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Affaires

Les crédits à  la consommation pré-acceptés sont-ils un facteur de surendettement potentiel ?

Beaucoup de sociétés de financement envoient des mailings à  leurs bons clients leur signifiant que des crédits sont à  leur disposition avec un accord pratiquement donné.
Procédures simplifiées, célérité et des montants pouvant aller jusqu’à  70 000 DH.
Les associations de défense des consommateurs considèrent que ce produit favorise le surendettement.

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Avec une croissance en berne (9% en 2009 contre 17% en 2008) et des perspectives peu rassurantes pour 2010, les sociétés de financement n’ont d’autre choix que d’aller à la recherche de solutions plus inventives pour attirer les clients. On connaissait la formule du crédit vacances, du crédit Ramadan ou encore du crédit Aïd Al Adha avec leurs corollaires de délais de paiement différés et autres avantages. Dernière trouvaille de certaines sociétés : la formule du crédit dit pré-accepté qui a pris de l’ampleur récemment. Dans les mailings que reçoivent les clients, la formule met en avant deux avantages de taille : la disponibilité rapide des fonds (le délai de 48 heures est souvent mis en avant) et la simplification de la procédure d’octroi du crédit.
En effet, le client désireux de contracter un crédit à la consommation a simplement besoin de présenter, en plus du mailing qu’il aura reçu auparavant, une pièce d’identité, un relevé bancaire et un justificatif de revenus (le plus souvent, il s’agit d’un bulletin de paie) pour bénéficier d’un montant de crédit pré-accepté par la société de financement pouvant atteindre, dans certains cas, 70 000 DH.
Jugée trop dangereuse par les associations de défense de consommateurs à cause des risques de surendettement et parce qu’elle va à l’encontre du projet de loi relatif à la protection des consommateurs, cette nouvelle formule fait débat. Actuellement étudié par les parlementaires dans le but d’une prochaine adoption, ce projet précise, en effet, dans son article 80, que «l’emprunteur (ndlr : le client) peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, revenir sur son engagement. Pour permettre l’exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l’offre préalable». L’article 82 du même texte va plus loin en stipulant que «tant que l’opération de crédit n’est pas définitivement conclue, aucun paiement ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur. Pendant le délai de rétractation prévu dans l’article 80, l’emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l’opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci».
Or, les offres actuellement commercialisées par les sociétés de financement précisent dans leur majorité que les crédits qui sont préalablement acceptés par la société de financement sont «disponibles sous 48 heures», sans aucune mention du délai de rétractation ni du formulaire détachable tel que stipulé dans les articles 80 et 82 du projet de loi précité. «Il est vrai que les sociétés de financement ne sont pas encore tenues par le projet de loi 31-08 puisque celui-ci n’a pas encore été adopté, mais elles devront s’y conformer dès sa publication au Bulletin officiel sous peine de poursuites judiciaires», indique-t-on auprès de la Fédération marocaine des associations de consommateurs.

Seuls les clients jugés  «solvables» sont ciblés

Du côté des sociétés de financement, l’heure n’est pas à la polémique puisque, assurent les responsables de certaines d’entre elles, la formule des crédits pré-acceptés ne viole pas l’obligation future du délai de rétractation. «Tel qu’il est prévu par l’article 82 du projet de loi, ce délai de rétractation court à partir du moment où le client formule sa demande de crédit. Une pré-acceptation dudit crédit par la société de financement n’empêche pas le client de se rétracter dans le délai fixé par le projet de loi», explique Aziz Cherkaoui, DGA de Salafin et président de la commission des crédits à la consommation au sein de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF).
A l’en croire, le délai de rétractation est prévu pour protéger le client et non pas la société de crédit. «Ce délai a pour but de limiter les pratiques de vente intempestive de crédits par la grande distribution. En France, par exemple, les clients signent des crédits pour l’achat d’un produit auprès du magasin de grande distribution. Ce n’est pas la société de financement qui vend le crédit dans ce cas mais le vendeur du produit qui ne connaît pas la situation d’endettement du client. Le délai de rétractation permet ainsi à ce dernier de refuser le crédit même après l’avoir accepter au niveau du magasin», ajoute M. Cherkaoui.
Pour ce qui est du surendettement, le DGA de Salafin tient à préciser que la pratique des crédits pré-acceptés est généralement proposée aux clients qui ont déjà obtenu un crédit à la consommation et surtout qui n’ont jamais eu d’incidents de paiement ou d’impayés. En somme, les sociétés ciblent les bons clients. «Cette pratique est désormais possible parce que le marché est arrivé à une certaine maturité qui permet de choisir les meilleurs clients. Avec cette offre, les sociétés de financement s’adressent exclusivement aux clients qui ont fait montre de beaucoup de sérieux et de rigueur dans la gestion de leur budget et dans le remboursement des crédits à la consommation qu’ils ont déjà contractés», conclut le président de la commission des crédits à la consommation au sein de l’APSF.
Il reste que, même solvable, le client qui n’aurait pas pensé à prendre un crédit à l’heure actuelle, réviserait peut-être son jugement et se lancerait dans des dépenses non nécessaires pour le moment. En somme, on le pousse à la consommation…