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«Le produit de la filière du caroubier reste insuffisamment valorisé et transformé surtout en gomme»

Deux produits sont extraits des gousses du caroube, à savoir les graines et la pulpe. La gomme est utilisée dans la production des boissons, des glaces, des fromages à tartiner, du lait en poudre des bébés, de la boulangerie… La valorisation des graines de caroube en gomme est un créneau très important sur lequel il faut concentrer les efforts.

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  • Le caroubier est parmi les cultures stratégiques du PMV, mais qui reste assez méconnu. Pourriez-vous nous parler un peu de cette culture ?

Le caroubier est un arbre forestier très rustique, bien adapté au contexte climatique du pourtour méditerranéen dont le Maroc fait partie. La preuve est qu’il pousse à l’état spontané en formant des peuplements naturels dans le Moyen-Atlas (Khénifra, Zaouiate Chikh, Beni Mellal…), le Haut, l’Anti-Atlas et le Rif   avec des altitudes de 600 à 1 000 m. C’est un arbre multiséculaire ayant une hauteur pouvant atteindre 10 à 15 m et qui s’adapte aux contraintes hydriques des zones arides et semi-arides en tolérant les étés chauds et secs. Durant les précédents siècles, la graine de caroube, qui renferme la gousse, a été utilisée comme étalon de mesure par les bijoutiers et qui est à l’origine du terme «Carat». Cet arbre, très mellifère, a été utilisé dans le reboisement des périmètres forestiers en pente pour son fort ancrage en limitant l’érosion et la fixation des sols.

Il faut savoir que les gousses du caroube sont exploitées pour divers usages avec deux principaux produits, à savoir les graines qui en sont extraites après concassage (environ 20% du poids de la gousse) et le reste constitué par la pulpe. Cette dernière est utilisée pour faire la farine des caroubes après séchage et torréfaction. A partir des graines, la gomme est extraite en donnant un produit blanc et translucide qui est utilisé dans l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et autres.

 

  • Quelle est la superficie globale plantée actuellement ?

L’intérêt économique grandissant pour les caroubes a conduit à une certaine domestication de cette espèce pour épouser le statut d’arbre fruitier actuellement. Cette domestication a commencé d’abord par le sur-greffage des arbres mâles qui ne produisent pas de gousses, puisque l’espèce est dioïque. La production de plants greffés s’est accélérée durant la période du Plan Maroc Vert, avec l’installation de vergers commerciaux qui ont pris de l’ampleur grâce aux différentes incitations de l’Etat. Les plantations de caroube ont évolué et la superficie est passée de 11 400 ha en 2015 à 18 160 ha en 2020 (DSS, 2020) dont 7 000 ha sont encore au stade juvénile et ne sont pas encore entrés en production.

 

  • La production du caroubier est-elle satisfaisante ? Quel a été l’apport du PMV pour améliorer la production ?

La production nationale en gousses de caroube a atteint 55 400 T en 2020 contre 64 130 T en 2018. Les exportations, elles, ont atteint un volume moyen de 23 500 T sur les cinq dernières années.  Elles ont ainsi affiché une variation interannuelle en oscillant entre 24 364 T en 2019 et 17 400 T en 2018. Les exportations en graines de caroubes ont représenté  12 500 T environ en 2020. Pour leur part, les caroubes transformés en flocons, semoule et en farine ont atteint un volume d’exportations de 6670 T. Cependant, les exportations en gomme ont chuté de 1466T en 2016 à 5 T en 2020, selon l’Office des changes.

 

  • Quel est le poids de cette culture à l’international ?

Les utilisations de la gomme sont variées et concernent les boissons, les glaces, les fromages à tartiner, le lait en poudre des bébés, les préparations des fruits, la boulangerie (brioches) et les aliments des animaux domestiques et autres. A l’international, le prix de la graine s’est hissé à 29 000 euros la tonne, alors qu’il était de
2 750 euros en 2017. Ce qui a établi le chiffre d’affaires global à 230 millions de dollars. Il est à noter que la demande actuelle sur la gomme est en croissance de 2 à 3% annuellement. Au niveau national, les prix des caroubes sont passés de 5 à 9 DH/Kg pour les gousses en 2007 à une fourchette allant de 50 à 60 DH/kg. Les graines, elles, ont vu leur prix atteindre 200 à 250 DH/kg contre 22 à 32 DH/kg

Parallèlement, neuf grandes unités industrielles de gomme existent dans le monde et sont implantées essentiellement en Espagne, en Italie, en France, en Turquie et aussi au Maroc. Elles assurent l’approvisionnement du marché mondial à hauteur d’environ 80%. Le Maroc est bien placé pour avoir une plus importante place dans la chaîne d’approvisionnement en caroube et principalement son dérivé, la gomme grâce à deux facteurs principaux dont la disponibilité de la production et le faible coût de production.

 

  • Qu’en est-il de l’activité au Maroc ?

Au niveau national, l’activité principale de valorisation des caroubes, concerne le concassage (extraction des graines des gousses) et est opéré par une douzaine d’unités. Le produit de la filière reste insuffisamment valorisé et transformé, surtout en gomme, puisque la quasi- totalité de la production est exportée sous forme de graines après concassage.

Toutefois, les exportations marocaines en caroubes transformés en gommes (mucilages et épaississants) ont chuté de 1 140 T en 2015 à 5,1 T en 2020 selon les statistiques de l’Office des changes. Pour cause, une seule unité de transformation des caroubes en gomme existe au Maroc et son activité a été fortement réduite ces dernières années.

La valorisation des graines de caroube en gomme est un créneau très important sur lequel  il faut concentrer les efforts. C’est dans ce cadre que le «Club Innovation Arbo Agrinova» a organisé, au sein de l’Agropole de Meknès, une journée sur  le caroubier le 26 janvier courant, sous le thème «Le caroubier est une filière prometteuse orientée vers la valorisation et l’export»  sous l’égide du ministère de l’agriculture avec la collaboration de la DRAF Fes-Meknès, l’INRA et la FéDAM.

 

  • Avez-vous tiré des conclusions de cette manifestation ?

L’objectif de la journée a visé le rassemblement des intervenants professionnels et institutionnels au niveau de la filière pour le renforcement du partenariat entre opérateurs en vue d’accompagner la nouvelle stratégie GG dans sa composante caroube aussi bien en amont qu’en aval. Cette rencontre a permis  aux professionnels invités de partager leurs expériences et leurs visions sur l’avenir de la filière. Les thématiques débattues ont porté sur la sélection des variétés et la production de plants greffés, le commerce et le marché d’avenir des caroubes, la valorisation et la transformation des graines en gomme. Un intérêt particulier à la transformation des graines de gomme est manifesté avec les avantages qu’offre l’Agropole en foncier, ainsi qu’en matière de disponibilité de laboratoires institutionnels et d’encadrement pour l’accompagnement des opérateurs dans le montage de leur projet de transformation.

 

  • Quel avenir prévoyez-vous pour le caroubier et qu’a prévu la stratégie Green Generation pour développer davantage la culture ?

La nouvelle stratégie agricole GG accorde une grande importance à cette filière et ce, à travers l’extension des superficies sur des milliers d’hectares. Cette vision s’appuie, en amont de la filière, sur le pouvoir adaptatif de cet arbre, sur sa facilité de conduite et sur ses faibles engeances en eau.

Le rendement élevé en graines et la productivité élevée du matériel végétal marocain associé à la forte demande actuelle à l’échelle mondiale plaident pour une transformation quasi totale de la production marocaine en caroube. Des vergers commerciaux de caroubiers ayant de grandes superficies sont installés un peu partout au Maroc et la demande ne cesse de s’accroître. Le développement de cette filière doit donc reposer sur une production de masse en plants sélectionnés dans les peuplements naturels du caroubier pour leur productivité et leur rendement en graine, ainsi que sur la mise en place d’unités de valorisation au niveau national. La balle est dans le camp des industriels pour accompagner le développement de cette filière. Des opérateurs intéressés ont donné des signes encourageants pour ériger cette filière au rang des cultures industrielles orientée vers l’export.

En aparté

Le pôle de compétitivité régional, qui est à vocation agroalimentaire, est créé au sein de l’Agropole de Meknès par le MAPMDREF en 2015, pour le développement du secteur de la valorisation et la transformation. Il s’appuie sur les potentialités de la région en termes d’infrastructures et du savoir, notamment dans les domaines de recherche-formation. Ce pôle est érigé en association dénommée «AGRINOVA» qui regroupe les entreprises agroalimentaires, les organisations professionnelles de différentes filières, les institutions de recherche-formation et les pouvoirs publics. Elle est épaulée par des clubs thématiques dont celui de «l’innovation Arbo Agrinova» qui constitue un lieu d’échange, de concertation et de discussion autour de l’innovation en agroalimentaire principalement. Ce club renforce la communication, diffuse l’information, le savoir et partage les expertises. Il œuvre pour la recherche de partenariat Win-Win entre les membres. Il constitue aussi une force de propositions à l’AGRINOVA en termes de thématiques de recherche intéressant la filière, en termes d’innovations, d’accompagnement et de législation également. L’organisation de cette manifestation (la journée sur le caroubier) rentre dans le cadre de son plan d’actions pour l’année 2022.