SUIVEZ-NOUS

Affaires

Le dollar gagne 15% par rapport au dirham en un an ! Quel impact sur notre économie ?

Les exportations de phosphates en profitent, mais la facture énergétique s’en trouve fortement impactée. Le dirham s’est légèrement renchéri face à  l’euro : importations en provenance de l’Europe et service de la dette s’en trouvent allégés. La compétitivité-prix des produits marocains exportés vers l’UE s’est détériorée.

Publié le


Mis à jour le

euros et dollars 2012 06 08

Les principales monnaies du panier de référence du dirham, c’est-à-dire l’euro et le dollar, subissent depuis quelque temps des variations qui n’ont pas manqué d’impacter le cours de la devise nationale. Mais cet impact, bien sûr, varie en fonction du niveau d’indexation du dirham par rapport à ces deux monnaies. Car, rappelons-le, depuis avril 2001, le dirham est très fortement ancré à l’euro, puisque ce dernier constitue, depuis, 80% du panier de référence, contre 20% pour le dollar ; ceci reflétant la structure des échanges extérieurs du Maroc. Et ce fort ancrage du dirham à l’euro avait pour objectif, justement, de limiter les fluctuations de la monnaie nationale vis-à-vis de la monnaie unique européenne.

C’est ainsi que consécutivement à la baisse de l’euro par rapport au dollar, en particulier avec la crise actuelle des dettes souveraines en Europe, le dirham, en terme nominal, s’est apprécié face à la monnaie unique, mais légèrement. Lundi 4 juin, en effet, la parité s’établissait à 11 dirhams pour 1 euro, au lieu de 11,35 dirhams pour un 1 euro à la même date de l’année dernière, soit une appréciation de 2,8%. Sur l’ensemble de l’année 2011, le dirham s’est apprécié de 0,6% par rapport à l’euro. Ce renchérissement a été de 1,3% en 2010, selon le Haut commissariat au plan (HCP).

Par rapport au dollar, en revanche, le dirham s’est fortement déprécié. Avec une parité de 8,9 dirhams pour 1 dollar en cette première semaine de juin, contre 7,7 dirhams pour 1 dollar à la même période de 2011, la monnaie nationale a perdu quelque 15%. Sur les années 2010 et 2011, la dépréciation moyenne du dirham par rapport au billet vert a été respectivement de 6,3% et 2,6%.

La question qui se pose est de savoir si ces fluctuations de la valeur du dirham produisent des incidences sur les échanges extérieurs du pays, en termes de compétitivité, ainsi que sur les flux financiers, comme la dette et les transferts des MRE, notamment.

A première vue, la forte dépréciation du dirham vis-à-vis du billet vert est de nature à «booster» les exportations du Maroc facturées en dollars américains, en particulier les phosphates. Et, en effet, l’impact de la hausse du dollar (donc de la dépréciation du dirham) est nettement visible en ce qui concerne les phosphates et dérivés de phosphate, puisque sur les quatre premiers mois de cette année les recettes ont augmenté respectivement de 14,6% et 1,6%, alors même que les volumes expédiés ont baissé respectivement de 2,8% et 0,9%.

La compétitivité prix des produits marocains s’amenuise dans la zone euro

De l’autre côté, il se trouve que les produits énergétiques, que le Maroc importe en quasi-totalité, sont également facturés en dollar. Traditionnellement, lorsque le billet vert s’apprécie, le prix du pétrole a plutôt tendance à baisser. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Résultat : la facture énergétique augmente pour des tonnages pourtant en baisse : +3,7% en valeur et -9,8% en tonnage pour le pétrole brut, et respectivement +27,8% et -0,5% pour les gaz de pétrole, sur les quatre premiers mois de 2012. Plus simplement, on importe moins et on paie plus.

Quant à l’impact sur la dette extérieure, il reste minime, puisque la part de la dette libellée en dollar est très modeste (8,4%).
S’agissant maintenant de la baisse de l’euro, donc de l’appréciation du dirham, à première vue, cela peut être bénéfique pour la dette extérieure, dont plus de 71% est libellé en monnaie unique. En outre, les importations en provenance de l’Europe, un continent qui représente les 2/3 des échanges extérieurs du Maroc, devraient avoir profité du reflux de l’euro. Sauf que, dans le même temps, cette situation n’arrange pas les exportateurs : d’une part, leurs recettes baissent, et, d’autre part, leurs produits se renchérissent légèrement avec l’appréciation du dirham, ce qui n’est pas pour arranger la compétitivité-prix des entreprises marocaines, surtout dans le contexte de crise que connaît l’Europe où les ménages réfléchissent à deux fois avant d’acheter un produit.

Au final, et même si les services concernés, comme le ministère des finances, n’ont pas encore produit de simulation sur les gains ou les pertes induits par ces fluctuations de la parité du dirham, il semble bien que, dans l’ensemble, il y a une sorte de compensation entre la baisse de l’euro, d’un côté, et la hausse du dollar, de l’autre côté. Mieux, avec le faible niveau d’inflation, favorable au Maroc (2,7% en zone euro, contre 0,9% au Maroc en 2011), la valeur du dirham s’est même légèrement dépréciée (voir encadré).