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Les actifs immobiliers des banques inquiètent Bank Al-Maghrib !

Les banques optent de plus en plus pour le recouvrement non conventionnel de créances en souffrance des promoteurs immobiliers plutôt que de faire jouer leurs hypothèques. En contrepartie de l’extinction de leurs créances, elles récupèrent la propriété des biens immobiliers de leurs clients.

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Bank Al Maghrib

Les banques prennent goût aux mécanismes de recouvrement non conventionnels et cela inquiète. Au lieu de réaliser leurs hypothèques, comme cela se fait habituellement pour récupérer des créances en souffrance, elles s’entendent de plus en plus avec les débiteurs en difficulté, notamment dans la promotion immobilière, pour recourir à deux voies alternatives permises par la loi : la dation en paiement et la vente à réméré. Le premier mécanisme consiste à ce que le débiteur transfère la propriété d’un bien (celui objet de l’hypothèque ou tout autre actif) à la banque contre extinction de tout ou partie de sa dette. La vente à réméré donne elle aussi lieu à un transfert de propriété. Mais celui-ci ne se fait qu’à titre provisoire pour une durée de 3 ans au plus. Durant tout ce délai le débiteur a la possibilité de racheter son bien. A défaut d’exercer cette option, l’actif est définitivement acquis à la banque.

Ces deux mécanismes ont été médiatisés ces derniers mois dans le sillage du plan de restructuration du promoteur immobilier coté en bourse, Alliances. Pour alléger son endettement, celui-ci a proposé à ses créanciers (banques et détenteurs de titres de dette privée) des dations en paiement approchant 3 milliards de DH et des ventes à réméré dépassant 1,6 milliard de DH. Mais à vrai dire, cela fait quelques années déjà que les banques se tournent de plus en plus vers ces mécanismes, ainsi que le rapportent des directeurs juridiques au sein des établissements de crédit. «Ces montages ont commencé à être utilisés de manière récurrente depuis les débuts du marasme du secteur immobilier il y a près de 5 ans», explique un professionnel. «Ils sont mis en œuvre surtout pour les dossiers de la grande promotion immobilière sur des projets de standing intermédiaire et élevé, sans pour autant exclure les professionnels de taille moins importante», détaille-t-il. Prises dans le mouvement, les banques ont même étendu l’usage des dations en paiement à la clientèle des particuliers (voir article en page 18).

Des mécanismes utilisés pour éviter un «effondrement» du secteur immobilier !

Dans ce contexte, et sachant que les créances en souffrance des promoteurs immobiliers n’ont fait que croître ces derniers temps, l’on ne s’étonnera pas d’apprendre que les banques cumulent actuellement dans leur bilan pour plus de 11 milliards de DH d’actifs issus de dations en paiement et de vente à réméré, selon des chiffres obtenus auprès de Bank Al-Maghrib, ce qui marque selon l’institution une véritable montée en flèche en quelques années.

Si les banques recourent davantage à ces mécanismes non conventionnels, c’est parce qu’elles y trouvent largement leur compte. «Ces montages ont l’intérêt de pallier à toutes les manœuvres destinées à ralentir la procédure, que nous subissons habituellement lors d’actions de recouvrement judiciaire», explique le directeur juridique d’une banque de la place. Plus que d’éviter le retard de procédure, les voies alternatives permettent aux banques de minimiser les dégâts à leur niveau et pour leur client quand celui-ci ne peut faire face à sa dette. «La mise en œuvre d’une hypothèque signe systématiquement l’arrêt de mort d’un projet, puisque le promoteur n’est plus du tout autorisé à intervenir sur son programme que ce soit pour l’achever ou le vendre», explicite un professionnel. A l’inverse, les mécanismes non conventionnels permettent la continuité de l’activité. Dans la pratique, la dation en paiement est négociée avec des promoteurs qui transfèrent la propriété de certains de leurs biens pour réduire leur endettement et avoir ainsi la possibilité de mener à leur terme d’autres programmes. De même, à travers la vente à réméré, les développeurs négocient une rallonge de crédit (garantie par le transfert de propriété provisoire au profit de la banque) pour achever leur projet et être en mesure de le commercialiser et de rembourser la banque. «Si ce n’était ces recours, on courrait vers un effondrement du secteur immobilier», estime un professionnel.

BAM exigera de provisionner ces actifs

Reste qu’à travers ces montages, les banques héritent d’actifs immobiliers qui pèsent de plus en plus lourd au niveau de leur bilan, selon l’appréciation de BAM, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes. D’abord, en récupérant des biens immobiliers au lieu de l’argent en remboursement de leurs financements, les banques courent le risque de devenir moins liquides. Les établissements en sont bien conscients, la revente de ces actifs peut prendre des années ce qui limite leurs possibilités pour répondre aux besoins de liquidité. Mais à la limite, ces recouvrements non conventionnels permettent aux établissements de s’en sortir au moins avec un actif sûr, relativise-t-on au sein de BAM. Si l’on n’avait pas opté pour ces montages, les 11 milliards de DH de dations et de ventes à réméré comptabilisés au niveau du secteur apparaîtraient au niveau des créances en souffrance, ce qui établirait la part de celles-ci à 10% sur l’ensemble des crédits au lieu du niveau actuel de 8%, selon les estimations de l’institution.

Ce qui préoccupe plus BAM, c’est que la prise d’envergure des actifs immobiliers dans le bilan des établissements dénature leur activité. «Les banques n’ont pas vocation à être des agences immobilières», explicite-t-on. Cela amène en outre un autre risque : en cas de retournement de conjoncture sévère sur le marché immobilier, le montant d’entrée des actifs se dépréciera, ce qui grignotera le patrimoine des banques.

Pour prévenir ces risques, la banque centrale planche actuellement sur une circulaire encadrant le recours des banques aux dations en paiement. A l’instar de ce qui se fait à l’international, le nouveau cadre introduira des contraintes pour inciter les établissements à ne pas garder indéfiniment les dations en paiement dans leur bilan. L’idée est que les banques provisionnent chaque année une fraction de la dation (les durées ne sont pas encore déterminées). Une fois la dation revendue, cette provision pourra être reprise.

D’ici là, les établissements ne devraient pas ralentir le mouvement sur le recouvrement non conventionnel vu la morosité persistante du secteur immobilier et sachant que le projet de Loi de Finances 2017 introduit la neutralité fiscale pour la vente à réméré, une mesure attendue de longue date par les professionnels pour renforcer leur recours à ce mécanisme.

Com’ese

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