Affaires
Le problème de liquidité étouffe les banques participatives
La situation est alarmante pour certaines institutions bancaires. D’autres trient les clients sur le volet. Un mouvement de fusion/absorption n’est pas improbable à ce rythme. Des banques ont resserré les conditions de financement, dans le sens où un système de scoring plus verrouillé est mis en place.

Les banques participatives continuent de faire face à un problème de liquidité, certaines de façon moins accrue que d’autres. En tout cas, à fin janvier de cette année et selon les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib, l’encours de financement Mourabaha s’est situé à 9,3 milliards de DH, contre un encours de dépôts de 3 milliards de DH, soir un ratio de transformation dépassant 300%. Cette situation jugée alarmante par certains étouffe certaines institutions. «C’est à se demander si les parties concernées par ce système participatif n’auraient pas levé le pied quant à leur volonté de développer le secteur. Un certain ras-le-bol s’installe, causé par les retards et les innombrables reports liés aux sorties des textes législatifs». Allusion faite notamment à l’assurance Takaful dont la promulgation traîne toujours les pieds.
Il faut dire aussi que le rythme effréné avec lequel ces banques ont entamé leur activité a poussé les clients à les considérer davantage comme un moyen de financement, que comme une banque à part entière. D’ailleurs, la demande sur le financement est toujours aussi forte qu’avant; la conclusion des contrats pas tout autant, puisque les clients potentiels adoptent eux aussi le wait and see. De leurs côtés, certaines banques ont resserré les conditions de financement, dans le sens où un système de scoring plus verrouillé est mis en place, axé sur la qualité du client, sa solvabilité, ses avoirs…, limiter l’exposition des fonds propres aux risques oblige.
C’est normal quand on sait que le montant du financement global demandé est supérieur aux dépôts collectés et que les deux seuls moyens de refinancement qui existent actuellement sont en plus des comptes courants, la Wakala d’investissement et les dépôts d’investissements. Notons qu’à eux deux, ces instruments ont totalisé près de 4 milliards de DH avec une part de 90% pour le premier. Comme les banques participatives se refinancent en ayant recours à ces instruments, elles sont du coup obligées de reverser une rémunération soit à leurs clients dépositaires ou à leurs banques mères, qui généralement se situe entre 2% et 3% pour la Wakala d’investissement. Ajouter à cela le risque, les frais de gestion et la marge commerciale, les banques se retrouvent dans l’obligation d’augmenter le coût de financement qui s’est renchéri depuis quelque temps de 20 à 30 points de base.
Selon un directeur d’une banque participative, «le problème de la liquidité se pose certes, mais c’est la gestion ALM qui est des plus importantes dans ce contexte de manque de produits de refinancement des banques. Autrement dit, le financement de produits d’une duration moyenne de 10 ans, avec des actifs de court terme, pourrait affecter certaines banques. Ce business model ne tiendrait pas longtemps à ce rythme». En face de ce tableau assez noir, certaines banques dont Umnia Bank se targuent d’un constat selon lequel la production nouvelle de financement est réalisée à travers les seuls dépôts (à vue et d’investissement), depuis près de 3 mois. Une exception peut-être dans le secteur des banques participatives, puisque la diversification des ressources de refinancement devient une contrainte plus que jamais urgente à régler. «Dans ces conditions, il n’est pas improbable d’assister à des fusions/absorptions de banques participatives. L’objectif étant d’atteindre une taille critique à même de se défendre dans un marché concurrentiel, comme cela a été le cas aux Emirats ou à Qatar», prévoit un professionnel.
Cette configuration pourrait être effective encore plus avec le retard que prennent les textes législatifs. Pour ne rien arranger, «même si l’assurance Takaful est adoptée très prochainement, il n’existe aucun produit de placement, ni marché des capitaux pour pouvoir placer les fonds collectés des clients financés. Ils seraient encore une fois injectés dans le même circuit, à savoir le financement Mourabaha», se désole notre source. Parallèlement, l’émission de sukuks de financement et d’investissement (projet en cours de validation aussi) donnera une bonne bouffée d’oxygène à la trésorerie des banques.
Toujours selon notre source, «un travail de coordination manque à cet écosystème. Jamais une fois, les instances concernées, à savoir BAM, ACAPS, ministère des finances, GPBM, CFC, Bourse de Casablanca, ne se sont réunies ou ont organisé des assises afin de discuter de l’évolution du secteur, de ses maux, de ses contraintes, du taux de réalisation des objectifs tracés…». Comment peut-on accompagner le modèle de développement économique sans vision stratégique de la banque participative ?, se demande-t-il. Au final, il propose la nomination d’un conseiller auprès du chef de gouvernement en charge de la finance participative, du crowdfunding et des business angels, à même de pouvoir jouer le rôle de chef d’orchestre entre toutes ces institutions qui travaillent en silos, sans que les choses n’avancent réellement.
