Affaires
Les actionnaires de Recours décident de la dissolution anticipée
La situation financière n’a pas arrêté de se dégrader depuis 2007. La Coface, actionnaire majoritaire, avait décidé de créer sa propre filiale de renseignement commercial suite à une mésentente avec ses partenaires locaux. Recours détient une belle pépite, une base de données de plus de 15 000 sociétés.

Recours, le doyen marocain des sociétés de renseignement commercial, ne fêtera vraisemblablement pas ses 20 ans d’existence qui seront atteints en octobre prochain. En effet, l’actionnariat, issu en 1993 d’un partenariat franco-marocain regroupant la Smaex (Société marocaine d’assurance à l’export), BMCE Bank, SGMB, BCP et le groupe Coface, numéro deux européen de l’assurance-crédit, vient d’acter en assemblée générale extraordinaire (AGE) la dissolution de la société par anticipation pour cause de «dégradation de la situation financière». La société est même pratiquement à l’arrêt depuis 2010, en témoignent les documents comptables déposés au tribunal de commerce.
Comment cet ex-fleuron du renseignement qui rendait un immense service aux assureurs crédits étrangers amenés à couvrir le risque de contrepartie de leurs clients exportateurs vers le Maroc en est-il arrivé là ? Comment après avoir greffé avec réussite, vers la fin des années 90, le recouvrement des créances sur l’entreprise à son métier de base, et réussi à développer une mine d’informations sur les PME marocaines (base de données de plus de 15 000 sociétés), les actionnaires de cette structure, malgré toute leur puissance financière et la complémentarité de leurs métiers respectifs avec les activités de la société, ont-ils jeté précipitamment l’éponge ?
Coface voulait prendre le contrôle de Recours contre la volonté de la Smaex
Des questions auxquelles il est difficile de répondre directement tant les actionnaires n’ont point communiqué sur leurs motifs. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le sort de Recours était pratiquement scellé depuis 2007, année où la Coface, actionnaire majoritaire avec 35% du capital devant la Smaex qui détient 25%, et, surtout, premier client de la société représentant plus de 80% du business, a décidé de faire un pied de nez à ses partenaires marocains qui venaient de torpiller son projet de prendre le contrôle de la société. En effet, ayant refusé de lui ouvrir la voie après un premier accord (lequel avait fortement hérissé la Smaex qui souhaitait garder la main sur une entité dont elle a toujours présidé le conseil d’administration), les actionnaires marocains ont provoqué l’ire de la société française d’assurance à l’export qui n’était tenue par aucune clause de non-concurrence vu l’absence d’un quelconque pacte d’actionnaires. Dès lors, l’entité française créa dans la foulée Coface Services Maghreb, débaucha l’ex-directeur général de Recours et bascula graduellement en trois ans toutes ses commandes de renseignement commercial et de recouvrement vers sa nouvelle filiale à 100%. Quant à la base de données de clients dont la propriété était partagée entre les actionnaires, elle ne fut en aucun cas un obstacle devant Coface Services Maghreb pour asseoir sa couverture du marché marocain. Aussi, deux ans après cette défection, Recours entamait une descente aux enfers qui lui fit consommer tout son matelas de réserves sans jamais pouvoir retrouver l’équilibre d’exploitation, malgré tous les espoirs nourris par l’ex-présidente de la Smaex à reconstituer le chiffre d’affaires perdu avec la Coface dans le sillage de l’élargissement de l’intervention de la SMAEX dans l’assurance-crédit domestique (un projet qui aurait pu, certes, donner au passage du grain à moudre à Recours, mais qui n’a jamais abouti).
La trésorerie n’est pas encore asséchée
Il semblerait aussi que le changement de présidence opéré en 2012 à la tête de la Smaex ait précipité à cette décision avant que les actionnaires ne soient acculés à mettre la main à la poche pour faire face aux coûts de liquidation (notamment le coût social) tant il est vrai que la trésorerie n’est pas encore asséchée. Pour leur part, les clients, devenus rarissimes au fil des dernières années, se sont tournés vers les concurrents de plus en plus nombreux. Quant aux actionnaires marocains, ils ne font que subir le contrecoup de leur décision, prise six ans plus tôt, de bloquer le projet pertinent et légitime de Coface de monter dans le capital de Recours.
