Affaires
Les banques prêtes à lâcher du lest sur les garanties personnelles
La caution solidaire des associés est pratiquement demandée pour tout dossier de crédit. Le patronat souhaite que le patrimoine personnel des entrepreneurs soit protégé. Le projet de loi portant réforme des sûretés mobilières va aider les banques à surseoir aux garanties personnelles.
Les banques semblent plus disposées à lâcher du lest sur les garanties personnelles. Exigée souvent lors de l’introduction des demandes de crédit, la caution solidaire des associés ne sera plus retenue systématiquement. Cet acte, qui rend les associés responsables de couvrir avec leur patrimoine les dettes de l’entreprise (si elle vient à faillir aux obligations du contrat de prêt), est depuis longtemps décrié par les opérateurs économiques. Principale critique : il met en jeu les biens personnels des propriétaires bien qu’ils soient protégés par la forme juridique de l’entreprise (généralement de type Sarl). Un membre du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) informe que «les discussions avec le patronat sous la houlette de Bank Al-Maghrib, avancent dans l’objectif de surseoir à cette garantie, mais avec des modalités bien précises».
A la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), une source rapporte que BAM a sensibilisé les banques quant à la nécessité de revoir ce mode opératoire qui touche le patrimoine personnel censé être à l’abri. La suppression de la rétention systématique de la caution a, pour rappel, figuré à l’ordre du jour de la réunion de janvier 2016 entre l’Institut d’émission, le GPBM et la CGEM pour relancer la machine du crédit bancaire qui traverse un passage à vide depuis 2012.
Un membre de la commission tripartite qui suit le dossier confie que les établissements bancaires font preuve de plus d’ouverture quant à la discussion de ce point, mais y vont avec beaucoup de précaution. C’est dire que la partie ne sera pas facilement gagnée ! En effet, les banques ne cessent de conditionner leur souplesse à la nécessité pour les propriétaires de capitaliser leurs entités. A défaut, il sera difficile pour elles de lever la main. «Si les entreprises ont des capitaux suffisants qui bordent le risque pris, les banquiers ne vont plus demander des garanties personnelles, qui sont à la base très difficiles à mettre en jeu», explique-t-on dans le secteur.
Dans le même registre, banquiers et officiels s’accordent à dire que les garanties qui peuvent être présentées par l’entreprise doivent être diversifiées et élargies à de nouveaux types de risques pour permettre à la banque de sécuriser ses crédits et d’être mieux couverte, sans aller aux garanties personnelles.
Un registre national des sûretés mobilières sera ouvert
A ce titre, «la mouture finale du projet de loi 18-15 portant réforme du droit des sûretés mobilières et qui propose aux banques de nouveaux types de garanties va les pousser indirectement à surseoir à la caution des associés», souligne une source à la Direction du Trésor et des finances extérieures. La version finale du texte dont la rédaction a été entamée en mars 2015 est fin prête. «Elle sera versée bientôt dans le circuit d’adoption, une fois les nouvelles équipes dirigeantes du nouveau gouvernement en place et les prérogatives de chacune délimitées», informe la source de la Direction du Trésor, initiatrice du texte.
Ce projet de loi structurant pour l’accès au financement autorise en effet les entreprises à donner en garantie tout élément de leurs biens, y compris ceux qui sont utiles à leur activité et/ou dont la dépossession est matériellement impossible (biens incorporels). Cela revient à présenter des parties du fonds de commerce en garantie au lieu de le nantir en entier comme le veut la pratique. Cette mesure permettra ainsi aux entreprises de prétendre à des financements additionnels sur chacun des éléments constituant le fonds de commerce.
Autre nouveauté, la possibilité de valoriser les biens incorporels du fonds en vue de les proposer en garantie. Les opérateurs auront même la possibilité de nantir des actifs futurs (éléments qui viennent s’ajouter au fonds de commerce au cours de la vie de l’entreprise, revenus à venir…). De même qu’ils pourront donner en garantie des créances dont le montant n’est pas encore déterminé ou est susceptible d’évoluer dans le temps, sous réserve, toutefois, que le montant maximum (en principal) de cette créance soit déterminable. Les emprunteurs pourront aussi demander une mainlevée sur une partie seulement des actifs nantis à hauteur des remboursements effectués.
Dans le même sens, un registre national des sûretés mobilières est en cours de mise en place par la Société Financière Internationale qui l’a déjà implémenté dans d’autres pays. Son principal apport est d’informer en temps réel les autres créanciers sur les inscriptions du bien mobilier donné en garantie et de fixer le rang des bénéficiaires sur ledit bien. Peu confiants dans l’effectivité des sûretés en leur possession, les banquiers demandent beaucoup de garanties pour se protéger au maximum. A l’avenir, ils ne seront plus tentés de se sur-couvrir, ce qui libérera une grande partie des garanties retenues (notamment personnelles) et permettra aux entreprises de prétendre à d’autres financements.
Les banques exigent l’inscription de 1er rang de l’hypothèque sur le bien d’équipement objet du financement
En attendant, l’essentiel des sûretés présentées aux banques concerne actuellement le nantissement de l’intégralité du fonds de commerce, l’hypothèque, les cautions personnelles des associés, le nantissement de bons de caisse et les contre-garanties bancaires dans une moindre mesure.
Pour les crédits d’exploitation, à l’exception des grands groupes et multinationales, la mise en place des concours pour les PME est conditionnée dans la majorité des cas à la production simultanée de garanties réelles (hypothèques), de sûretés mobilières (nantissements de fonds) et personnelles (caution des dirigeants). Parfois, les banques se limitent à des garanties non réelles, mais sur quelques lignes de crédit moins risquées tel que l’escompte des effets de commerce sur des bons tirés ou les cautions administratives pour des entreprises qui sont réputées de bonne moralité.
Pour les crédit d’investissement, l’inscription de premier rang de l’hypothèque sur le bien d’équipement objet du financement est exigée dans la quasi-totalité des cas, en y ajoutant la caution des gérants et accessoirement le nantissement du fonds de commerce.