Affaires
Les buralistes exigent une commission de 10% sur les ventes de tabac
Les commerçants menacent de boycotter les produits de la Société marocaine des tabacs et de Philip Morris. Ils profitent de la concurrence entre les différents opérateurs engendrée par l’ouverture du marché. British American Tobacco et Japan Tobacco International consentent déjà de gros avantages.
C’est comme une atmosphère de veillée d’armes qui prévaut dans le secteur du tabac. Quelques jours après le passage des représentants d’Emiratie-marocaine pour l’industrie et la distribution (EMID) qui ont confirmé aux détaillants que cette société reprendra la distribution des marques de Philip Morris à partir du 1er janvier 2015, les buralistes ont décidé d’arracher quelques avantages. En effet, le bureau national des commerçants de tabacs et produits alimentaires affilié à l’UGEP ainsi que d’autres associations régionales représentant les distributeurs de tabacs manufactures se sont réunis la semaine dernière pour discuter de la relance des négociations au sujet de l’augmentation de la marge accordée par la Société marocaine des tabacs, mais aussi pour se mettre d’accord sur celle qu’ils devaient imposer aux Emiratis. «Notre objectif est d’obtenir une marge de 10% sur les produits de la SMT et ceux de Philip Morris», explique Omar Farih, secrétaire régional du bureau national des commerçants de tabacs et produits alimentaires. Ces doléances ont été également reprises par le Syndicat national des commerçants qui représente la majorité des buralistes (18 000 au Maroc). «Il s’agit d’une occasion que nous ne devons pas rater puisqu’elle permettra d’améliorer les conditions financières des commerçants», explique Ahmed Abouh. «L’opérateur historique qui fonctionne toujours comme à l’ère du monopole n’a plus la même force de frappe, vu que dans quelques semaines il perdra la carte Philip Morris», souligne M. Farih avant d’ajouter que «les buralistes auront désormais plus de pouvoir de négociation sur ce dossier».
Les Emiratis devront aussi se préparer au rapport de force. Au regard du syndicat, l’opérateur est dans l’obligation d’accepter les conditions des détaillants pour bien s’installer sur le marché. Dans le cas contraire, «nous boycotterons les produits de ces deux opérateurs», ajoute le secrétaire général.
Les buralistes sont accusés d’être manipulés
Il est important de signaler que les représentants des buralistes savent très bien que, grâce à la nouvelle loi relative au tabac, le boycott impactera non seulement le chiffre d’affaires des opérateurs mais risque de les priver du renouvellement de la licence de distribution. Contactés à ce sujet, les deux opérateurs (SMT et EMID) refusent de se prononcer sur ce sujet. Toutefois, une source du secteur confirme que «derrière ce mouvement, se trouve un opérateur qui use de tous les moyens pour bien positionner ses produits sur le marché et, par ricochet, augmenter ses parts de marché». Face à ces accusations, Omar Farih explique que leur association est indépendante.
«Cependant, il est important de savoir que si nous n’imposons pas ces conditions à la SMT et l’EMID, nous risquons de perdre les faveurs des deux autres opérateurs. D’ailleurs, ces derniers n’hésitent pas de nous rappeler à chaque occasion qu’ils ont la possibilité de s’aligner sur les marges et intéressements proposés par la SMT», explique-t-il.
La marge la plus élevée est actuellement de 6%
Depuis l’ère de la Régie des tabacs, l’opérateur historique a toujours accordé une marge de 4,75% sur le prix de vente. «En 2009, nous avons demandé une augmentation, en vain. Cependant, nous avons réussi à arracher d’autres avantages tels que les facilités de paiement, assurance maladie complémentaire…», explique Ahmed Abouh. De son côté, Omar Farih confirme que seuls les grands buralistes, 3% des 18000 actifs, bénéficient de ces avantages. «C’est justement pour mettre fin à ce système de favoritisme que nous voulons relancer le débat, occasion que nous offrent les conditions actuelles du marché», déclare-t-il.
En effet, après l’ouverture du marché en 2011, les deux derniers entrants, en l’occurrence British American Tobacco (BAT) et Japan Tobacco International (JTI), ont utilisé la carte de la marge pour se positionner sur le marché.
BAT a accordé une marge de 6%, en plus de 1,5% sur le chiffre d’affaires si le buraliste atteint les objectifs fixés. Autre faveur, l’installation du présentoir BAT est récompensée par une prime unique de 1000 DH sous forme de cartes de recharge téléphoniques. Outre la prime d’installation du présentoir, l’opérateur verse une redevance trimestrielle variant de 300 à 1 300 DH, selon la dimension du présentoir. Pas seulement. «La société organise souvent des soirées pour les buralistes et leur offre des cadeaux précieux, ce qui n’est pas le cas pour la SMT», confie Omar Farih.
JTI n’est pas en reste. Outre la marge de 6%, ce fabricant, via son distributeur NATC, a signé avec les buralistes un contrat baptisé «Baraka» grâce auquel les buralistes bénéficient de 1% sur le chiffre d’affaires réalisé. De plus, ils ont accès gratuitement à une assurance tous risques pour le magasin. A cela s’ajoute une convention signée avec une banque de la place, qui leur permet de réaliser toutes leur opérations bancaires à 0 DH et de bénéficier d’une réduction d’un point sur le taux de crédit logement et crédit consommation.
En clair, les buralistes ont bien compris que l’environnement institutionnel a changé, et qu’ils peuvent retourner la situation en leur faveur. Affaire à suivre…