Affaires
L’épargne nationale en baisse deux trimestres de suite
Elle atteint 53.5 milliards de DH, soit 25.9% du PIB. Le gap entre l’épargne et l’investissement s’est élevé à 18.6 milliards au cours du deuxième trimestre 2012. L’aggravation des déficits extérieur et budgétaire en partie à l’origine du recul de l’épargne.
La situation de l’épargne nationale ne s’améliore pas ; peut-être le sera-t-elle, peu ou prou, après l’encaissement de l’emprunt de 1,5 milliard de dollars (près de 13 milliards de DH) que le Trésor vient de lever sur le marché international ! Selon des statistiques puisées dans les comptes nationaux, l’épargne nationale, au cours du deuxième semestre de 2012, a en effet baissé à la fois en valeur absolue et par rapport au PIB : 53,48 milliards, au lieu de 54,15 milliards à la même période de 2011, soit une diminution de 1,2%. Elle représente ainsi 25,9% du PIB contre 27,4% le même trimestre de l’année dernière. Pendant ce temps, l’investissement a, lui, crû de 1,8%, à 72 milliards, soit 34,9% du PIB. Ce faisant, le compte épargne-investissement accuse un déficit de 9 points (ou 18,57 milliards de DH) au lieu de 8,4 points un an auparavant.
Au premier trimestre, la situation ne fut guère meilleure : l’épargne nationale avait baissé de 2,3% à 53,5 milliards par rapport au premier trimestre de 2011, représentant 26,2% du PIB au lieu de 27,7% un an auparavant. L’investissement, en revanche, avait augmenté de 7%, à 75 milliards de DH, soit 36,76% du PIB. Le gap ici entre épargne et investissement était de…10,56 points, soit 21,5 milliards de DH, contre 7,7 points, soit 15,4 milliards de DH le même trimestre de l’année 2011. Cela explique pourquoi le gouvernement a dû recourir à l’emprunt à l’étranger : l’économie accuse un déficit de financement qu’il fallait combler.
Plusieurs raisons expliquent ce déficit. Il y a d’abord la consommation des ménages qui croît plus rapidement (4,8% et 4,4% respectivement au premier et au deuxième trimestres) que le PIB en valeur : 3,1% et 4,4% respectivement au premier et deuxième trimestres. Mais ce n’est pas propre à ces périodes de 2012. La consommation des ménages progresse de façon constante, elle constitue d’ailleurs la principale composante de la demande interne et, à ce titre, le facteur déterminant de la croissance économique. Au deuxième trimestre de 2012, en effet, la consommation des ménages a contribué pour 2,6 points à la croissance, alors que la contribution de l’investissement s’est limitée à 0,7 point. Idem au premier trimestre où les contributions respectives à la croissance ont été de 2,8 points et 0,5 point. Quand ce n’est pas la bonne campagne agricole, ce sont les revalorisations salariales décidées à intervalles réguliers ainsi que les transferts des MRE qui “alimentent” cette consommation.
La consommation croît plus rapidement que le PIB
Le hic, nous l’avons déjà évoqué ici, est que cette consommation est satisfaite dans une assez large mesure (plus de 40%) par les importations ; lesquelles sont “bosstées”, entre autres, par la baisse des tarifs douaniers, consécutivement aux multiples accords de libre-échange conclus par le Maroc. D’où, en partie du moins, le déficit commercial que l’on sait. Il en résulte que les transferts que le pays reçoit de l’extérieur ainsi que les recettes provenant des exportations de biens et services sont réexpédiés illico sous forme de règlements (en devises bien sûr) des importations. Et le résultat s’appelle “Déficit du compte des transactions courantes”, ou, plus simplement, un déficit de financement de l’économie. Ces dernières années, même les recettes des investissements étrangers ne suffisent plus à couvrir le déficit commercial, d’où le déficit, plus global, de la balance des paiements.
C’est ainsi que, contrairement à la consommation, les échanges extérieurs de biens et services, depuis quelques années d’ailleurs, contribuent négativement à la croissance économique. Cette contribution négative a été de 1,8 point au deuxième trimestre 2012 et de 2 points au premier !
Mais le rythme soutenu de la consommation n’explique pas à lui seul le recul de l’épargne nationale. La crise, qui ralentit le rythme de croissance des recettes fiscales et, surtout, le renchérissement des charges de compensation ainsi que la hausse des dépenses de personnel suite aux revalorisations découlant du dialogue social, font que l’épargne de l’Etat (soit le solde ordinaire du budget) n’est plus ce qu’elle était. Alors que cette épargne pouvait représenter jusqu’à 20% du PIB, comme en 2008 (année de recettes fiscales exceptionnelles), elle a été négative de 2,2 milliards de DH en 2011, et sur les dix premiers mois de 2012, le déficit est de 6,84 milliards de DH (le gouvernement prévoyant un déficit pour l’ensemble de l’exercice de 15,62 milliards de DH). C’est bien connu, lorsque le solde ordinaire dégage un déficit, l’investissement du budget est financé par la dette. Et c’est le cas présentement.
Autre facteur expliquant la faiblesse de l’épargne : l’insuffisance de produits de placement attractifs, d’une part, et le manque de confiance (peut-être de transparence !) attribué à de gros détenteurs d’argent qui préféreraient les bas de laine au circuit financier classique, d’autre part.