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Le passage de l’IR à l’IS progressif bénéfique pour les petites structures
Beaucoup de chefs d’entreprise manifestent leur intérêt mais hésitent à franchir le pas. Ils redoutent la transparence qu’exige une société de capitaux. Malgré plusieurs avantages offerts par les précédentes Lois de finances, peu d’entreprises sont passées du statut individuel à celui de SARL.
L’opportunité pour les structures soumises à l’IR de basculer vers l’IS alimente les discussions dans les milieux des affaires, après l’adoption du barème progressif de l’IS. Experts-comptables, responsables de fiduciaires et juristes rapportent un intérêt grandissant. «Certes, le gros des assujettis à l’IR professionnel ont du mal à sortir de la zone de confort que confère ce régime fiscal connu pour ses multiples zones grises. Mais il existe des patrons de TPME, notamment celles en développement, qui s’informent de plus en plus sur l’intérêt à migrer vers l’IS», explique le Tax manager d’un grand cabinet national, qui relève au passage l’ampleur de la population concernée. Aujourd’hui, sur les 786740 sociétés déclarant leurs impôts, 529 000 s’acquittent de l’IR professionnel et 257740 paient l’IS, selon les chiffres de la DGI. Autrement dit, les deux tiers des entreprises en activité paient l’IR. «Théoriquement, à voir les tranches du barème de l’IR et de l’IS progressif, la migration vaut le coup pour les petits résultats et donc en principe pour les TPME», estime El Mehdi Fakir, expert-comptable et directeur associé du cabinet Ad Value Audit&Consulting.
Des économies d’impôt pouvant atteindre 50%
Le Tax manager va dans le même sens. Pour lui, les tranches inférieures sont plus ramassées dans l’IR, ce qui fait que l’on est rapidement taxé à 38% (à 180 000 DH, on atteint le taux marginal). Dans l’IS, la première tranche de résultat inférieur à 300 000 DH est assujettie au taux de 10% (voir encadré pour l’IR).
De son côté, l’associé gérant d’un grand cabinet invite, pour ne pas tomber dans le déterminisme, à procéder à des simulations qui prendront en considération plusieurs cas de figure. Surtout que l’IR professionnel suppose plusieurs traitements sur une multitude de rubriques avant que le revenu imposable ne soit déterminé.
Pour que la simulation soit plus conforme à la réalité, on retiendra les trois niveaux de revenus imposables: inférieur, intermédiaire et supérieur. Une entité qui réalise un résultat imposable de 250000 DH paiera 73000DH si elle opte pour l’IR (soit un taux effectif de 29,2%). Pour l’IS, elle ne devra au fisc que 25000 DH. Elle réalise ce faisant une économie de 48000 DH.
Prenons maintenant le cas d’un revenu imposable de 650 000DH. Selon le barème de l’IR, la société est redevable de 225 000 DH, soit un taux effectif de 34,6%, alors qu’elle ne doit s’acquitter que de 100 000 DH si elle est soumise à l’IS.
Pour le cas des revenus supérieurs, une entité réalisant par exemple 1,2 MDH de résultat imposable doit payer 434 000 DH au titre de l’IR (taux effectif de 36%) et 232000 DH selon le nouveau barème de l’IS. L’économie d’impôt est donc de 202 000 DH. C’est ce qui fait dire à M. Fakir que l’opportunité est avérée pour les petites et moyennes structures (ce qui est souvent le cas des entités qui déclarent selon le régime de l’IR) dans la mesure où les taux effectifs de sortie augmentent à mesure que les revenus imposables deviennent plus importants.
Bien que les marques d’intérêt pour la migration vers l’IS (et par conséquent aller de l’entreprise individuelle vers les sociétés de capitaux) soient perceptibles, il y a toujours cette résistance culturelle de garder l’intuiti personae des sociétés de personnes et les zones d’ombre qu’offre l’IR. Cette forme juridique rend floue la frontière entre le patrimoine personnel et celui de l’entreprise. Pour cette raison, même si l’opportunité économique le justifie, la migration de masse vers les sociétés plus structurées et plus transparentes n’est pas pour bientôt, commente El Fakir.
L’expérience lui donne raison. Malgré tous les avantages et les exonérations prévus dans les Lois de finances précédentes pour les apports des personnes physiques assujetties à l’IR à une société soumise à l’IS, les opérateurs ne se bousculent pas aux guichets du fisc.
L’informel comme mode de gestion
D’après les dernières données de l’Administration fiscale, sur les 900 000 entreprises individuelles dont 578000 qui déclarent au fisc, moins de 6 500 sont passées au statut de SARL depuis 2011. De plus, sur les 12 800 sociétés de personnes en activité, pas plus de 315 ont opté pour l’IS. Pour encourager les entités dans ce sens, la Loi de finances 2018 a élargi la possibilité aux sociétés de personnes de basculer vers l’IS même en cours d’exploitation, alors que seules les sociétés en création y avaient droit.
Cette hésitation s’explique par le fait que la forme société de capitaux met l’entreprise sous les projecteurs. «Bien qu’en déclarant leurs impôts, ces entités restent souvent dans l’informel en raison des pratiques frauduleuses et de la non-séparation des patrimoines qui peuvent les caractériser», explique le juriste. Des responsables de la DGI reconnaissent que l’IR est moins transparent que l’IS. Ces entités y trouvent tellement leur compte qu’elles se passent des multiples avantages qu’offre le statut de société de capitaux et l’IS. «Opter pour l’IS en se mettant en société de capitaux pousse à aller vers plus de transparence, donne droit à d’intéressants avantages fiscaux et offre des gains substantiels sur le plan social. De plus, la gouvernance est améliorée, ce qui renforce la crédibilité auprès des partenaires. C’est d’ailleurs pour cela que le législateur encourage la transformation des entreprises», conclut le directeur associé du cabinet Advalue Audit&Consulting.