SUIVEZ-NOUS

Affaires

Les accidents repartent à  la hausse !
Faut-il réinstaurer le retrait du permis ?

– Karim Ghellab milite pour le retour au retrait du permis en attendant la promulgation du nouveau code de la route.
– Depuis mai dernier, le contrôle s’est relâché et les PV ne font pas l’objet de sanctions. Le sentiment d’impunité chez les automobilistes s’accroît.
– Permis à puce, radars, système d’information, le nouvel arsenal de la circulation routière se met en place.

Publié le


Mis à jour le

rub 2135

On a failli croire, à un certain moment, que l’année 2006 marquerait un tournant dans la lutte contre les accidents de la circulation; qu’elle serait l’année où l’on aura commencé à récolter les fruits du PSIU (Plan stratégique intégré d’urgence), lancé en 2004 pour arrêter ou du moins infléchir la courbe de la délinquance routière. Et pour cause, l’hiver avait connu une relative accalmie, la fréquence et le niveau de gravité des accidents ayant légèrement baissé. En témoignent les statistiques du premier trimestre 2006, au terme duquel le nombre d’accidents avait diminué de 1,30 % par rapport au premier trimestre 2005. C’est bien sûr modeste, mais, dans le même temps, le nombre de tués et de blessés graves avait reculé respectivement de 6,45% et de 9%. Durant le seul mois de mars, ces deux derniers indicateurs avaient encore reculé de 17,44% et de 12,42%. Ces résultats avaient été rendus possibles grâce, il faut le dire, à un resserrement du contrôle, aussi bien en agglomération que sur route, mais également grâce aux campagnes de sensibilisation organisées à l’échelle nationale ou régionale.

Les agents de la circulation invités à être plus rigoureux

La joie aura été de courte durée. Ces derniers mois, et même ces derniers jours, ont été marqués par une recrudescence des accidents de la circulation où sont impliqués des autocars de voyageurs, avec leurs lots de tués et de blessés qui ont effacé des tablettes les modestes résultats du début de l’année. Les causes de ce retour de manivelle, nous avons tenté de les connaître en interrogeant le ministre de l’équipement et du transport, Karim Ghellab, qui a tenu, avant de répondre, à préciser certaines choses, sans se voiler la face.
Selon le ministre, «il n’y a pas trop d’accidents d’autocars, il y a trop d’accidents tout court. Simplement, les accidents d’autocars sont plus choquants par le nombre de morts, et touchent plus l’opinion publique, car objet d’une médiatisation importante. C’est aussi un mode de transport où l’Etat a un rôle de contrôle plus important».
La précision étant faite, le ministre du transport estime que ce qui est arrivé ces derniers mois ne relève pas de la fatalité, mais d’un «relâchement au niveau des sanctions». En effet, jusqu’aux mois d’avril et mai, on avait constaté un fléchissement du nombre d’accidents par rapport aux mêmes périodes de 2005. Le mois de juin a plutôt connu une stagnation, puis, en juillet, on a assisté à une recrudescence sans précédent. D’ailleurs, le profil de la courbe des accidents, corroboré par celui de la courbe des tués, montre bien l’accélération de la tendance.
Pourquoi cette hausse subite ? Karim Ghellab n’y va pas par quatre chemins : la décision de l’Etat de ne pas recourir au retrait systématique du permis quand l’automobiliste coupable n’a pas les moyens de payer l’infraction.
L’on se rappelle qu’au printemps dernier, à la suite d’un dossier publié par La Vie éco (www.levieeco.com), démontrant clairement l’illégalité du retrait systématique du permis, plusieurs organes de presse avaient relayé l’information. Le parlement avait alors interpellé à ce sujet le ministre de la justice qui s’était résigné, en avril, a émettre une note circulaire invitant les agents de police et les gendarmes à revenir à «une stricte application de la loi». Pour M. Ghellab, nul doute que le lien de causalité est prouvé. Depuis l’émission de la circulaire, «le contrôle sur les automobilistes s’est relâché. Des procès verbaux sont dressés et adressés à la justice comme à l’accoutumée, mais les sanctions tardent à venir», estime le ministre qui parle de sentiment d’impunité aujourd’hui chez les automobilistes. La circulaire a donc créé un décalage en rendant le contrôle moins efficace. «Il est urgent, martèle M. Ghellab, de revenir à un mécanisme plus dissuasif, y compris en retirant le permis de conduire aux contrevenants.»
Le déclaration du ministre peut surprendre quand on sait que la décision a été prise par son collègue au sein du même gouvernement. N’y a-t-il pas eu concertation entre les départements de la Justice et du Transport au sujet de cette circulaire? «Non», répond le ministre du transport. La messe est dite.

L’amende maximale ramenée de 7000 à 3000 DH dans le projet de code de la route

Que fera l’Etat, entre la nécessité de juguler le fléau et l’obligation de respecter la loi ? Personne ne peut apporter de réponse pour le moment. Sans doute faudra-t-il attendre l’entrée en vigueur du nouveau code de la route, adopté en Conseil de gouvernement et non encore présenté au Parlement. «Une mesure prévoyant le retrait du permis de conduire figure dans le nouveau code de la route, qui a été adopté en conseil des ministres et qui sera soumis prochainement au Parlement. Ce retrait sera légal car il sera fait en contrepartie d’un reçu qui donnera le droit de circuler pendant une période déterminée, ce qui n’est pas le cas actuellement». Selon M. Ghellab, le permis de conduire constitue un élément central dans la politique globale du gouvernement en matière de lutte contre les accidents.
Est-ce à dire que l’on s’achemine vers un code de la route plus répressif ? «C’est un code qui n’est pas répressif seulement, il vise à concilier répression et droits du citoyen, à clarifier les pouvoirs des uns et des autres et, d’une manière générale, à introduire plus de rigueur». En effet, outre le retrait du permis de conduire contre un reçu, le citoyen peut avoir recours au tribunal s’il estime avoir été l’objet d’une injustice. Ainsi, moyennant une caution, il peut suspendre le paiement de l’amende en attendant que le tribunal statue sur son cas. Ceci d’autant que les amendes et les sanctions prévues se veulent rédhibitoires et de nature à faire émerger un comportement citoyen chez les usagers de la route. «Nous espérons aussi trouver un comportement citoyen chez les parlementaires pour voter ce texte», souligne M. Ghellab, qui nous dit exercer «une pression énorme» pour accélérer le passage du nouveau code de la route au Parlement. Le texte sera soumis à la prochaine session du Parlement qui devrait l’examiner pour l’adopter, au plus tard, lors de la session de printemps.
En tout état de cause, donc, le nouveau code sera en vigueur au plus tard, selon lui, d’ici l’été prochain. Le ministre espère que le texte, lors de son passage dans le circuit législatif, ne sera pas vidé de sa substance. Comme signe de bonne volonté du gouvernement, l’amende maximale, qui était dans la mouture initiale de 7 000 DH, n’est plus que de 3 000 DH

Contrôle
150 radars et des permis à points pour contrer les chauffards

Avec l’entrée en vigueur du nouveau code de la route, c’est tout un arsenal de mesures qui va être mis en place pour en faciliter l’application. Il s’agit d’abord de la mise en place d’un système de contrôle et d’information qui a comme cœur l’installation de 150 radars, à 500 000 DH pièce, soit un investissement total de 75 MDH. La moitié de ces radars sont déjà installés et certains sont en test depuis quelque temps à Rabat. Les véhicules en infraction sont flashés par le radar à l’arrière afin que la plaque d’immatriculation du véhicule soit bien identifiable. Une convention a été ainsi signée avec Barid Al Maghrib pour transmettre les informations et la sanction aux contrevenants.
Ensuite, il y aura l’adoption du permis à points en même temps que le code de la route. Ainsi, le conducteur sera informé du nombre de points qui lui aura été retiré et des procédures à suivre pour s’acquitter des amendes, et libre à lui de coopérer ou non, sachant qu’un jour ou l’autre il sera «coincé». Un système administratif de gestion des points pour les permis actuels (en support papier) sera mis en place, en attendant que le permis à puce voie le jour. Sur ce chapitre, la prochaine tentative sera sans doute la bonne. Dans les prochaines semaines, on connaîtra la société qui aura remporté le marché des cartes grises et permis électroniques qui seront mises en place progressivement dans un délai de quatre à cinq ans