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Le poids des investissements publics réalisés par les collectivités territoriales demeure très faible
Les réformes en cours imposent une redéfinition du rôle des collectivités territoriales en matière financière. 70% des investissements publics réalisés en France sont le fait des collectivités locales. Au Maroc, leurs actions sont limitées par le manque de compétences en gestion.
«L’état territorial au Maroc et en France : quelles synergies entre les finances de l’Etat et les finances des collectivités territoriales ?» était le thème de la huitième édition du Colloque international sur les finances publiques organisé les 12 et 13 septembre à Rabat par le ministère de l’économie et des finances, en partenariat avec l’Association pour la Fondation internationale de finances publiques (FONDAFIP), avec le soutien de la Revue française de finances publiques (RFFP). Cette rencontre, qui a vu la participation de divers responsables politiques et acteurs économiques, ainsi que de chercheurs et d’experts venus de différents pays, avait pour objectif d’«enrichir la réflexion sur les contours d’un modèle de coopération en matière financière entre l’Etat et les collectivités territoriales» et sur les approches et instruments à adopter pour réussir cette coopération.
Pour le Maroc qui prépare un projet de régionalisation avancée, le sujet est bien d’actualité. «Il ne peut y avoir de décentralisation et de régionalisation réussies sans réforme des finances territoriales. Il nous faut veiller à articuler les finances territoriales avec les finances de l’Etat, car les réponses aux attentes de proximité des citoyens ne peuvent être que locales», a ainsi expliqué Mohamed Boussaïd, ministre de l’économie et des finances.
Forte hausse des recettes et dépenses au Maroc
Du fait des réformes en cours dans les deux pays, le rôle des collectivités territoriales est appelé à évoluer aussi bien au Maroc qu’en France où de nouvelles compétences seront prochainement transférées aux collectivités locales dont le nombre sera diminué. Celles-ci représentent, en effet, 41% des collectivités locales des 28 pays de l’Union Européenne. Malgré les critiques, leur empreinte est bien visible sur le terrain : 70% des investissements publics réalisés en France sont le fait des collectivités locales.
Dans le Royaume, les dépenses des collectivités territoriales ont considérablement augmenté, passant de 11 à 30,6 milliards de DH entre 2002 et 2013. Au cours de cette même période, la part des investissements dans le montant des dépenses globales des collectivités territoriales est passée de 31,8% à 35,5% et celle des salaires de 42,8% à 35,5% et ce, en dépit de l’augmentation de la masse salariale qui est passée de 4,7 à 10,9 milliards de DH.
Il reste que ces collectivités souffrent de gros problèmes de gestion. Leurs dépenses d’investissement demeurent confinées dans des services publics de base. A titre d’exemple, au cours de l’année 2013, elles ont porté essentiellement sur les voies communales, les voiries, l’aménagement des chemins vicinaux et des pistes, les acquisitions immobilières, la construction de postes de transformation et de distribution d’électricité, l’adduction d’eau potable, le creusement de puits, la construction de marchés de gros et des halls aux poissons, etc. Autrement dit, l’essentiel des dépenses se rapportant à l’investissement public dans les domaines des infrastructures, de l’éducation, de la santé, de l’habitat… est réalisé par l’Etat et ses entreprises publiques.
A cela s’ajoute «une incapacité des collectivités locales à consommer l’intégralité des ressources», comme l’a constaté la Commission consultative de la régionalisation. Pour preuve, les excédents des exercices antérieurs sont passés de 8,6 à 21,7 milliards de DH entre 2002 et 2013. Dans le même temps, les recettes ordinaires ont atteint 31,8 milliards de DH en 2013 contre 13,8 en 2002. Elles ne représentent en moyenne que 12,5% des recettes globales réalisées par l’Etat et les collectivités territoriales. Cette hausse laisse apparaître une prépondérance des ressources transférées ou gérées par l’Etat, qui représentent en moyenne 79%, d’où la forte dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis de l’Etat.
La transposition des solutions importées de l’étranger est à éviter
De l’avis de Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, «le renforcement des compétences des collectivités territoriales au Maroc doit être accompagné nécessairement par le transfert de charges et la mobilisation de ressources financières supplémentaires par le biais de l’impôt, de la rémunération des services rendus, de l’emprunt, et une meilleure gestion des ressources provenant de leur patrimoine».
D’une manière générale, les intervenants marocains et français au colloque se sont accordés sur le fait qu’en matière de décentralisation, il faut surtout «éviter de transposer des solutions toutes faites importées de l’étranger», et qu’il est préférable d’opter pour des solutions adaptées au contexte et à la réalité socio-économique de chaque pays. Il n’en reste pas moins que la réussite de tout système de décentralisation reste tributaire de son accompagnement par un réel effort de déconcentration des services de l’Etat agissant au niveau des territoires. Ce qui suppose aussi de «veiller à la synergie» entre politiques déconcentrées de l’Etat et politiques décentralisées.
