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Le Maroc est-il un marché de seconde zone pour les marques automobiles ?
Plusieurs modèles commercialisés au Maroc sont largement moins dotés en équipements et motorisations que ceux vendus dans d’autres pays. Selon les concessionnaires, des paramètres très scientifiques font qu’une marque choisit de mettre en vente des finitions et des motorisations précises sur un territoire donné. Les acheteurs deviennent de plus en plus exigeants.
C’est un constat connu de tous : plusieurs modèles de voitures commercialisés au Maroc sont largement moins dotés en équipements et motorisations que ceux vendus dans d’autres pays, notamment d’Europe. Est-ce que cela fait du Maroc un marché de seconde zone pour les marques automobiles ? Pas du tout, affirment les concessionnaires de la place ! De prime abord, ils s’accordent à dire que ce sont des paramètres très scientifiques qui font qu’une marque choisit de mettre en vente des finitions et des motorisations précises sur un territoire donné. Du coup, être une sorte de marché accessoire ou de seconde zone n’a rien de subjectif de la part du constructeur. «En prenant en compte les spécifités de chaque zone de vente, le concessionnaire et le constructeur se mettent d’accord sur des finitions et des motorisations données», explique Adil Bennani, président de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam). Pour lui, le grand déterminant est le volume réalisé sur ce marché. Si la demande n’existe pas et que les ventes n’atteignent pas un niveau qui justifie d’aller vers plus de finitions, il est plutôt normal que le constructeur mette en vente juste les versions basiques.
A côté de ce facteur, il existe quatre grands critères qui font qu’un constructeur met en vente un véhicule plus ou moins doté en équipements et en blocs moteurs sur un marché donné. Il s’agit de la qualité des routes et de la signalisation qui touche les variantes de pneumatiques, suspensions, solutions intelligentes d’aide à la conduite (lecture des panneaux de signalisation, détection des obstacles…). Si les routes sont délabrées et la signalisation rare et non homogène, toute cette panoplie d’équipements à bord ne sert absolument à rien, ce qui pousse le constructeur à se limiter aux finitions dénuées. La qualité du carburant en vente dans le pays dicte également les motorisations à y commercialiser. «Les constructeurs font des prélèvements réguliers dans des stations-services et les soumettent à leurs laboratoires pour tracer les caractéristiques du carburant (indice de soufre, indice d’octane, indice de lubrification…). En fonction de cela, des motorisations se trouvent éligibles au vu des variantes et d’autres non», explique le président de l’Aivam.
Chaque concessionnaire a sa propre politique commerciale
Le troisième déterminant est le climat qui façonne le choix des équipements et blocs moteurs selon la résistance aux éléments externes et les résultats des tests constructeurs. Enfin, la réglementation en vigueur influe sur le niveau d’équipement à bord et les prérequis des moteurs. Par exemple, les émissions de gaz par les véhicules sont régulées dans plusieurs pays développés grâce à des systèmes de bonus/malus. Ces systèmes induisent un coût supplémentaire pour l’acheteur, ce qui pousse les constructeurs à orienter les meilleurs blocs moteurs vers les marchés stricts et le reste vers les marchés où les émissions ne sont pas réglementées.
Hicham Benouna, gérant d’Auto Ware house, soutient pour sa part que la décision du constructeur est également liée aux réflexes d’achat et au profil de l’acheteur rapportés par le concessionnaire. Dans d’autres marchés, les consommateurs comparent les couples moteur, les technologies motrices, les systèmes de boîtes de vitesses, les dimensions par rapport au poids… «Au Maroc, nous sommes beaucoup moins portés sur la motorisation. Le design externe, la vignette et la consommation en carburant restent les principaux critères de choix. La voiture étant un signe d’appartenance sociale, l’on achète plus une carrosserie même dépouillée d’équipements et d’options», explique M. Benouna.
C’est ce qui a fait que, pendant des années, les constructeurs, face à ce faible niveau d’exigence exprimé auprès des concessionnaires, ont abaissé leur dotation en équipements à destination du marché local. Mais «les choses sont en train de changer, les clients sont de plus en plus portés sur le confort et l’agrément de conduite. Nous commençons à relever des réflexes d’acheteurs exigeants et avertis chez beaucoup de nos prospects», tempère le directeur développement d’une marque généraliste.
Cela dit, le directeur général d’une grande concession ajoute que chaque concessionnaire a sa propre politique commerciale basée sur les tendances qu’il voit se développer chez la clientèle locale, sa lecture du marché et le niveau de marge que le véhicule (finition et motorisation) lui laisse. Ce qui l’oblige à importer telle ou telle finition s’il veut être commercialement percutant .
Les passionnés recourent de plus en plus aux services des garagistes
Maintenant, si un client souhaite n’importe quelle finition ou motorisation disponible sur d’autres marchés (à condition que le véhicule soit homologué par les autorités), il peut en faire la demande auprès de la concession, l’importer à titre individuel, ou le commander dans le réseau des garagistes. Chose qui se fait couramment, surtout dans le marché des berlines de luxe. D’ailleurs, «le fait que les variantes de voitures commercialisées par les concessionnaires locaux soient dépouillées en comparaison à d’autres marchés, notamment européens concerne davantage le segment premium», relève un commercial chez le site spécialisé voitureaumaroc.ma. C’est ce qui explique que de plus en plus de clients font le choix d’importer ou d’acheter des véhicules selon leurs spécifications auprès de garagistes. Sachant que la moyenne de délai d’attente pour se voir livrer un véhicule personnalisé chez le concessionnaire va de 3 à 5 mois. «Les garagistes importent à l’avance et constituent un stock ou font la commande à la demande du client mais avec livraison dans des délais bien plus réduits», ajoute le commercial de voitureaumaroc.ma.
Selon M.Benouna, les garagistes, qui font aujourd’hui entre 20 et 30% du marché du premium, ont réussi cette percée dans le segment du luxe en raison de la flexibilité de leur offre. Il explique que ces derniers n’ont pas les contraintes des concessionnaires en termes de commandes qu’ils doivent passer au moins 3 mois à l’avance. Le garagiste n’a pas de contrainte constructeur et par conséquent une marge de manœuvre plus grande. Le rapport prix/équipements plaide aussi pour l’achat chez les garagistes. Ces derniers achètent leurs véhicules auprès de revendeurs en Europe qui pratiquent des remises très intéressantes (généralement de 20 à 30%) puisqu’il s’agit de véhicules neufs restés en stock pendant plus de 6 mois et donc considérés comme des voitures d’occasion avec 0 kilomètre parcouru, ou des véhicules de démonstration achetés à prix bas et importés comme neufs (pas encore immatriculés), ou même de véhicules bradés par les revendeurs européens après désistement d’un client.
N.D.