Affaires
Les compagnies d’assurance donnent un coup de frein à l’expansion de leur réseau
Le nombre d’intervenants a quasiment triplé durant les quinze dernières années. Le digital réduit l’intérêt des points de contact physique. L’obligation de nouvelles couvertures de risques notamment sur les habitations et les chantiers va élargir davantage le marché.

Le réseau de distribution du secteur de l’assurance est en pleine reconfiguration. Selon plusieurs courtiers et agents, le métier est confronté à plusieurs écueils. Arrivée en masse de nouveaux opérateurs, baisse des commissions, concurrence (saine et celle jugée déloyale de la bancassurance sur l’assurance de dommages), manque de rigueur dans les conditions d’accès à la profession, montée des impayés et des sommes à reverser aux compagnies sont les plus cités.
En effet, le secteur fait face à l’explosion du nombre d’intervenants qui a quasiment triplé durant les quinze dernières années. Rien qu’entre 2010 et 2016, le nombre est passé de 1 200 à environ 2 000 d’après les estimations des professionnels, soit un taux de progression de 66% ! En face, la croissance moyenne des primes émises n’a pas dépassé 10% au cours des cinq dernières années. Selon le responsable d’un cabinet de courtage, cette disproportionnalité découle de la course effrénée aux parts de marché. Mais les ardeurs semblent maintenant se calmer. Preuve en est le rythme de croissance des réseaux observé en 2016. Axa assurance Maroc en compte 396 contre 384 en 2015, Atlanta a agréé seulement 35 courtiers de la promotion 2015 pour arriver à 157 agents et bureaux directs. Idem pour Saham assurances qui a vu le nombre des nouveaux représentants agréés en 2016 baisser par rapport à celui de 2015 . RMA Watanya n’a pas fait mieux (239 à 260)
Seule Wafa Assurance semble se démarquer avec environ une centaine de nouveaux représentants (agents et courtiers) avec 340 points de vente contre 247 en 2015. Selon ses responsables, cet effort a permis la souscription de 22 500 nouveaux contrats (+20%) par la clientèle des particuliers (assurances locales) et une croissance de l’activité corporate (risques techniques) de 5,7% (27 nouvelles Entreprises clientes). En outre, l’intensification de l’animation commerciale auprès des intermédiaires d’assurances et des prescripteurs du groupe Attijariwafa bank a abouti au recrutement de 22 nouveaux comptes (assurances groupes) totalisant 4200 employés.
Quelques opérateurs du secteur, notamment ceux qui n’ont pas de synergies dans la bancassurance, mènent quant à eux des campagnes de recrutement des agents et courtiers à travers plusieurs canaux de communication. «L’objectif est de combler le gap qui les sépare des filiales de groupes bancaires, notamment sur les assurances de personnes», fait savoir un agent.
C’est dire que les compagnies continuent de recruter des représentants, mais le font avec beaucoup plus de retenue. «Néanmoins, le potentiel est énorme compte tenu du taux de pénétration de l’assurance qui avoisine 3% du PIB. Le marché va croître substantiellement avec l’entrée en vigueur de l’obligation de nouvelles couvertures de risques notamment sur les habitations et les chantiers», explique une source bien placée à l’autorité du marché. De plus, compte tenu de l’important taux de défections chez les intermédiaires (changement d’activité volontaire, défaillance, non-respect des conditions d’exercice du métier…), il est impératif d’en recruter pour garder le même niveau de service.
Forte concentration des intermédiaires dans les régions de Casablanca-Rabat,Tanger et Marrakech
Le directeur général d’une compagnie explique que le nombre d’intermédiaires à agréer chaque année et l’étendue du réseau dépend essentiellement de la stratégie commerciale de chaque compagnie et de sa représentation géographique (présence dans les quartiers, couverture de la ville, présence autour des zones d’activité commerciale, présence ponctuelle lors de grands évènements et salons…). C’est ce qui explique en gros la forte concentration géographique des agents et courtiers dans certaines zones. En 2015, sur les 1 878 intermédiaires, 70% exercent sur les régions de Casablanca-Rabat, Tanger et Marrakech.
Mais si les assureurs mettent la pédale douce, c’est aussi parce qu’ils sont conscients du fait que la digitalisation du métier impose, de fait, moins de points de contact physique en faveur de présence plus accentuée sur les canaux numériques. Selon le management de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR), aujourd’hui, la réglementation ne s’oppose pas à la souscription d’un contrat d’assurance par voie numérique. Sauf que dans la configuration actuelle du marché, le fait que l’assureur ne puisse apposer une signature électronique sur la police d’assurance crée une rupture dans la dématérialisation de la procédure de souscription. Le contrat physique est donc indispensable. L’amendement du livre 4 du code des assurances, actuellement dans le circuit d’adoption, mettra fin à ce blocage.
Les banques continuent d’être accusées de concurrence déloyale
Cela dit, les agents et courtiers continuent de dénoncer la concurrence déloyale des banques. Elles sont accusées de toucher à des assurances de dommages que leur réseau n’est pas autorisé à commercialiser ou à proposer à la clientèle. Ils mettent aussi à l’index la multiplication des bureaux directs des compagnies. «Même au sein de la profession, il existe plusieurs intermédiaires non structurés qui font de la concurrence déloyale et faussent le marché en proposant des prix bradés et des modalités de paiement très avantageuses»», ajoute un opérateur qui soutient qu’entre 20 et 25% des assurés changent d’intermédiaires chaque année. Un autre confie que des intermédiaires, notamment de certaine taille, continuent d’accorder des facilités de paiement à leurs assurés, alors qu’une circulaire de l’ACAPS entrée en vigueur le 1er avril 2016 conditionne la remise de l’attestation d’assurance automobile au paiement de la prime. Parallèlement à la mise en place de cette nouvelle circulaire, l’ACAPS a instauré l’obligation d’apurer les soldes des intermédiaires arrêtés au 31 mars 2016 auprès des compagnies. Des sources bien placées à la FMSAR informent que des réunions sont tenues régulièrement pour arrêter les solutions de nature à apaiser les relations entre intermédiaires et compagnies. Les premiers jugent que le taux des commissions est trop bas (aux alentours de 10 à 15% HT dans l’automobile) et appellent à la revalorisation de la grille restée figée, selon eux, depuis plus de 25 ans !
