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Le poids de l’industrie dans l’économie diminue

La part du BTP dans le PIB a fortement progressé. Les activités liées au tourisme ont stagné. Le poids de l’agriculture dans la richesse produite a baissé.

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poids de industrie 2013 01 14

On avait cru un moment que la croissance au Maroc avait atteint un niveau tel que cela lui permettait de s’autonomiser, dans une certaine mesure, par rapport à l’agriculture. Les gouvernements de l’époque (c’était entre 2004 et 2007) qui alignaient des taux de croissance hors agriculture supérieurs à 5%, en soulignaient même le fait, régulièrement. Depuis 2008, cette dynamique, sans être tout à fait enrayée, a cependant fléchi. Moyennant quoi, le PIB global se retrouve impacté, assez largement, par le comportement des activités agricoles et du secteur primaire en général. A preuve, en 2011, si le taux de croissance global a pu atteindre le palier de 5%, c’est parce que la valeur ajoutée agricole avait crû de 5,6%. En 2012, le taux de progression du PIB serait inférieur à 3%, car la valeur ajoutée agricole accuse une baisse très importante (-8,4% au troisième trimestre et probablement -9,3% sur l’ensemble de l’année). Pourtant, en 2011 comme en 2012, le PIB non agricole a augmenté à peu près au même rythme : 4,9% et 4,5% (estimation) respectivement. A contrario, en 2009, par exemple, si le Maroc avait pu réaliser un taux de croissance de 4,8%, il le devait à la valeur ajoutée agricole qui avait augmenté de 30,4%, tandis que le PIB hors agriculture s’était contenté d’une petite hausse de 1%.

Faut-il pour autant conclure à la stagnation des structures de l’économie marocaine ? Bien sûr que non. Mais à l’examen, l’évolution de celles-ci paraît lente, de sorte que le poids des secteurs économiques dans le PIB est resté quasiment dans la même configuration qu’il y a 15/20 ans. Autrement dit, les fondements de l’économie restent les mêmes, bien que le poids de chacun accuse une petite variation à la hausse ou à la baisse par rapport au PIB.

Ainsi, depuis 1998, la structure du PIB reste dominée par les activités de services, suivies par les activités secondaires (industrie, BTP et énergie et mines) et, en troisième lieu, par celles du secteur primaire (agriculture, pêche, aquaculture, chasse, sylviculture…). Encore une fois, cette structure n’est pas figée mais aucun grand secteur n’a pu prendre la place d’un autre ou même varier de façon substantielle. Et c’est ainsi que la croissance est en grande partie le fait des services, d’où ce que l’on a appelé la «tertiarisation» de l’économie marocaine, à l’image d’ailleurs de ce qui s’est produit dans certains pays européens, de plus en plus désindustrialisés et reposant principalement sur les services (comme en France et en Grande-Bretagne).

Textile, cuir et énergie en baisse

En effet, le secteur des services, y compris les services non marchands fournis par les administrations publiques (éducation, santé, sécurité…), a réalisé en 2011 une valeur ajoutée de 403 milliards de DH, soit 54,3% du total des valeurs ajoutées. En 1998, cette part était de 52,1%. Il y a donc une progression de 2,2 points sur les quinze dernières années. En réalité, la contribution des services au PIB (le PIB étant la somme des valeurs ajoutées principalement, majorée des impôts et minorée des subventions) a suivi un trend haussier plus fort dans les années allant de 2000 à 2006 au cours desquelles la croissance moyenne de ce secteur a été de l’ordre de 5% et son poids dans le PIB de 55%. Depuis, la part de ce secteur a quelque peu diminué dans le total des valeurs ajoutées et dans le PIB bien sûr, et cette baisse a été compensée par une hausse du poids du secteur secondaire. De 27,7% en 1998, la valeur ajoutée du secondaire passe à 30,2% en 2011 du total des valeurs ajoutées. C’est un bond de 2,5 points en quinze ans, mais cela reste insuffisant, d’autant plus insuffisant que cette hausse n’est pas le fait de la branche industrielle mais seulement des activités du BTP. Pour ce qui est de l’industrie dans ses différentes branches (agroalimentaire, textile et cuir, chimie et parachimie, mécanique, électrique, etc.), sa valeur ajoutée, dans le total des valeurs ajoutées, a bien au contraire baissé : 15,4% en 2011, au lieu de 17,3% en 1998. Et cette baisse est surtout le fait des activités du textile et cuir (2,3% au lieu de 4,4% sur la même période) et de l’énergie (2,8% au lieu de 3,6%). La valeur ajoutée de la chimie parachimie a en revanche augmenté, en passant de 2,2% en 1998 à 3,2% en 2011.

Le BTP, lui, a vu son poids considérablement augmenter : il passe de 4,3% en 1998, à 6,5% en 2011. Au total, la progression de la valeur ajoutée du secteur secondaire est principalement tirée par celle du BTP. Ce qui signifie clairement que le Maroc peine à faire émerger un secteur industriel fort, capable de donner du tonus, en particulier aux exportations, mais aussi d’offrir des emplois stables et de qualité. C’est à partir de ce constat sans doute que le Plan Emergence a été conçu, mais pour l’instant les effets tardent à se manifester.

Poids important des services rendus par les administrations publiques

Le secteur tertiaire, même s’il continue de trôner au-dessus des autres, est dominé par les activités du commerce (mais dont la valeur ajoutée tend à baisser : 13,6% en 1998 contre 10,4% en 2011), les services rendus par les administrations publiques (pour 36% de la valeur ajoutée du tertiaire et environ 20% du total des valeurs ajoutées) et les activités immobilières, de location et les services rendus aux entreprises (12,6% en 2011 contre 9,5% en 1998). Les hôtels et restaurants, par contre, stagnent, en termes de valeur ajoutée, à hauteur de 2,5% sur toute la période considérée. Les activités financières, elles, occupent la quatrième place dans les services mais leur poids est à peu près le même sur la période 1998-2011 : 5,4% et 5,9%, respectivement.

Il est possible, au vu de ces données, de dire qu’aujourd’hui encore ce sont les services offerts par les administrations publiques, donc en gros les services non marchands, qui tirent vers le haut le secteur tertiaire, alors même que l’on ne parle que de tourisme et des télécommunications. En réalité, si le tourisme et les télécommunications occupent en effet bien souvent l’actualité, c’est en raison, il est vrai, des taux de croissance élevés qu’ils ont réalisés sur la période considérée. Les télécoms par exemple, avaient pu croître, à des rythmes atteignant les 46% (c’était en 2000), 40,8% (en 2001) et 38,2% (en 2002). C’était la période de l’ouverture du secteur au privé. Mais les taux de croissance ne doivent pas, pour autant, amener à occulter le poids réel de chaque secteur. La poste et les télécoms, à titre de comparaison, c’est 22,1 milliards de DH de valeur ajoutée en 2011, contre 63,1 milliards de DH pour l’éducation, la santé et l’action sociale. Et vu les déficits que le Maroc a accumulés dans ces domaines, il y a encore une marge de progression importante.

Enfin, le secteur primaire a perdu, en termes de poids, 4,7 points entre 1998 et 2011 : respectivement 20,2% et 15,5% du total des valeurs ajoutées. L’agriculture, qui constitue la principale composante du secteur primaire, a vu le poids de sa valeur ajoutée diminuer de 18,8% à 14,3% sur la période considérée. Et cependant, l’agriculture reste un secteur important dans l’économie, comparativement à la Tunisie par exemple (11% du PIB) ou encore à la Turquie (10% du PIB). Surtout, ce secteur contribue très fortement à l’emploi puisqu’il concentre plus de 40% de la population active occupée (statistique du deuxième trimestre 2012), contre 38,7% pour les services et 20,8% pour l’industrie. Mais on sait par ailleurs que ces emplois pour une grande part ne sont pas rémunérés, sans compter leur caractère précaire lié à la saisonnalité des activités agricoles. Le Plan Maroc vert mis en place par les pouvoirs publics tend justement à moderniser l’agriculture, à lui permettre de générer une plus grande valeur ajoutée.

En gros, l’économie marocaine repose en grande partie sur les services, même si les activités secondaires ont tendance à prendre une place plus importante mais tirée surtout par le BTP, tandis que le poids de l’industrie baisse carrément.