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Le programme Idmaj à l’origine de 40% des créations nettes d’emplois
La croissance économique a un faible contenu en emploi. Le gouvernement réaménage le dispositif «Idmaj» et institue une nouvelle mesure pour les entreprises nouvellement créées. Les stagiaires bénéficieront de la couverture sociale.

Le gouvernement, on le sait, s’est fixé comme objectif de réduire le taux de chômage à 8% de la population active à l’horizon 2016. Cet objectif, qui figure déjà dans la Déclaration gouvernementale de janvier 2012, l’Exécutif l’a encore rappelé durant l’été 2014 comme pour préfigurer les mesures qu’il allait prendre dans ce sens à l’occasion de la Loi de finances 2015. Et c’est en effet ce qui s’est produit.
Dans le projet de Loi de finances (PLF) soumis depuis le 20 octobre à l’examen du Parlement, deux mesures phares pour la promotion de l’emploi, mais aussi de la compétitivité des entreprises, retiennent l’attention. La première, tout à fait nouvelle, est un coup de pouce conséquent en faveur des entreprises nouvellement créées (entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019) : celles-ci sont exonérées pendant 24 mois de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur d’un salaire mensuel brut de 10 000 DH, des cotisations sociales et de la taxe professionnelle, dans la limite de cinq salariés par entreprise, à condition que ceux-ci soient recrutés dans les deux premières années suivant la date de création de l’entreprise et dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI).
Les employeurs, semble-t-il, auraient aimé que cette mesure profite à toutes les entreprises, nouvelles ou anciennes. C’est oublier qu’il existe déjà un dispositif d’incitation pour elles, qui s’appelle le contrat de formation-insertion (Idmaj). Bien plus, celui-ci sera prochainement amélioré, tel que cela est stipulé dans le PLF.
D’abord, petit rappel des avantages de «Idmaj» : exonération pendant 24 mois des cotisations sociales, de la taxe professionnelle et de l’impôt sur le revenu au titre de l’indemnité de stage, à hauteur de 6 000 DH, versée aux stagiaires titulaires de diplôme de l’enseignement supérieur ou de la formation professionnelle ; et maintien des exonérations précitées pour une année supplémentaire en cas de recrutement définitif du stagiaire. Deux aménagements au moins ont été apportés à ce dispositif. Le premier consiste à supprimer l’année supplémentaire d’exonération accordée en cas de recrutement définitif. Le contrat Idmaj est ainsi réduit à 24 mois. Mais à la différence de la situation actuelle, le stagiaire, dans la version révisée du contrat Idmaj, va bénéficier des prestations sociales, qui sont par ailleurs prises en charge par l’Etat au même titre que l’impôt sur le revenu. D’une certaine manière, le fait que les stagiaires actuellement ne bénéficient pas de la couverture sociale constitue le talon d’Achille de ce dispositif. Cela a été souligné ici même, à plusieurs reprises, suite à des études menées par le gestionnaire du dispositif, l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC).
La deuxième modification apportée au contrat de formation-insertion, c’est l’obligation faite aux entreprises bénéficiaires des exonérations citées de s’engager à recruter 60% des stagiaires de manière définitive, c’est-à-dire par contrat à durée indéterminée. Ceci indique, au moins de façon implicite, que les entreprises auraient tendance, sous le régime actuel, à «abuser» du contrat Idmaj en y recourant seulement ou principalement pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales qui vont avec. En les obligeant à s’engager à recruter au moins 60% des stagiaires, le gouvernement veut très clairement optimiser les dépenses fiscales et sociales consenties à ce niveau, même si celles-ci restent tout à fait modestes en raison des faibles salaires distribués, souvent défiscalisés de fait. Et puis, pour les entreprises qui ont probablement plus besoin d’aide, c’est-à-dire celles qui démarrent leurs activités, l’effort est déjà conséquent avec une prise en charge publique du coût salarial jusqu’à 10000 DH par mois, comme déjà indiqué.
44 412 insertions à fin août 2014
Est-ce que ces modifications vont améliorer le rythme des créations d’emplois ? On peut le penser, même s’il est difficile de chiffrer cette amélioration. Une chose en tout cas paraît évidente : la croissance, seule, ne crée pas suffisamment d’emplois. Ce constat ne date pas d’aujourd’hui, le Haut commissariat au plan (HCP) l’a souligné à plusieurs reprises. Récemment encore, dans son rapport économique et financier accompagnant la Loi de finances, le ministère de l’économie et des finances note que sur la période 2002-2013, une augmentation de la croissance économique de 1 point a généré une hausse de 0,31 point de l’emploi. C’est clair, la croissance économique au Maroc a un contenu en emplois assez faible. D’où l’importance des mesures volontaristes de soutien à l’emploi, comme Idmaj par exemple. Le bilan de ce dispositif, malgré les insuffisances déjà évoquées, en particulier le non-octroi de la couverture sociale aux stagiaires, est assez intéressant.
Selon les statistiques de l’ANAPEC, en effet, le Contrat Idmaj a permis l’insertion de quelque 410 000 chercheurs d’emploi entre 2006 (date du réaménagement de la loi 16-93 qui l’a institué) et 2013. Cela fait une moyenne de plus de 50000 insertions par an. Avant 2006, à peine 20 000 insertions étaient réalisées chaque année. Depuis, le nombre a été multiplié par plus de 2,5. Sur les huit premiers mois de 2014, ce sont déjà 44 421 insertions qui ont été réalisées, et on ne serait pas loin des 60000 à la fin de l’année.
Entre 2006 et 2013, le nombre d’emplois nets créés au Maroc s’établissait à 996000. Dans ce total, une partie non négligeable revient aux contrats Idmaj. Si l’on devait mettre de côté le phénomène du turnover observable et observé dans certaines entreprises et ses implications sur la problématique de la création d’emplois, on pourrait dire que les insertions ANAPEC au titre du contrat Idmaj représenteraient quelque 40% de l’ensemble des postes créés entre 2006 et 2013.
Bien entendu, tous les bénéficiaires du programme Idmaj ne font pas de vieux os dans l’entreprise où ils ont fait leur stage. Mais, sur ce point, la balle est plutôt du côté de l’entreprise. La révision du dispositif, on l’a dit, vise précisément à améliorer le taux d’insertion à titre définitif.
Selon les données du ministère de l’emploi à fin 2012, plus de 40% des bénéficiaires du contrat Idmaj ont été insérés à l’issue du contrat, et 75% réussissent à trouver un emploi douze mois après l’achèvement de la période de stage. Ce qui veut dire que le contrat formation-insertion, à défaut de déboucher sur un taux d’intégration beaucoup plus élevé des stagiaires dans l’entreprise, améliore, malgré tout, leur employabilité. Cela aussi faisait partie des objectifs du programme.
Pour relativiser ces chiffres, il faut savoir que près de la moitié (46%) des bénéficiaires de Idmaj (voir les détails en encadré) écourtent la période de stage, pour une multitude de raisons : absence de couverture sociale, salaire médiocre (environ 80% d’entre eux toucheraient quelque 3 000 DH par mois), éventuellement une opportunité offerte par la concurrence… Peut-être cela changera-t-il avec le réaménagement du dispositif ? En tout cas, les entreprises, qui se plaignent régulièrement du coût de la main-d’œuvre, ont là une opportunité pour améliorer leur compétitivité. Et celles qui opèrent dans l’informel pour les mêmes raisons devraient, elles, réfléchir à rejoindre le secteur organisé.
