Affaires
Les dossiers chauds de l’été
Programme chargé pour le gouvernement, plusieurs ministres n’iront pas en vacances.
AMO, Loi de finances, réforme de la fiscalité locale, nouvelle politique industrielle, des dossiers qui doivent être bouclés d’ici la rentrée.
Deux grandes opérations à lancer : lutte contre l’habitat insalubre et «Maroc social et solidaire».

Programme chargé pour le gouvernement ou, du moins, pour une bonne partie de l’équipe Jettou au cours des mois de juillet et août. Si l’été 2003 a été accaparé par la résolution de problèmes sécuritaires, consécutifs aux attentats du 16 mai, les négociations sur les augmentations des fonctionnaires et quelques actions sociales ponctuelles, pour parer au plus pressé, celui de cette année sera caractérisé par un travail de fond. Il faut dire que de gros dossiers sont au menu et que, par ailleurs, les nouveaux arrivants de l’équipe Jettou se sont vu assigner des objectifs très serrés. Pêle-mêle, on citera parmi les plus gros chantiers de l’été 2004, l’Assurance maladie obligatoire (AMO), la Loi de finances, le programme de proximité sociale, la définition d’une nouvelle politique industrielle, la lutte contre l’habitat insalubre ou encore le serpent de mer de la réforme de l’administration qu’il faudra bien mener à son terme. A côté de cela, des dossiers de moindre importance devront être bouclés pour la rentrée. Autant dire que l’été sera chaud.
46 décrets à finaliser et des arbitrages à effectuer en deux mois seulement
De tous les dossiers qui figureront au menu de l’exécutif, celui de l’AMO est sans doute le plus urgent et le plus important à la fois. Tenue par le délai de l’entrée en vigueur, en janvier 2005, d’une loi que le gouvernement Youssoufi avait un peu trop précipitamment élaborée, l’équipe actuelle devra mettre les bouchées doubles pour être au rendez-vous. A l’heure qu’il est, les 46 décrets d’application de l’AMO ne sont pas encore prêts. Or, ces textes sont censés tracer la configuration du système en définissant notamment les soins qui pourront être pris en charge, le niveau de cotisation patronale et salariale, la liste des médicaments remboursables ainsi que le taux de couverture. Certes les commissions techniques planchent activement sur ces points-là, mais il en restera d’autres à régler, comme celui du coût que représente la prise en charge des 70 000 fonctionnaires concernés par les départs anticipés et/ou volontaires. Autre point noir : le financement de l’AMO pour la population extra-salariale. Si pour les 4 millions de salariés du privé et du public le schéma est pratiquement validé avec deux organes gestionnaires (respectivement la CNSS et la CNOPS), pour les économiquement faibles, les indépendants et les étudiants, rien n’est encore décidé. Abandonné dans un premier temps, le RAMED (régime assurance maladie pour les économiquement démunis) est remis à l’ordre du jour… Un casse-tête de plus, puisqu’il faudra trouver le financement nécessaire pour élargir la couverture à d’autres prestations que les soins gratuits pour indigents. Tout
cela doit être finalisé au plus tard d’ici à la rentrée. Et pour cause, à partir de là, il restera moins de quatre mois à la fois pour peaufiner le schéma global de viabilité de tout le système et pour négocier avec les syndicats.
La réforme de la fiscalité locale prête pour septembre prochain
Autre dossier important, quoique traditionnel : la Loi de finances. Comme c’était le cas en 2003, le Premier ministre n’a pas fait de lettre de cadrage, les objectifs du programme gouvernemental étant suffisamment explicites. Pour le reste, Fathallah Oualalou, l’argentier du Royaume, connaît la musique. Mais en plus du travail d’accompagnement qu’il devra effectuer auprès des autres départements dans l’élaboration de leurs budgets, le ministre des Finances devra travailler également sur un certain nombre de textes qui doivent accompagner la Loi de finances. Les plus importants sont la réforme de la fiscalité locale, dont les 47 impôts existants constituent une aberration, les textes sur le règlement des marchés publics et la mise en œuvre de la réforme du contrôle des établissements publics. A côté de cela, il faudra préparer le dossier d’introduction en Bourse de Maroc Telecom et les décrets d’application du code des assurances. Autre grand chantier : le CIH, pour lequel une solution devrait être annoncée dans les jours qui viennent.
Autre dossier qui doit être prêt pour la rentrée, celui de la réforme de l’Administration, dont la lourde tâche incombe depuis trois semaines à Mohamed Boussaïd. Driss Jettou lui a en effet demandé de lui remettre, à l’issue des deux mois qui viennent, une nouvelle vision stratégique globale. L’on se rappelle que la proposition de Najib Zerouali, son prédécesseur, avait été mise sous l’éteignoir parce que trop ambitieuse et inapplicable à cette hydre qu’est l’Administration. S’il paraît improbable d’avoir un plan détaillé, il est certain que les grandes lignes de cette réforme seront fixées d’ici à fin août. Parallèlement, un travail budgétaire de taille figurera dans le calendrier du ministre de la Modernisation du secteur public. Son Département étant transversal, il aura à discuter avec les autres ministères la question de la masse salariale et des redéploiements, en vue de la préparation de la Loi de finances 2005.
Donner de la visibilité au secteur industriel
Cela dit, il n’y a pas que le secteur public qui aura sa cure de jouvence. Le privé, et plus particulièrement l’industrie, fera l’objet d’une réflexion globale stratégique. La mission assignée par Driss Jettou à Salaheddine Mezouar, nouveau ministre du Commerce et de l’Industrie, n’est pas moins que d’identifier, pour chaque branche de l’industrie, les créneaux porteurs, de mettre en place une stratégie d’action qui serait soutenue par des mesures incitatives et d’accompagnement. A terme, chacune des branches aura son contrat-programme. L’idée est de donner, aussi bien aux opérateurs qu’aux investisseurs, une visibilité sur les cinq ans à venir. Cette nouvelle politique industrielle se concrétisera dès septembre prochain à travers une « Vision 2010». D’ores et déjà, au cours de ce mois de juillet, un comité de pilotage stratégique sera mis en place. Il réunira aussi bien les représentants de l’Administration que les opérateurs, afin d’avoir un consensus sur les créneaux à développer pour chaque pan de l’industrie. Il faudra certainement faire des choix, parfois douloureux mais, au moins, on saura où l’on veut aller en matière de politique industrielle.
En matière d’habitat, comme tous les étés, ce sera la haute saison, principalement pour les OST qui lorgnent l’arrivée des MRE. Cette année, le programme sera encore plus chargé, puisqu’il s’agira de mettre en vente, par tranches, à destination des promoteurs immobiliers, les 2 200 hectares de foncier public mobilisés à Marrakech, Rabat et Agadir. Il y aura également le lancement d’un vaste programme de lutte contre l’habitat insalubre. Troisième chantier, non moins important, celui de la réussite de la fusion des OST. Si ces derniers ont juridiquement fusionné sous la bannière d’Al Omrane, il s’agira, au cours des deux mois à venir, d’organiser l’institution, de redéployer le personnel des SNEC, Attacharouk et autres Erac afin de faire jouer les synergies. Comme durant l’été 2003, Taoufik Hjira, ministre de l’Habitat, n’ira pas en vacances.
Un programme de lutte contre l’habitat insalubre et une nouvelle politique industrielle
Le nouveau ministre chargé des Affaires économiques et générales a un programme tout aussi chargé. Le Premier ministre lui a demandé expressément de venir à la rentrée avec une stratégie claire pour le secteur des nouvelles technologies de l’information. Au menu de cet été : réunions avec les professionnels, notamment l’Association professionnelle des entreprises de bureautique et d’informatique (APEBI), les industriels et les prestataires de services comme les call center et les développeurs de contenu. Le tout devrait aboutir, en septembre, à une proposition réaliste, après des années de travaux parcellaires non aboutis. Parallèlement, la loi 55-01 venant d’être approuvée par les deux Chambres du Parlement, Rachid Talbi Alami devra plancher avec l’ANRT sur la préparation des décrets d’application.
Dans le chapitre de l’action sociale, on notera tout d’abord la préparation, pour septembre prochain, d’une grande opération qui sera baptisée «Maroc social et solidaire», qui devrait courir sur les années 2004 et 2005. Elle consistera à initier, en partenariat avec la société civile, des projets de développement locaux pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, particulièrement en milieu périurbain et rural. La démarche sera participative, l’Etat étant cette fois-ci bien décidé à confier d’importantes responsabilités à la société civile. Dans le même ordre d’idées, Abderrahim Harrouchi, ministre de l’Action sociale et de la Solidarité, entend s’attaquer d’urgence au renforcement des capacités des établissements sous sa tutelle, notamment l’Entraide nationale et l’Agence de développement sociale (ADS). Enfin, et de manière plus large, c’est l’élaboration d’une politique globale d’intégration et de développement couvrant la période 2005-2010 qui sera entamée, dès les 24 et 25 juillet, avec un séminaire de réflexion auquel seront conviés tous les intervenants dans le domaine social
Au menu de cet été, de gros dossiers dont l’AMO et le démarrage, dès fin juillet, de l’élaboration d’une politique globale d’intégration et de développement dans le social.
