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Affaires

Les banques à  la reconquête du créneau des fonctionnaires

Ils représentent une masse salariale de plus de 68 milliards de DH

Ils sont structurellement consommateurs de crédit

La stabilité de leur emploi en fait une clientèle à très faible risque.

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Attijariwafa bank, BMCI, BMCE bank et la Société générale marocaine des banques, les grandes banques de la place refont la cour aux fonctionnaires. Si la plupart des institutions bancaires offraient, depuis belle lurette, des produits et taux spéciaux aux employés de l’administration, elles tentent aujourd’hui d’attirer encore davantage ce segment de clientèle en leur dédiant des forfaits de services.

C’est Attijariwafa bank qui avait ouvert le bal l’an dernier, avec «Hissab Mourih». Les prestations de base, comme le compte chèque, la carte bancaire, les prélèvements automatiques pour les factures d’eau et d’électricité ou virements nationaux sont proposés à des prix très compétitifs. Des taux préférentiels sont également accordés aux fonctionnaires pour les crédits immobiliers ou à la consommation. Une fois cette première offensive d’offres groupées lancée, les autres banques ont emboîté le pas. De fait, c’est un peu le même scénario qui s’était produit avec les produits bancaires islamiques, dits aussi alternatifs.

Il y a quelques semaines, c’est BMCI qui s’est mise de la partie, avec le pack «Moumayaz». Elle y a notamment ajouté des facilités d’épargne pour l’éducation des enfants. «Nous avons souhaité étoffer notre offre globale, proposer des produits et services réellement adaptés», indique une source à la BMCI. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan, mais, selon la même source, les ventes en agence atteignent largement les objectifs.

C’est que les fonctionnaires représentent une clientèle de choix. Leur nombre, premièrement, est imposant. Selon les chiffres de l’étude Gouvernance et modernisation de l’administration au Maroc, publiée par le ministère de la modernisation des secteurs publics, ils étaient 537 000 en 2005.

Au moins la moitié d’entre eux serait bancarisée, c’est-à-dire 250 000. Considérant que le Maroc compte trois millions de personnes bancarisées, les fonctionnaires représenteraient 8% du lot, selon la même étude. Si l’on estime que le salaire mensuel moyen brut d’un employé de l’Etat est de 6 500 DH, ce segment de clientèle représente une masse salariale de 68 milliards de DH par an, d’après les chiffres du ministère. De quoi faire rêver un banquier.

Seule la moitié des fonctionnaires serait bancarisée
Outre leur nombre, la stabilité de la situation des fonctionnaires en fait aussi une cible de choix. Leurs salaires sont domiciliés, versés chaque mois par virement, et la sécurité de l’emploi est, pour eux, presque garantie. «Il y a très peu d’impayés auprès de cette clientèle, c’est une population à très faible risque», confie un haut cadre d’une autre banque.

Tous les responsables des engagements des grandes banques le savent : les dossiers de crédit concernant des fonctionnaires sont ceux qui passent le plus facilement, à condition qu’il n’y ait pas d’incident ou de surendettement. Le faible «risque fonctionnaire» s’explique aussi par le fait que beaucoup de sociétés de financement prélèvent leurs traites à la source, auprès de la Paierie principale. En outre, pour pouvoir changer de banque, le fonctionnaire doit obtenir une mainlevée de son institution bancaire. «Cela en fait des clients très fidèles», ajoute-t-on.

C’est donc surtout pour capter de nouvelles recrues que les institutions bancaires lancent tour à tour leurs forfaits. «Mais aussi pour la conquête auprès de concurrents», précise notre source de la BMCI. Et cela semble fonctionner : «Les gens viennent en grand nombre pour chercher de l’information en agence». «Rien de mieux qu’un peu de compétition pour créer de l’émulation !», lance ce directeur d’agence d’une autre grande banque.

Mais les fonctionnaires sont aussi de grands emprunteurs. C’est une clientèle structurellement consommatrice de crédit. Les employés de l’Etat avaient d’ailleurs marqué l’histoire du crédit personnel au Maroc. «Dans les années 1980, alors qu’il n’y avait aucune loi pour régir le crédit aux particuliers, ils ont été nombreux à atteindre des taux d’endettement allant jusqu’à 95% de leur capacité», raconte un directeur d’agence. En effet, à l’époque, la seule exigence était de conserver 1 000 DH sur son solde.

«Les banques, mais surtout les sociétés de crédit à la consommation, ont fait leurs choux gras de cette situation. Ensuite, le plafond d’endettement à été fixé à 45% du salaire», admet cette même source. Encore aujourd’hui, les employés de l’administration sont perçus comme une clientèle qui s’endette beaucoup, et épargne difficilement. «Il y en a même qui contractent des crédits pour pouvoir en placer une partie dans des comptes sur carnet. C’est de l’épargne à l’envers», plaisante le directeur d’agence.