Affaires
Les banques renforcent leurs fonds propres en prévision d’un resserrement des ratios prudentiels
Après avoir été très actives sur le marché obligataire, beaucoup de banques ont recommencé à augmenter leur capital. L’un des objectifs principaux est de renforcer le coefficient de solvabilité. Les banques cherchent corrélativement à améliorer leur capacité de distribution de dividendes.
Les banques marocaines confirment leur retour sur le segment «actions» après s’être longtemps cantonnées dans leur levée de financements permanents au marché obligataire et a fortiori les obligations subordonnées. En effet, après BMCE Bank qui avait ouvert le bal en 2010 avec une opération de trois milliards de DH réservés à hauteur de 2,5 milliards à son actionnaire français, la Banque Fédérative du Crédit Mutuel et 500 MDH à son personnel, et la Banque Centrale Populaire qui a enchaîné les levées au cours des 10 derniers mois pour une cagnotte de plus de 6 milliards de DH dont 3,1 milliards de DH auprès des institutionnels marocains, 1,3 milliard de DH réservé au personnel et 1,65 milliard de DH apportés par son nouvel actionnaire, la Banque Populaire Caisse d’Epargne Maroc (filiale du français BPCE), c’est au tour, cette fois-ci, du champion national de la banque et l’assurance et d’une banque cotée de moindre envergure de sortir presque en même temps sur le marché.
Pour le groupe Attijariwafa bank, il s’agit d’un reliquat de 102,45 MDH sur une enveloppe de 2,1 milliards inscrite à un nouveau programme d’actionnariat salarié et dont la quasi-totalité a été bouclée en mars 2012. Cette fois-ci, l’offre proposée aux collaborateurs est à prix unique, soit 290 DH par action, ce qui représente toujours une décote intéressante (-15% par rapport au cours du 2 juillet 2012, soit le jour de clôture de l’opération). A l’issue de cette opération, les salariés d’Attijariwafa bank et ceux d’une vingtaine de filiales domestiques qui y sont éligibles devraient passer le cap de 5% du capital (plus précisément 5,15%). Ce qui situerait la filiale de la SNI, avant même l’opération programmée pour les salariés des filiales étrangères, au premier rang des banques marocaines en termes d’ampleur de l’actionnariat salarié, tout juste devant la BCP.
Quant au Crédit du Maroc, il procède du 9 juillet au 6 août 2012 à une augmentation de capital de 256 MDH par conversion optionnelle des dividendes de l’exercice 2011, et ce, à un prix d’émission de 699 DH. D’ores et déjà, l’actionnaire de référence, le français Groupe Crédit Agricole, a fait savoir son intention de souscrire à une telle recapitalisation, ce qui garantit un succès minimal de 77% à l’opération (ce qui correspond à sa quote-part dans le capital).
Le niveau des fonds propres de certains établissements est très bas eu égard au rythme de croissance
Les deux recapitalisations ont pour point commun de renforcer l’assise des fonds propres et, partant, le respect des ratios prudentiels qui vont en durcissant depuis quelques années. Il faut dire qu’au moment de relever, en 2008, le ratio de solvabilité (fonds propres réglementaires rapportés aux risques de crédit, de marché et opérationnel, selon la formule Bâle II) de 8% à 10%, Bank Al-Maghrib avait annoncé la couleur en enjoignant les banques à se préparer pour un autre tour de vis du même incrément, soit deux points additionnels. L’horizon de 2010 fut ainsi évoqué officieusement à plusieurs reprises. Sauf que la crise internationale et les retombées du printemps arabe qui ont contrarié la croissance économique du pays ainsi que le resserrement des liquidités observé depuis deux ans ont poussé le régulateur à surseoir à une telle décision pour ne pas enrayer davantage la machine économique (par un assèchement du crédit). Mais les banques ont bien intégré la donne, surtout celles qui fonctionnent avec un niveau de fonds propres au taquet vu leur rythme de croissance et leur volonté de ne pas sevrer leurs actionnaires en dividendes (ce qui aurait pu améliorer sensiblement la solvabilité par rétention totale des bénéfices). C’est le cas par exemple d’Attijariwafa bank dont le ratio de solvabilité s’affiche à 10,07% à fin 2011 (en comptes sociaux) et dont les augmentations de capital de ce premier semestre 2012 tombent à point nommé pour ne pas inhiber la croissance tant externe qu’interne.
Pour sa part, Crédit du Maroc, malgré son ratio de solvabilité nettement plus confortable de 12,57% à fin 2011, cherche par ailleurs à améliorer sa capacité de distribution par contrepartie qui est soumise à un autre ratio prudentiel dit de division de risque et qui risque lui aussi d’être durci par Bank Al-Maghrib.
Enfin, quant au CIH, pour ne citer que les derniers établissements bancaires ayant fait appel au marché récemment et dont les éléments récents sur leur ratio réglementaire sont donc disponibles, il affiche le ratio de solvabilité le plus confortable parmi les banques cotées, sachant qu’entre fin 2011 et le printemps 2012, il avait renforcé ses fonds propres de près de deux milliards de DH entre augmentation de capital et dette subordonnée.