Affaires
Le Maroc presque démuni face à la contrefaçon
Des articles contrefaits sont importés de manière légale avant d’être réexportés en Afrique subsaharienne ou écoulés sur le marché local. Des répliques presque parfaites sont vendues à des prix élevés.

Le Maroc est décidément un des acteurs incontournables du commerce de contrefaçon à l’échelle mondiale. Preuve en est qu’il vient d’être classé 11e exportateur et 6e producteur des produits contrefaits et piratés (avec 0,6% de part de la production mondiale) par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui s’est appuyée sur des chiffres communiqués par les directions des douanes mondiales pour les années 2011, 2012 et 2013.
La lecture du rapport révèle également que, d’année en année, le pays monte en régime dans ce domaine. En tout cas, les statistiques de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OPMIC) montrent clairement l’étendue du phénomène. La contrefaçon sur le marché marocain est estimée entre 6 et 12 milliards de DH, soit 0,7% à 1,3% du PIB. Ce fléau génère une perte fiscale annuelle de près d’un milliard de DH et la perte, ou le basculement dans l’informel, de près de 30 000 emplois.
Les produits de contrefaçon sont principalement importés d’Asie, particulièrement de la Chine considérée comme premier pays exportateur et producteur des articles contrefaits et piratés avec une part dépassant les 60% de la production mondiale. «Dans la plupart des cas, ces produits, qu’ils soient écoulés sur le marché national ou réexportés vers d’autres destinations, principalement l’Afrique subsaharienne, transitent par des plateformes de transbordement, principalement Casablanca, Oujda/Nador, Tanger/Tétouan, Agadir/Inzegane», selon les équipes de l’OMPIC.
Toutes les grandes marques mondiales ont leurs imitations au Maroc
Sacs à main de luxe ou chaussures de sport contrefaites, fausses montres, faux parfums…, aucune famille de produits n’est épargnée. En effet, à l’instar de ce qui se passe à l’échelle internationale, «les secteurs les plus exposés à la contrefaçon au Maroc sont principalement le textile et les articles en cuir, en l’occurrence les chaussures et les sacs. Sont aussi concernés l’appareillage électrique, les pièces de rechange automobile et les produits d’hygiène et cosmétiques». Toutes les grandes marques mondiales ont leurs imitations au Maroc. De quoi faire plaisir aux accros de la mode à la bourse modeste. Selon un importateur, les imitations de mauvaise qualité représentent près de 70% de la marchandise importée et commercialisée au Maroc. Les consommateurs de ce type de produits ne cherchent pas forcément à se procurer un produit avec un label international, «le prix est leur principal critère d’achat», explique-t-il. A l’en croire, «presque tous les articles, principalement les sacs, vêtements de sport et chaussures, vendus dans le commerce traditionnel (les souks et les kissariates) sont des imitations». De plus, la plupart des clients ne savent même pas qu’il s’agit de modèles copiés sur des marques internationales.
Si certains consommateurs achètent ces produits faute de choix où par ignorance, d’autres le font volontiers. Depuis quelques années, des répliques des grandes marques, difficile à distinguer des articles authentiques, sont vendues sur le marché à une clientèle avertie, principalement la classe moyenne de Casablanca, Rabat et Marrakech.
Des répliques difficiles à distinguer des originaux sont dédiées à une clientèle avertie
Un sac Chanel à 6 000 DH, des chaussures Louboutin à 4 000 DH, ou encore des baskets Valentino à 2500 DH et une montre Rolex à 15 000 DH. Ces articles, contrairement à la première catégorie, sont fabriqués avec des matières nobles, telles que le cuir naturel pour les sacs et chaussures, le coton ou de la laine pour les vêtements. Les contrefacteurs avancent même qu’il s’agit d’articles fabriqués dans les mêmes lignes de production des grandes marques en Chine, Turquie et même au Maroc où il existe des ateliers de sous-traitance des grandes marques telles que Furla, Vanessa Bruno, Chloé et Céline. Evidemment, ces sous-traitants utilisent presque les mêmes matières et accessoires que pour les produits authentiques. Aucun détail ne leur échappe, y compris le numéro de série à l’intérieur des sacs et la carte d’authenticité pour les autres produits. «Bien qu’ils aient les moyens financiers, les fans des grandes marques préfèrent acheter une bonne réplique que de dépenser une fortune pour un article original dont la valeur vénale baisse dès sa sortie du magasin», fait remarquer un commerçant. Selon des opérateurs très au fait des pratiques du secteur commercial, beaucoup d’articles sont importés par voie légale (c’est-à-dire que les droits et impôts y afférents sont payés), exposés et vendus dans des magasins qui ont pignon sur rue. Contactée à ce sujet, la Direction des douanes et impôts indirects n’avait pas donné suite à notre demande à l’heure où nous mettions sous presse.
