste que la croissance au Maroc est en effet principalement tirée par la demande interne (investissement et consommation des ménages), il faut néanmoins s’interroger sur le fait que l’investissement est, pour l’essentiel, d’origine publique. Or, contrairement à ce que pense l’AIE, l’Etat n’a pas de capacité illimitée pour continuer à engager des fonds publics avec la même cadence que celle observée ces dernières années. Il faut rappeler ici qu’entre 2007 et 2010, l’investissement du Budget général a plus que doublé : il passe de 26 milliards à 54 milliards entre les deux dates, soit une croissance de 107,7%. L’investissement consolidé, pour sa part, a également quasiment doublé sur la même période en passant de 84 milliards de DH en 2007 à 163 milliards en 2010. Si donc le gouvernement a reconduit pour 2011 la même enveloppe d’investissement que celle de 2010 et augmenté de 2,5% celle de l’investissement consolidé, c’est déjà beaucoup. Car, il faut bien voir que les ressources, fiscales notamment (celles-ci représentent 90% des recettes ordinaires), ne croissent plus, elles, au rythme où elles progressaient ces dernières années. En 2009, elles ont même baissé de 9,1% et cette année elles devraient également reculer au moins de 1,6% (si la prévision de baisse se réalisait). Ceci pour dire que le niveau de croissance de l’investissement public, malgré tous les bienfaits qu’on lui prête, et qui sont réels, ne devrait pas trop s’écarter du niveau de croissance des recettes fiscales. Sauf à accepter de laisser filer le déficit, qu’il faudra ensuite, bien sûr, financer par la dette. C’est ce que semblent suggérer les économistes istiqlaliens pour qui le niveau actuel de l’endettement du Trésor (un peu moins de 48% du PIB) offre encore des marges de manœuvre au gouvernement pour mener une politique volontariste dans ce sens. Il faut juste rappeler ici que si la dette publique a pu être ramenée au niveau où elle se trouve aujourd’hui par rapport à la richesse nationale, c’est justement parce que, pendant une dizaine d’années (entre 1998 et 2006/2007), il y a eu (et ça continue) ce que l’on a appelé la gestion active de la dette, d’une part, et une stabilisation du budget d’investissement autour de 20 milliards de DH, d’autre part. On peut y ajouter un troisième facteur : l’effet dénominateur avec la forte progression du PIB ces quatre ou cinq dernières années (5% en moyenne annuelle). Moyennant quoi, l’investissement est et restera l’une des variables principales de la croissance, mais un dosage dans le volume est sans doute nécessaire. Sur le volet fiscal, les économistes istiqlaliens ont été assez sévères à l’égard des impôts qui touchent l’entreprise : qu’il s’agisse du taux réduit de 15%, critiqué non pour son principe mais sur sa conception (voir encadré) ou encore de la distorsion dans la taxation des dividendes (10%) et de la plus-value (20%) qui, à leurs yeux, encourage fortement l’affaiblissement des entreprises.
