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Affaires

Le ministère de la santé veut porter la part des génériques de 25 à  70% de la consommation

70% des princeps actuellement vendus au Maroc tomberont dans le domaine public dans trois ans.

Les médecins mettent en avant une efficacité douteuse alors que les pharmaciens craignent
un effondrement de leur chiffre d’affaires.

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Ce sont 70% des princeps, ces médicaments fabriqués par les laboratoires ayant inventé la formule initiale, et qui sont actuellement vendus sur le marché marocain qui tomberont dès 2013 dans le domaine public, ouvrant ainsi la porte à la fabrication de génériques par la concurrence. Et les multinationales pharmaceutiques s’y préparent déjà. Plusieurs d’entre elles ont commencé à produire des gammes de génériques et d’autres sont en voie de le faire. C’est le cas de Sanofi-Aventis avec une gamme portant le nom de Wintrop, Servier avec Biogaran, Novartis avec Sandoz et de Pfizer qui vient d’annoncer le prochain lancement de ses propres génériques, sans compter les laboratoires locaux. Pour le Maroc, cela se traduira par une extension de l’offre de médicaments génériques. Ce qui arrive à point nommé puisque aujourd’hui le Maroc entend mettre en place une politique du médicament qui doit, de l’avis de plusieurs observateurs, accorder une grande place à cette catégorie de médicaments. En effet, le ministère de la santé entend porter la part des génériques de 25 à 70% de la consommation globale du pays, sachant que l’essentiel de la consommation actuelle est le fait du secteur public de la santé. Selon les statistiques du secteur, la part des génériques dans les appels d’offres du ministère s’élève à 85%, contre 25% pour le marché privé estimé à 8 milliards de DH. Et c’est au niveau de la pharmacie de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) que l’on enregistre le plus faible taux de pénétration du générique, soit 8%. Il faut rappeler, en effet, que la caisse distribue essentiellement des princeps dans le cadre de la prise en charge totale des pathologies lourdes (cancer, hépatite, diabète, hypertension etc.).
Les génériques, qui ont encore du mal à percer sur le marché, sont aujourd’hui au cœur d’un débat national. Le ministère de la santé, souhaitant encourager la prescription du générique, vient de lancer une étude pour identifier les modalités d’amélioration du taux de pénétration de ce type de médicament. Une initiative à laquelle semblent adhérer les laboratoires marocains, l’Agence nationale de l’assurance maladie et les organismes gestionnaires (CNOPS et CNSS). En revanche, les pharmaciens et les médecins, eux, émettent des réserves et craignent une politique contraignante du médicament.

Le droit de substitution contre la mobilisation en faveur des génériques

Les médecins, réticents à la prescription du générique, réclament la bioéquivalence des médicaments. Ils refusent de signer des ordonnances prescrivant des médicaments dont, disent-ils, ils ne sont pas sûrs de la qualité. «C’est un faux problème !», rétorquent les industriels qui tiennent à préciser que la problématique de la bioéquivalence ne concerne qu’une infime partie des médicaments commercialisés sur le marché. Il s’agit essentiellement des produits à faible dosage de principe actif, et qui ne représentent que 2 à 3% des ventes. Par ailleurs, les industriels soulignent qu’un générique, avant d’obtenir son autorisation de mise sur le marché (AMM), fait l’objet d’analyses poussées de la part des laboratoires du ministère de la santé. Ils ajoutent que la totalité des médicaments répondent aux standards des normes internationales. Et pour preuve, poursuivent ces industriels, plusieurs génériques ont vu leurs ventes dépasser de 10 à 15% le volume des ventes de la molécule mère. Ils citent le cas sur le marché marocain de l’Omeprazole et de l’Amlodipine qui ont enregistré des augmentations respectives de 325 % et 200% par rapport aux princeps.
Les pharmaciens, quant à eux, ne placent pas le débat sur le plan qualité mais plutôt au niveau du prix. Une meilleure pénétration du générique, dont le prix est généralement 40 à 50% moins cher que le princeps, se traduirait, en effet, par une baisse du chiffre d’affaires des officines. L’incitation à la vente des génériques nécessite, selon la profession, la mise en place de mesures d’accompagnement notamment une hausse de la marge actuellement fixée à 30% pour tout type de médicaments. Par ailleurs, le droit de substitution, s’il est mis en place, pourrait aussi être à l’avantage des génériques.
C’est pour des raisons économiques aussi, mais autres que celle des pharmaciens, que le ministère, l’Anam, les organismes gestionnaires et les industriels sont favorables aux génériques. Pour les laboratoires, les génériques sont un segment de produits important pour le développement des ventes aussi bien sur le marché local qu’au niveau de l’exportation. Selon eux, le ministère de la santé qui se prépare à l’extension du régime d’assistance médicale aux économiquement démunis (voir page 14) ferait annuellement une économie de 4% sur les budgets des médicaments grâce aux génériques. Et c’est dans le souci d’économiser et de préserver l’équilibre de la couverture médicale, en vigueur depuis quatre ans, que les organismes gestionnaires, menacés de déficit dès 2013, sont favorables aux génériques. La Cnops a d’ailleurs décidé dernièrement de n’acheter que des génériques, là où il en existe. La dépense en médicaments de la caisse s’élève actuellement à 450 MDH par an et porte à hauteur de 70% sur des princeps.