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Le rétablissement des équilibres macroéconomiques risque de freiner la croissance

Les orientations de la lettre de cadrage plaident clairement pour une réduction des déficits. La demande intérieure qui génère le gros de la croissance risque d’en pà¢tir. Le FMI prévoit une croissance de 3.8% en 2014, le HCP 2.5%.

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croissance eco 2013 10 25

Le Fonds monétaire international (FMI), qui a publié le 8 octobre ses prévisions de croissance de l’économie mondiale pour 2013 et 2014, table sur une hausse du PIB au Maroc de 5,1% en 2013 et de 3,8% en 2014. En cela, l’institution de Bretton Woods paraît plus optimiste que le Haut commissariat au plan (HCP) qui, dans son Budget économique exploratoire pour 2014 publié en juin dernier, estimait la croissance en 2013 à 4,6% et prévoyait pour le prochain exercice une hausse de l’activité de 2,5%. Le gouvernement, de son côté, a récemment estimé à 4,8% la croissance en 2013 et prévu 4% pour 2014.

Mais la prévision est ainsi faite que ses résultats, par définition incertains, dépendent d’abord des données du moment où elle est établie. Le FMI lui-même, dans son rapport du 8 octobre, a dû réviser à la baisse les prévisions qu’il avait publiées en juillet dernier. Il prévoit désormais une croissance mondiale moyenne de 2,9% en 2013 et de 3,6% en 2014, au lieu, respectivement, de 3,2% et de 3,8% observée en juillet dernier.

Quoi qu’il en soit, pourquoi la croissance au Maroc ralentirait en 2014 ? Parce que la récolte agricole, notamment pour les cultures non irriguées, ne devrait pas atteindre, encore moins dépasser le niveau de production céréalière de 2013 (97 millions de quintaux), explique en substance le FMI. C’est ce que les économistes appellent «l’effet de base». Autrement dit, quand bien même le Maroc obtiendrait une récolte correcte (de l’ordre de 70 ou 80 millions de quintaux), ce serait tout de même une baisse, en termes de croissance par rapport à 2013.

Faut-il comprendre par là que les activités non agricoles continueraient d’évoluer mollement, comme on peut l’observer jusqu’ici? C’est une probabilité ; d’autant qu’en Europe et particulièrement dans la zone euro, principal partenaire du Maroc, l’amélioration attendue (+1% en 2014 au lieu de -0,4% en 2013 et -0,6% en 2012) ressemble moins à une reprise vigoureuse qu’à une laborieuse sortie de la récession.

Le commerce extérieur ne peut prendre la relève pour le moment

En tout cas, sur la base des hypothèses émises en juin dernier, le HCP prévoit une croissance non agricole de 3,5% en 2014. Cela représente une petite amélioration par rapport à 2013 (3,1%), mais un ralentissement par rapport à la moyenne enregistrée entre 2010 et 2012 (4,6%). En cause, un fort ralentissement des activités du secteur secondaire qui dure depuis 2011 ; en particulier les activités du BTP. En 2014, ce secteur devrait atteindre une croissance de 2,6%, au lieu de 1,8% en 2013 et 1,3% en 2012. Entre 2000 et 2004, ce secteur enregistrait une hausse annuelle moyenne de 4% et entre 2005 et 2011, de 3,6%. Les services, pour leur part, malgré une amélioration attendue à 4,1% au lieu de 3,8% en 2013, restent en deçà de leur tendance de long terme, soit près de 5% sur la période 2005-2011.

Cela étant, et nonobstant les incertitudes liées à la pluviométrie et à la demande mondiale, la croissance en 2014 dépendra aussi de ce qui sera décidé dans la Loi de finances, bientôt en discussion au Parlement. Et déjà une chose semble transparaître des orientations fournies dans la lettre de cadrage du chef du gouvernement : tout faire pour rétablir les équilibres macroéconomiques, en dégradation continue depuis 2008. Certes, la lettre de cadrage parle de «rétablissement progressif» de ces équilibres macroéconomiques, car, parallèlement, les «équilibres sociaux» doivent être maintenus. Ce que cela veut dire? Tout simplement qu’en raison de l’impératif d’arrêter le processus de creusement du déficit budgétaire, il faudra certes améliorer les recettes fiscales, via les réformes prévues à cet effet, mais également maîtriser les dépenses publiques. La suppression de 15 milliards de DH dans les dépenses d’investissement en 2013 est la première action intervenue dans ce sens. La mise en œuvre de l’indexation partielle des produits pétroliers liquides (essence, gasoil et fioul), il y a quelques semaines, en est la deuxième…

On peut penser, jusqu’à preuve du contraire, que les actions à venir, comme la réforme de la TVA par exemple, répondent à cette volonté de comprimer, en tout cas de maîtriser les dépenses publiques. Mais est-ce que cela indique une réorientation du modèle de croissance, fondé jusque-là sur une politique volontariste d’investissement public et de soutien budgétaire à la consommation des ménages? Une chose paraît évidente : cette inflexion dans le modèle de croissance, si elle se confirmait, pourrait avoir un prix qui s’appellerait repli de la demande intérieure, principalement la consommation des ménages. Or, c’est une évidence, la croissance du Maroc jusqu’à présent est principalement, et même parfois exclusivement tirée par la demande intérieure, en particulier la consommation des ménages. En d’autres termes, le redressement de la situation des finances publiques, et même des finances extérieures, pourrait se traduire, ne serait-ce que momentanément, par un ralentissement de la croissance; car le commerce extérieur pour le moment n’est pas en mesure de prendre la relève, de contribuer fortement à la croissance du PIB…