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Leasing : les établissements publics troquent leurs biens contre du cash !

Les sociétés de leasing ont réalisé une croissance de leur production de 10% en 2017. Cette performance résulte moins d’une hausse des investissements que d’une multiplication des opérations de lease-back par le secteur public. Selon BAM, les opérateurs du crédit-bail doivent élargir leur terrain de chasse et se diversifier davantage.

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Voilà un exploit qui cache une vérité moins brillante ! Alors que le secteur du crédit-bail est tombé depuis 2009 à une croissance annuelle moyenne limitée à 4%, sa production en 2017 affiche une hausse exceptionnelle d’environ 10%. Selon les données de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF), communiquées en exclusivité à La Vie éco, les financements de l’année se sont établis à 15,2 milliards de DH, portant l’encours à 47 milliards, en hausse de 4,5%. Sauf que ce bon cru ne l’est pas tant que ça. Certes, «il y a une nette reprise dans la mesure où la production de l’année permet largement de remplacer les remboursements et de gagner quelques points en plus», commente Abdesslam Bouirig, DG de BMCI Leasing et président de la section Crédit-bail à l’APSF. Mais «cette croissance n’est pas alimentée par des dossiers de financement de matériel roulant, biens d’équipements ou locaux industriels. Il s’agit d’opérations de restructuration pour mobiliser du cash, notamment via des montages de lease-back ou cession-bail», ajoute-t-il. Ces derniers sont, pour rappel, une transaction financière à travers laquelle une entité vend un actif et le récupère en location pour une longue durée.

Pour le directeur général d’une autre société de leasing, le secteur est aujourd’hui loin de financer l’investissement. «La production émane surtout de grosses opérations de lease-back réalisées par les grands établissements publics (ONCF, ONEE…) qui, en proie à d’énormes difficultés de financement de leur BFR, proposent leurs biens à la vente contre du cash et les relouent ensuite via leasing», explique-t-il. Sur la liste, l’on trouve des équipements industriels, du matériel roulant, des engins, des locaux et terrains évalués à des dizaines de millions de DH.

Des données plus détaillées pour comprendre la dynamique du marché

Mis à part cette nouvelle tendance, le secteur continue de faire du surplace. Le matériel roulant porte encore l’activité à travers le financement de parcs de véhicules utilitaires qui pèsent 40% de l’activité. Ce sont les opérateurs du transport et du commerce qui sont les premiers demandeurs. Du reste, «le leasing immobilier, qui représente 20% des financements, va plutôt mal», informe M.Bouirig. D’ailleurs, l’APSF vient de tenir une réunion, lundi 5 février, pour discuter la possibilité de présenter des données plus détaillées (aujourd’hui non disponibles). Ceci pour aider les membres à comprendre exactement la dynamique du marché et à s’adapter à la concurrence. Selon le président de la section leasing, il est question de présenter dorénavant les chiffres du secteur par nature d’opération : celles qui se rapportent à l’investissment pur et dur et celles qui concernent de simples montages pour mobiliser le cash à travers les actifs détenus. «Ce chantier est primordial parce qu’il y va du développement réel du marché du leasing, secteur indispensable pour le financement de l’économie», explique M. Bouirig. Selon Bank Al-Maghrib, ce mode de financement représente actuellement 15% de la formation brute de capital fixe (correspondant à l’effort d’investissement au niveau national).

En attendant ce niveau de détail, les opérateurs ne se font pas trop de mystères sur le contexte actuel qui impacte directement le secteur. La difficulté à reprendre le chemin de la croissance -réelle- s’explique essentiellement par une conjoncture économique difficile marquée par le tassement des budgets consacrés à l’investissement. «Tout simplement, il n’y a pas la matière à financer, sachant que notre activité est intimement liée à l’investissement», résume le directeur commercial d’une société de leasing de la place. De plus, les opérateurs ont trop mis le paquet lors des années fastes, ce qui rend difficile le maintien du même rythme de croissance. En effet, le secteur a vécu des années de prospérité entre 1995 et 2008. Sur cette période qui a connu un volontarisme sans pareil de la part de l’Etat en matière d’investissement, le crédit-bail a aligné des progressions moyennes de la production de plus de 20%. La forte croissance d’avant 2008 et les hausses réalisées par la suite ont fait passer le leasing à un encours de 47 milliards de DH, soit un niveau 6,3 fois plus important que le stock enregistré en 2000. Autre signe que le secteur a gagné en poids auprès des entreprises, le financement moyen accordé par dossier a augmenté de manière sensible. Sur les dix dernières années, il a progressé de 25% pour le crédit-bail mobilier (dossier moyen de 455000DH) et de près de 50% pour le crédit-bail immobilier (5 MDH par dossier en moyenne).

Régler le problème des garanties…

En 2017 et après plusieurs années de croissance molle, le secteur parvient donc à réaliser une performance à deux chiffres, principalement grâce aux opérations de lease-back du secteur public. Mais quelques patrons de sociétés spécialisées estiment qu’en neutralisant l’effet de ces opérations, le secteur a tout de même tenu tête aux banques sur le segment du financement du matériel roulant (notamment les véhicules utilitaires) et des biens industriels. Poussés par le jeu de la concurrence, les leaseurs se montrent plus flexibles et moins exigeants sur les garanties qu’auparavant. «Ce qui leur permet de prendre davantage de dossiers, notamment dans le mobilier», rapporte une source bancaire. Cet argument n’est pas partagé par le patron de BMCI leasing. Pour lui, la clientèle des banques et celle des sociétés de leasing n’ont pas le même besoin ni les mêmes contraintes comptables. D’autant plus que les deux moyens de financement n’offrent pas les mêmes avantages fiscaux. «Les produits Crédit moyen terme et Crédit-bail ne se concurrencent pas réellement», tranche-t-il.

Un banquier ajoute que le leasing est un métier de financement d’actifs (avec option de rachat), ce qui veut dire que plus le bien a de la valeur à la revente, plus les garanties seront moindres. Par ailleurs, «la sinistralité observée dans plusieurs secteurs nous lie les mains. L’on veut financer et accompagner mais nous devons être couverts», estime le patron de BMCI leasing. Il n’en demeure pas moins que l’APSF est consciente du rôle de l’allègement des garanties dans la facilitation de l’accès au leasing. «Nous avons réactivé les conventions signées avec Dar Damane pour permettre aux TPME d’avoir une contre-garantie qui nous aide à surseoir au reste des garanties conventionnelles (caution solidaire, nantissement…)», ajoute-t-il.

Pour la profession, cet effort est louable et vise à imposer le leasing en tant que véritable outil de financement alternatif pour les TPME, rôle qu’il a du mal à endosser jusqu’ici. D’après les données de BAM, présentées lors des Assises du leasing tenues en juin 2017, ce moyen de financement représente à peine 27% des crédits d’investissement accordés aux entreprises par l’ensemble des établissements de crédit. Pourtant, les sociétés de leasing (6 actuellement, toutes filiales de banques) allouent déjà plus de la moitié de leur portefeuille de financements aux TPME, selon les estimations de l’institution. En analysant la structure des ressources financières des entreprises, ce mode de financement se positionne en dernier lieu bien après l’autofinancement, les dettes fournisseurs et les dettes bancaires.

Il y a 8 mois, les responsables de la banque centrale recommandaient à la profession d’avoir davantage de cordes à son arc et d’élargir son périmètre d’activité à de nouveaux secteurs. «Il faut dire que le leasing au Maroc est quelque part peu créatif et ne prend pas beaucoup de risques. Cantonné au mobilier sur quelques secteurs, il est hautement fragilisé parce que dépendant de quelques clients», conclut une source bancaire.

[tabs][tab title = »La variante «Halal» en gestation »]Lors des Assises du leasing tenues en juin 2017, les professionnels ont eu droit à plusieurs recommandations émanant d’autres marchés matures ainsi que des responsables de Bank Al-Maghrib. En premier lieu, il y a le lancement d’une activité participative. En effet, la création des banques participatives a ouvert un nouveau business pour les sociétés de crédit-bail, notamment une variante du leasing conforme à la Charia dite «Ijara mountahia bitamlik». Le cadre de ce produit est toujours en discussion chez la profession. Deuxièment, BAM incite les leaseurs à s’intéresser particulièrement à deux secteurs. D’une part, l’agriculture, surtout pour les filiales de crédit-bail dont les financements au secteur agricole restent faibles et dont les banques auxquelles elles sont adossées ne commercialisent pas régulièrement des offres visant ce secteur. D’autre part, les projets d’investissements basés sur les énergies propres. Enfin, la conquête du marché africain et le développement d’activités dédiées est une autre alternative pour ces sociétés, en emboîtant le pas à leurs maisons mères.[/tab][/tabs]