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Le secteur immobilier peine à sortir de sa léthargie même hors Rabat-Casablanca

Certaines villes comme Fès sont qualifiées de sinistrées par les opérateurs. Le marché tente de se maintenir dans les villes où l’activité économique se développe. Du côté des acquisitions, les MRE se font toujours rares.

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Le marché immobilier a du mal à redécoller, un constat unanime, partagé aussi bien par les promoteurs que les notaires, agents immobiliers et autres professionnels. Si le secteur traverse toujours ce cycle baissier dans les principales villes du pays, à savoir Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Tanger… Qu’en est-il ailleurs, dans les villes de taille petite et moyenne ?

En fait, le constat est très varié entre les villes, en fonction de leur nature, de leur attrait économique, ou encore de leur culture. A 30 minutes de Rabat, l’immobilier à Kénitra se développe à vue d’œil. Dès l’entrée de la ville, on aperçoit de nombreux projets immobiliers en chantier, économiques et sociaux compris. Caractérisée il y a à peine quelques années par des habitations sous forme de maisons traditionnelles et villas, Kénitra regorge actuellement d’immeubles allant même jusqu’à R+8. Et ce, pour répondre à la demande d’une clientèle qui devient de plus en plus exigeante en termes de qualité du produit, de confort, de standing, d’environnement extérieur… En fait, l’évolution des besoins des clients s’est produite consécutivement au développement économique de la ville ces cinq dernières années avec la mise en place d’une zone franche, abritant le constructeur PSA et les différents équipementiers. On peut même dire que le secteur s’est rapidement développé au point que les promoteurs qui y ont trouvé une aubaine pour développer leur activité en dehors de l’axe Rabat-Casablanca ont acquis presque tous les terrains constructibles. «La ville se caractérise actuellement par une pénurie du foncier, surtout au centre-ville. Ce qui a conduit à une montée des prix du mètre carré des terrains, impactant de facto le prix au m2 du produit fini», explique un promoteur immobilier.
Sauf que les prix ne se sont pas envolés comme c’est le cas pour la capitale administrative et la métropole du pays. «Les promoteurs ont abaissé leurs marges commerciales en vue de maintenir un niveau de vente satisfaisant et même attirer plus de clientèle» assure notre source. Ainsi, les prix varient de 7 500 DH à 9 000 DH en fonction naturellement du standing et de l’emplacement. «La demande continue de se manifester pour les logements résidentiels dans cette ville qui recèle un potentiel important», ajoute notre source.

En allant plus vers le Gharb, la situation du secteur se calme davantage. A Meknès, les agents immobiliers contactés se plaignent d’un marché en quasi-stagnation, notamment du côté de la demande. Il faut dire que la ville était animée par les MRE principalement et les locaux accessoirement. «Depuis 3 ou 4 ans, les MRE ont levé le pied sur les acquisitions des biens immobiliers. Ce qui a plombé le secteur et, partant, les prix également», explique un agent immobilier à Meknès. Il n’en demeure pas moins que les promoteurs continuent de lancer leurs programmes immobiliers dans cette ville, s’attendant à une reprise imminente, surtout avec la croissance des entreprises tels que Yazaki, Delphi, Elephant vert… compris dans l’agropolis de Meknès. Quoi qu’il en soit, les prix pratiqués oscillent entre 5 300 et 5 600 DH/m2 pour le moyen standing et pointent à 7 000 DH/m2 pour le haut standing, au quartier Al Hamria par exemple.

Fès vit la même situation que sa voisine, avec néanmoins davantage de difficultés, car la demande n’y existe presque plus. Un secteur sinistré, estiment des opérateurs. Pourtant, le marché semblait prometteur il y a une dizaine d’années, compte tenu du déficit en logements qui caractérisait la ville. Depuis plus de 4 ans, les ventes de logements se raréfient, entraînant de facto des corrections significatives des prix à la vente. Cela est surtout valable pour le segment du moyen standing dont l’offre a explosé dans les quartiers péri-centraux (Route de Sefrou, Route d’Immouzer…) et de la périphérie (Bensouda, Route Ain Chqaf, Oued Fès…). Alors qu’on parlait d’un prix unitaire de 7 000 DH/m2 en 2012, les biens résidentiels sont commercialisés à une moyenne de 5 000 DH actuellement. En cette période morose, les promoteurs proposent de plus en plus des lotissements à la vente. Ils préfèrent générer du cash rapidement, plutôt que de laisser la machine du financement tourner, sans résultat garanti au final. D’ailleurs, à l’entrée de la ville, plusieurs lots de terrains sont proposés à 4000DH/m2 et même moins. «Le secteur immobilier aurait pu bien se développer dans cette ville qui souffre toujours d’un déficit non négligeable, si l’activité économique s’y était développée. Tous les projets structurants du pays sont répartis entre Kénitra, Tanger, Meknès et l’Oriental. Fès est mise aux oubliettes», se désole un opérateur.

Dans l’Oriental, la situation ne semble pas meilleure, mais elle est un peu différente. A Al Hoceima par exemple, les terrains fonciers se font de plus en plus rares. Ce qui fait grimper le prix du m2, face à une demande qui se maintient. Le moyen standing se négocie à 9 000DH en moyenne et peut atteindre 28000 DH dans les quartiers huppés. Il faut dire que les locaux ne sont pas friands de l’acquisition des biens immobiliers en copropriété ; et ce constat prévaut aussi bien à Al Hoceima qu’à Nador et Oujda. Ils préfèrent acquérir des lots de terrain et faire construire leurs maisons en R+2 généralement, abritant toute la famille. Du coup, la demande se trouve portée par les MRE, où les habitants d’autres villes qui trouvent une opportunité de carrière non négligeable à l’Oriental. D’ailleurs, les promoteurs immobiliers de taille ne développent pas des projets immobiliers en masse, conscients de l’aspect culturel de cette région. En tout cas, les prix du mètre carré à Nador peuvent commencer à 4 000 DH et atteindre à 8 000 DH, en fonction de la taille du promoteur.

Si la région de l’Oriental est délimitée par des zones montagneuses, amplifiant la rareté des terrains fonciers, la région du centre, elle, est encerclée de terrains à vocation agricole. Toutefois, ce constat n’a pas poussé les promoteurs à augmenter leur politique tarifaire. «Ils préfèrent poursuivre le rythme de leur activité et maintenir leurs prix, plutôt que de les augmenter et faire face à un attentisme comme c’est le cas dans les principales villes du pays», compare un professionnel du marché. Ce n’est pas plus mal, puisque la demande va crescendo au vu des nombreux projets en cours de développement, qu’ils soient immobiliers, touristiques ou industriels ou de services. Le déploiement de ces investissements devrait ainsi amener une clientèle en quête de biens immobiliers et prête à s’installer dans la région. En tout cas, les prix vont de 5 000 à 8000 DH/m2. Un agent immobilier relativise : «Les prix n’évoluent pas fortement certes, mais de légères augmentations de prix sont opérées ici et là, qui ne tarderaient pas à se généraliser, surtout que la demande est de plus en plus forte».
Si l’on s’oriente vers le Sud, à Essaouira par exemple, le contexte change du tout au tout. Comme il s’agit nécessairement de villes touristiques, la dynamique du secteur immobilier y est saisonnière. «La saison estivale dans la ville affiche un dynamisme particulier, contrairement au restant de l’année, grâce notamment à la clientèle étrangère», explique Gregory Bourgeaux, responsable commercial au sein de l’agence l’Immobilière d’Essaouira. Les retraités étrangers de France et de Belgique, à côté de certains Marocains, sont toujours à la quête d’une vie meilleure au Maroc. Alors qu’ils s’installaient surtout à Marrakech, ils partent depuis quelques années à la recherche d’autres villes, dont nécessairement Essaouira. A part cette clientèle qui anime légèrement les acquisitions immobilières, la tendance est davantage à la location. En cause, le caractère touristique de la ville, mais aussi le climat qui n’encourage pas l’acquisition, si ce n’est pour un habitat secondaire. D’autant que le taux d’humidité, qui dépasse 70%, impose un entretien régulier et donc coûteux pour un acquéreur. Alors que les biens résidentiels sont proposés à la location entre 3 500 et 4000 DH/m2 dans cette ville, ils sont négociés entre 7 000 et 9 000 DH/m2 à l’achat.

Et s’il y a un bémol à prendre en compte, c’est au niveau du logement social qui ne connaît pas beaucoup de succès, car, selon certains, ce segment est situé dans la périphérie de la ville, loin des commodités, avec une absence d’équipements et de connectivité à la ville.

A Agadir, la situation est moins reluisante, car malgré la multitude de projets immobiliers qui y sont développés et qui correspondent à des budgets variés ; la demande ne suit plus. Depuis 2015, le calme règne de plus en plus dans cette ville et ses environs également. Les potentiels acheteurs se sont orientés vers la location, eux aussi convaincus par une baisse prochaine des prix à la vente.

En fin de compte, il s’avère que les villes de taille petite et moyenne ont fini par être rattrapées par ce marasme ambiant qui caractérise le marché immobilier national. Si certaines semblent s’en tirer, d’autres s’enfoncent… Une action stratégique de la part de l’Etat est requise afin de dynamiser le secteur.

Com’ese

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