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Lente progression de l’entrepreneuriat féminin au Maroc

D’après une étude du cabinet Deloitte, le tiers des femmes marocaines, âgées de 18 à 64 ans, ont déclaré leur intention de monter une affaire dans les trois prochaines années. Les femmes entrepreneures marocaines tentent de concilier entre volonté d’autonomie et d’émancipation et respect de schémas de pensées traditionnels.

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Les principaux freins à l’entrepreneuriat sont les mêmes pour les femmes que les hommes. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée sur le site de recrutement en ligne, ReKrute.com. Ces freins résident dans les problèmes d’accès au financement, les difficultés liées à l’accès au foncier (l’achat et la location), au manque de soutien et au défaut d’accès à des réseaux. Malgré tout, certains freins sont spécifiques aux femmes, tels que la peur de l’échec qui se retrouve une fois et demie de plus chez les femmes que chez les hommes. De même qu’il existe un écart important, entre les deux sexes, au niveau de la perception de la compétence. C’est ainsi que seulement 45% des femmes déclarent avoir confiance en leurs compétences personnelles, contre 67% des hommes. A cela s’ajoute la pression liée aux normes socio-culturelles, qui veut que la femme s’occupe davantage de la gestion du foyer et de l’éducation des enfants.

Pourtant, en dépit de cette multitude d’obstacles, la volonté d’entreprendre est loin de faire défaut. Une étude sur l’Entrepreneuriat au féminin réalisée par le cabinet Deloitte, basée sur un rapport de 2017 du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) et portant sur 74 pays à travers le monde, fait apparaître qu’en 2016, environ 163 millions de femmes, âgées entre 18 et 64 ans, étaient en train de développer une activité entrepreneuriale (contre 126 millions en 2012) et 111 millions géraient déjà une telle activité (contre 98 millions en 2012) depuis plusieurs années. L’étude montre aussi que 34,3% des femmes au Maroc ont déclaré avoir l’intention de lancer une affaire dans les trois prochaines années, contre 14,3% en France. En outre, 3% des femmes marocaines de 18 à 64 ans ont créé leur entreprise depuis plus de trois ans et demi, contre 2,9% dans l’Hexagone. En revanche, le nombre de femmes, entre 18 et 64 ans, ayant cessé l’activité de leur entreprise durant les douze derniers mois est de 2,1% dans le Royaume, contre 1% en France. La part liée à l’absence de rentabilité dans la cessation d’activité au Maroc est, quant à elle, de 46,2% et celle liée au manque de financement est de 19 2%, contre respectivement 8,5% et 28,4% en France.

En général, les études préparent au salariat

Ces données ont été dévoilées lors de la huitième édition de la rencontre annuelle entre femmes et hommes d’entreprises français et marocains organisée, le 15 mars à la Résidence de France à Rabat, par le Service économique régional (SER) de l’ambassade de France au Maroc et les conseillères du commerce extérieur de la France au Maroc, en marge de la Journée internationale des droits des femmes. L’édition de cette année a été consacrée à «l’entrepreneuriat féminin».

Lors de cette rencontre, Janick Pettit, gérante Maroc pour Sagaci Research, a mis l’accent sur la place de la femme dans le monde du travail au Maroc, qui reste encore «très timide», déplorant qu’en 2016, seulement 22% des femmes marocaines au-dessus de 15 ans étaient actives, contre 65% pour les hommes ; ce qui est bien en-dessous de la moyenne de 59% des pays de l’OCDE.   

Pour sa part, Manal El Aboubi, professeure à l’Université Mohammed V de Rabat et chercheure associée à HEM Research Center, a présenté les résultats d’une étude qualitative menée auprès de soixante femmes entrepreneures, visant à comprendre le processus entrepreneurial de trois profils de femmes au Maroc, à savoir les femmes chefs d’entreprises, les femmes exerçant une profession libérale et les femmes en coopérative. Cette étude met en relief «les paradoxes au sein desquels les femmes entrepreneures marocaines exercent leurs activités, tentant de concilier une volonté d’autonomie et d’émancipation avec le respect de schémas de pensées traditionnels qui conditionnent, voire handicapent, leur exercice entrepreneurial». De ce fait, l’étude préconise la «création d’un écosystème local» qui favorise, d’une manière générale, l’entrepreneuriat au Maroc et celui des femmes en particulier. L’argument avancé est qu’il est difficile de soutenir les entrepreneurs, en négligeant l’influence de leur environnement : régional, familial, culturel (éducation, religion), type de métier, etc.

Parmi les autres interventions marquantes, figure notamment celle de Fatim Zahra Biaz, créatrice de New Work Lab, un incubateur de start-up à Casablanca, qui a fait remarquer que «les systèmes d’apprentissage sont inversés», expliquant que «les études ne nous apprennent pas à entreprendre. Au mieux, elles nous préparent à être salariées de grandes entreprises». Et d’ajouter: «Pour entreprendre, il faut d’abord apprendre à vendre, avant de produire».