SUIVEZ-NOUS

Affaires

Le Maroc tient bon face à  la concurrence des pays de la région Mena

Sur le volet fiscal, le Maroc est moins souple que des pays concurrents comme la Turquie et l’Egypte. Proximité avec l’Europe occidentale, stabilité politique et économique, infrastructures routières et portuaires sont ses principaux atouts.

Publié le


Mis à jour le

tanger free zone 2011 11 09

Les pouvoirs publics viennent de décider la création d’une nouvelle zone franche d’exportation lors de la dernière réunion du conseil de gouvernement. Après l’expérience de ce type d’espaces dédiés à l’attraction des investisseurs étrangers à Tanger, le nouveau site sera aménagé dans la région de Fès.
Le choix de cette ville éloignée des frontières peut paraître surprenant, mais il est loin d’être fortuit. Fès se place en effet comme un prolongement de la zone de Tanger, notamment pour les activités d’exportation qui y prospèrent dans les domaines de l’agroalimentaire et du textile. Autrement dit, le potentiel de développement y est appréciable. C’est donc ce qui dicte cette décision qui confirme également la stratégie initiée par l’Etat, depuis les années 1990, pour le développement des zones franches d’exportation. Quatre autres zones seront opérationnelles à Kénitra, Tanger (deux, près de Melloussa opérant principalement dans le cadre du mégaprojet de Renault) et Nador.

Une centaine de zones dans la région Mena

Le choix de miser sur ce type d’espaces industriels est  réitéré au moment où la plupart des pays se livrent une rude bataille dans ce domaine. Il existe aujourd’hui plus d’une centaine de zones franches dans la région Mena. Et cette course pour l’attraction de capitaux internationaux, surtout en cette période de crise, se fait au prix d’importantes concessions fiscales, et parfois sociales. Jusqu’où le Maroc peut-il aller dans les avantages accordés aux investisseurs pour faire face à cette concurrence ?
Le premier constat qui se dégage de la comparaison entre les batteries de mesures incitatives mises en place par les principaux pays de cette région laisse apparaître que le Maroc est loin d’offrir autant de facilités que ses concurrents dans le domaine fiscal. On peut dire qu’il se situe au milieu du tableau. S’il offre, à l’instar de la majorité de ces pays, l’exonération des droits de douane sur les produits qui seront réexportés, en plus de la non-application de la réglementation des changes, le Royaume n’octroie pas d’exonérations totales et durables en matière d’IS et d’IR, comme le font l’Algérie, l’Egypte, le Koweït et les Emirats Arabes Unis. En effet, la durée d’exonération de l’IS est limitée à 5 ans et le taux est fixé à 8,75% pour les 20 années qui suivent, tandis que les employés bénéficient d’un abattement de 80% sur l’IR.
En matière de taxation des dividendes, le système marocain exonère de l’impôt les dividendes versés à des non résidents. Par contre, un taux de 7,5% est appliqué aux dividendes versés aux résidents. Alors que d’autres pays, comme l’Algérie, la Turquie et l’Egypte, exonèrent totalement ce revenu pour tout le monde.

Le Maroc fait mieux que la Tunisie et l’Algérie

Devant cette course, aveugle parfois, pour attirer les capitaux, une question s’impose : le fait de consentir le maximum d’avantages fiscaux au détriment de recettes publiques et parfois d’assouplir la législation du travail aux dépens du bien-être d’une grande frange de la population est-il déterminant dans le choix de l’investisseur ? Pas si sûr. La plupart des responsables que La Vie éco a consultés (au sein du ministère de l’industrie et du commerce, du ministère du commerce extérieur, de TFZ…) affirment que le choix des investisseurs n’est pas basé que sur la fiscalité et le coût de la main-d’œuvre. Certes, ces deux critères sont pris en compte, mais c’est l’examen d’un ensemble de données dans le cadre du business-plan qui tranche dans la décision finale. Et pour le cas du Maroc, il n’y a pas de doute que le facteur de la proximité joue un rôle considérable. «Pour les opérateurs qui ciblent le marché de l’Union européenne, le fait qu’on soit proche du Vieux Continent nous donne un avantage de taille qui est pris en considération dans notre approche, d’autant qu’entre un délai court de la livraison de la marchandise et un coût de production relativement plus élevé, l’investisseur qui cherche à être compétitif sur ce marché n’hésite pas à faire le choix de la première condition», explique un cadre du ministère de l’industrie et du commerce. Ce facteur devient de plus en plus important pour le Maroc, surtout après l’amélioration des infrastructures portuaires, routières et ferroviaires. «Avec une connectivité devenue plus fluide grâce à Tanger Med, l’acheminement des conteneurs est assuré en un temps qui nous donne une avance considérable sur nos principaux concurrents», indique Hassan Benseddik, chef de division des relations commerciales multilatérales au ministère du commerce extérieur.

TFZ, un modèle de réussite

Le résultat est là pour le confirmer. L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) cite le Maroc parmi les pays de la région Mena où ce type de projets a donné les meilleurs résultats, non en raison de l’importance des facilités consenties, mais du fait que l’environnement y est déjà favorable du point de vue des politiques macroéconomiques et du taux de change, de la législation sur la propriété privée et l’investissement, des réglementations du marché du travail, de la productivité du capital humain et de la sécurité juridique.  
Non loin du Royaume, l’Algérie avait, au milieu des années 2000, essayé de développer le modèle des zones franches. L’expérience a été un échec total, bien que l’Etat ait proposé aux investisseurs des incitations défiant toute concurrence, entre autres des exonérations fiscales ainsi que d’autres aides pour la formation et la logistique. Le bide est illustré par la zone franche de Bellara, de 500 ha, aménagé en 2006 dans la wilaya de Jijel. Aucun investisseur n’a manifesté son intérêt de venir s’y installer et les pouvoirs publics algériens ont alors décidé de fermer le site en attendant sa reconversion.
La Tunisie, qui était présentée depuis longtemps comme le modèle d’attraction des investisseurs dans la région, n’a pas mieux réussi. De l’avis des spécialistes, son expérience dans le domaine des zones franches est même en train de tourner au fiasco. Même avec des avantages non réglementaires dont pouvaient bénéficier les investisseurs et une législation sociale des plus souples, ce pays n’a pas brillé par son modèle de zones franches d’exportation et n’a pu concurrencer le Maroc. «Cela a toujours été un choix des pouvoirs publics, de ne pas trop miser sur la carte du social et spécialement en bradant la main-d’œuvre», insiste Brahim Qermane, membre du secrétariat permanent du Comité national de l’environnement des affaires (CNEA).
Pour le moment il n’existe que trois zones franches d’exportation dans le pays, dont une seule est opérationnelle, Tanger free zone (TFZ) en l’occurrence. Mais l’expérience est tellement prometteuse que la prochaine zone de Melloussa est vouée à un avenir radieux, puisqu’à travers elle transitera le flux commercial du mégaprojet de Renault. L’espoir est aussi permis pour celle de Jouamaa, près de Melloussa.