Affaires
Les détails de la Loi de finances 2005
Seules les coopératives opérant dans la transformation industrielle seront assujetties à l’impôt.
Les indemnités de départ négocié, dans le secteur privé, fiscalisées à partir d’un certain seuil.
L’intervention du fonds de promotion des investissements passe de 5 % à 10% pour l’amont du textile, notamment le tissage et la filature.
La dernière version du projet de Loi de finances pour 2005, déposée au Parlement le vendredi 22 octobre (juste à temps pour respecter le délai légal, qui est de 70 jours avant la clôture de l’exercice en cours), bien que ne différant pas fondamentalement des précédentes moutures, comporte néanmoins quelques aménagements, en particulier dans le domaine fiscal. C’est du reste sur ces points que des divergences étaient apparues ces dernières semaines, et qui avaient nécessité des va-et-vient incessants entre les Finances et la primature.
Ainsi, le projet de fiscaliser les coopératives, conçu au départ sous une forme trop générale, ne faisant pas la distinction entre les vraies coopératives et celles qui ne revêtent cet habit juridique que pour se soustraire à l’impôt, devait-il subir quelques modifications afin de tenir compte de la diversité des situations sur le terrain et ce à la demande des représentants du secteur.
Un décret fixera les modalités de fiscalisation des indemnités de départ volontaire
Selon le ministre des Finances et de la Privatisation, Fathallah Oualalou, la version finalement retenue à propos de cette question est celle de ne soumettre à l’impôt que les coopératives opérant une transformation industrielle de leurs produits et réalisant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 2 MDH.
L’autre volet fiscal qu’il fallait préciser dans le budget 2005 concernait les indemnités de départ négocié dans le secteur privé. La Loi de finances 2004, on s’en souvient, avait introduit, sur cette question, un quiproquo qui a fait se dresser les partenaires sociaux contre l’interprétation qu’elle avait fait du code du travail. Plusieurs réunions entre les partenaires sociaux et le gouvernement eurent lieu tout au long de cette année qui débouchèrent sur la promesse du premier ministre, Driss Jettou, de trouver une solution au problème, «conforme au code du travail». Cette solution, indique encore M. Oualalou, mais sans donner de précisions, consiste à expliciter, dans la Loi de finances, ces indemnités de départ en se basant sur ce que prévoit le code du travail. Selon une source à la primature, il s’agira en fait de fixer, à travers un décret dit spécial du Premier ministre, un seuil à partir duquel lesdites indemnités, totalement exonérées d’impôts dans le code du travail (article 76), seront à l’avenir assujetties à l’IGR. «Ce seuil a pour but d’éviter la pratique des départs arrangés qui donnent lieu parfois à des indemnités se chiffrant à plusieurs millions de dirhams. Evidemment, cela concerne surtout les hauts cadres et autres dirigeants d’entreprises. Il est inconcevable que quelqu’un qui part avec des indemnités de 2 ou 3 MDH, voire davantage, ne paie pas d’impôts», explique-t-on.
Et cependant, à la veille du dépôt du projet de budget au Parlement, nul ne connaît le seuil dont il est question.
En revanche, pour les indemnités de départ volontaire (anticipé) dans la fonction publique, la formule (nouvelle) retenue dans le projet de Loi de finances pour 2005 est celle d’un mois et demi de salaire par année de travail, avec un plafond de 36 mois, et une pension de retraite avec un taux d’annuité de
2 %, revalorisé à 2,5 % après 60 ans (se reporter, pour plus de détails, à La Vie éco de la semaine dernière).
Ce n’est pas tout : d’autres mesures, à caractère non fiscal, ont été décidées. On peut citer la modification des articles 17 et 19 de la Charte de l’investissement, en vue de permettre au Fonds de promotion des investissements de porter sa contribution de 5 % à 10% des programmes d’investissement relatifs aux projets en amont du textile (tissage, filature…), la création (enfin) d’un fonds du service universel dans les télécommunications, l’institution de la télédéclaration, mesure jugée hautement significative par Rachid Talbi Alami, ministre chargé des Affaires économiques et générales car, selon lui, elle ouvre la voie au commerce électronique, et plus généralement au développement du secteur.
L’assiette fiscale est élargie
Mine de rien, ce budget 2005, qui a fait couler beaucoup d’encre et nécessité des remaniements à n’en plus finir tant il était ardu de le contenir dans les limites des fameux équilibres macroéconomiques, n’est pas le plus avare en nouveautés, singulièrement dans le domaine fiscal. A cette précision près, cependant, que ces nouveautés vont presque toutes dans le sens de la suppression de certaines exonérations fiscales concédées par le passé ou l’imposition des activités qui y échappaient jusque-là.
Moins qu’une réforme de la fiscalité, comme cela est souhaité dans le monde économique, ces mesures semblent plutôt destinées à récolter des recettes supplémentaires de nature, espère-t-on, à atténuer le poids particulièrement élevé de la dépense. Et quand on parle de dépense, on pense surtout à l’enveloppe qui va au fonctionnement et dont le niveau, dans ce budget 2005, atteint des hauteurs qui donnent le vertige : 101,637 milliards de DH, soit une croissance de 25,41 % par rapport à 2004. Et sur ce montant, plus de 58% (soit 59,381 milliards de dirhams) couvrent les dépenses de personnel. Par rapport au PIB, cela représente quelque 13,5 %. Ce niveau est excessif, tout le monde en convient, mais cette vérité ne doit pas cacher une autre vérité, à savoir la faiblesse de la croissance économique.
Plus généralement, si le budget de fonctionnement est à ce point élevé, pour l’exercice 2005, c’est bien sûr, comme on l’a dit, à cause de la hausse des dépenses de personnel (qui ont crû de 10,86 %), mais aussi et surtout de celles réservées aux charges communes (c’est-à-dire sociales) qui s’élèvent à 23,42 milliards de DH, soit 187 % de plus qu’en 2004. Mais là, il s’agit évidemment d’une situation exceptionnelle puisque cette enveloppe comprend deux volets. D’une part, les crédits destinés à couvrir les charges de compensation des prix des denrées de base et l’apurement des arriérés de compensation des prix des produits pétroliers pour un montant total de 6 milliards de dirhams. D’autre part, cette enveloppe comprend la contribution patronale de l’Etat à la CMR pour une enveloppe globale de 17,18 milliards de DH, dont 11,08 milliards au titre de l’apurement des arriérés de l’Etat vis-à-vis de cet organisme. Si, sur le premier point, d’aucuns peuvent penser que l’Etat n’est pas obligé de soutenir les prix des céréales, du sucre ou encore des carburants (c’est un sujet à débat -voir en page 12-), sur le second point en revanche, les pouvoirs publics n’ont pas le choix : sauf à vouloir tuer la CMR, il faut bien que les arriérés de paiement qui lui sont dus entre 1957 et 1996 soient réglés. Sur les autres postes de la rubrique fonctionnement, l’évolution de la dépense est plutôt faible.
Les dépenses de matériel et autres n’ont en effet enregistré «que» 8,33 % de hausse, passant de 14,22 milliards à 15,41 milliards de DH. En décomposant ces dépenses, on constate même que les redevances d’eau, d’électricité et de télécommunications, par exemple, ont légèrement baissé (- 0,15 %).
On peut prévoir, sans grande marge d’erreur, que dans les années à venir, le budget de fonctionnement connaîtra une accalmie certaine, car les promotions exceptionnelles et le règlement d’une dette, également exceptionnelle, vis-à-vis de le CMR, ça ne se reproduit pas tous les ans ; c’est par définition…exceptionnel
Malgré les difficultés, Fathallah Oualalou ne prévoit, en 2005, que 3,2% de déficit et un taux d’inflationà moins de 2%.