Affaires
Le soutien à l’entreprise et aux démunis au coeur du Budget 2013
Les particuliers ayant un revenu supérieur à 25 000 DH par mois et les entreprises réalisant un bénéfice supérieur à 20 MDH appelés à contribuer au Fonds de solidarité. Les PME paieront un IS de 10% sur le bénéfice et non plus sur le chiffre d’affaires.
Malgré le contexte de crise (ou peut-être à cause de ce contexte), le projet de Loi de finances (PLF) 2013, approuvé par le conseil de gouvernement du lundi 15 octobre, ne manque pas de surprises. On s’attendait à un budget frileux, on découvre une copie franchement volontariste, qui allie deux impératifs : d’une part, celui du soutien à l’entreprise pour lui permettre de gagner la bataille de la compétitivité, seul moyen d’améliorer le niveau de croissance de l’économie marocaine et de contenir, par plus et mieux d’exportations, les déficits extérieurs, et, d’autre part, l’impératif de solidarité nationale aux profits des moins bien lotis de la société à travers la mise en place de mécanismes appropriés (fonds d’appui à la cohésion nationale, fonds de développement rural, fonds de l’habitat, etc.).
L’entreprise d’abord. C’est bien connu, le tissu entrepreneurial marocain est composé à plus de 95% de PME, comme d’ailleurs c’est le cas un peu partout, y compris en Europe. Ce sont surtout ces entités qui ont besoin de soutien. Ce soutien, il se manifeste dans le PLF 2013, entre autres, par la mesure concernant à la fois la baisse du taux de l’IS pour celles-ci (de 15% à 10%) et le changement d’assiette sur laquelle cet impôt sera assis (un bénéficie égal ou inférieur à 200 000 DH, au lieu d’un chiffre d’affaires inférieur à 3 MDH). C’est un vrai coup de pousse pour les PME-PMI. Même si la mesure peut paraître, à première vue, préjudiciable en termes de recettes pour l’Etat, ça n’est qu’une apparence : logiquement, avec un IS à 10%, sur un bénéfice maximum de 200 000 DH, la fraude fiscale, via le maquillage des comptes de l’entreprise, devrait cesser, à tout le moins sensiblement reculer. Il faut d’ailleurs rappeler que ce sont les chefs d’entreprises eux-mêmes qui, depuis longtemps, ne cessaient de réclamer une fiscalité allégée comme moyen de combattre l’évasion fiscale.
D’autres mesures en faveur de l’entreprise sont prévues dans le PLE 2013, comme la reconduction de l’exonération de l’indemnité de stage (pour favoriser l’embauche et l’encadrement des entreprises), la prorogation du bénéfice de la réduction de l’impôt pour les sociétés qui s’introduisent en bourse, celles qui fusionnent, ou encore celles qui augmentent leur capital, etc. (Les principales mesures proposées dans le projet de Loi de finances 2013)
5% des contribuables sont concernés par la contribution à la cohésion nationale
On peut considérer, vu les contraintes budgétaires que l’on sait, que ces mesures constituent un pari sur l’avenir, car, dans pareil contexte, la tentation est plutôt grande de recourir à des hausses d’impôts pour renflouer les caisses vides.
Est-ce à dire que ce projet ne comporte pas de hausses ? Si, mais il s’agit de hausses ciblées qui n’infligent aucune charge insupportable pour le contribuable, entreprise ou particulier. La plus emblématique de ces hausses, ou plutôt de cette nouvelle taxation, concerne la mise à contribution à la fois des entreprises (atteignant un certain niveau de bénéfice) et des personnes physiques (disposant de revenus supérieurs à 25 000 DH par mois) pour améliorer le financement du fonds de cohésion sociale et ainsi lui permettre d’accomplir les missions pour lesquelles il a été créé. A y regarder de près, ce qui est demandé aux particuliers comme aux entreprises est au minimum proportionnel, sinon inférieur, à ce que ceux-ci reçoivent de l’Etat par le biais du soutien des prix. Cela est bien connu, les gros consommateurs de subventions, ce sont les personnes qui ont des revenus élevés : ils sont propriétaires de véhicules gros consommateurs de carburants subventionnés comme les 4X4, ils disposent de jardin qu’ils ont tout le loisir d’arroser avec une eau payée à bas prix, ils payent la baguette de pain à 1,20 DH et le kilo de sucre à 4 ou 5 DH, comme n’importe quel «smigard». Le raisonnement s’applique aux entreprises bien portantes : elles profitent, elles aussi, des subventions et, mieux, elles accaparent 59,7% des dépenses fiscales recensées, soit 19,2 milliards de DH sur les 32,1 milliards recensés par le ministère des finances dans son rapport sur les dépenses fiscales accompagnant la Loi de finances 2012.
D’aucuns peuvent estimer que la contribution demandée ne rapportera pas beaucoup dans la mesure où les personnes ayant un revenu supérieur à 25 000 DH par mois ne sont pas légion (pas plus de 5% en effet) et les entreprises réalisant des bénéfices supérieurs à 20 millions de DH, peu nombreuses. C’est vrai, mais en même temps, c’est la preuve que l’effort demandé est bien ciblé. Et puis, quand bien même cela ne rapporterait que des miettes, les symboles ont aussi leur importance.
Reste maintenant l’équation du commerce extérieur. Même si le dossier ne se prête pas à un traitement de court terme, donc par le biais d’une Loi de finances, des mesures sont tout de même prévues pour au moins en atténuer le déficit. Il s’agit par exemple de multiplier les contrôles antidumping, de renforcer la défense commerciale et de réduire la part des importations dans les investissements publics (mesure prévue dans le cadre de la réforme du décret sur la passation des marchés publics). Mais la solution, la «vraie» si l’on peut dire, c’est la compétitivité des entreprises, donc l’amélioration, en qualité et en quantité, de l’offre exportable. Tout un défi…