Affaires
Le détail du contrat programme pour l’industrie
Imtiaz, des primes d’investissement pour 50 PME par an à hauteur de 20% de leur programme avec un maximum de 5 MDH.
Moussanada, accès élargi aux lignes de financement et à l’assistance technique pour 500 PME chaque année.
Deux fonds : un pour le capital investissement et un pour la reprise et la transmission d’entreprises.
C’est ce vendredi 13 février que devrait être signé le contrat programme entre le gouvernement et la CGEM pour l’industrie. En discussion depuis plus d’un an et demi, le document, plus connu par les initiés sous le nom de «Livre blanc de l’industrie», a finalement pu être ficelé au terme de plusieurs mois de tractations avec le secteur privé. Un véritable travail de fourmi qui a abouti à l’élaboration d’une centaine de mesures. A la base de ce contrat une démarche guidée par deux idées fondatrices. La première est de focaliser les efforts sur les sept métiers mondiaux du Maroc tels qu’ils ont été arrêtés dans le programme Emergence. Deuxième principe : en plus de ces champions nationaux, il sera toujours nécessaire de venir en aide aux autres branches du secteur industriel en les dotant d’atouts compétitifs dans l’objectif de maintenir la diversité de la production et sauvegarder l’emploi.
D’ailleurs, parmi les 100 mesures contenues dans le plan, les plus en vue sont justement celles destinées au soutien des PME. La première bonne nouvelle apportée par le contrat programme porte le nom de Imtiaz. Il s’agit, en fait, d’une prime à l’investissement que l’Etat versera chaque année à 50 entreprises. Cette prime s’élèvera à 20% de leur programme d’investissement sans dépasser, toutefois, un montant total de 5 millions de DH par entreprise. Néanmoins, au vu des informations disponibles à l’heure où nous mettions sous presse, le plan ne fournissait pas de détail sur les critères de choix des 50 entreprises en question. Mais tout porte à croire que ces primes d’investissement, comme leur nom l’indique (Imtiaz voulant dire excellence), seront accordées aux entreprises les plus performantes et les plus transparentes.
Le privé pour gérer les fonds de capital investissement et de reprise d’entreprises
Ce n’est pas tout. Pour ratisser large, le contrat programme prévoit également un autre mécanisme d’aide baptisé Moussanada qui consistera lui aussi en des aides techniques (prise en charge de diagnostics, assistance à la restructuration…) et des accès à des lignes de financement aux PME, mais à une échelle plus réduite. Ce niveau d’aide inférieur à celui d’Imtiaz permettra justement d’élargir la cible. Le ministère de l’industrie table sur une population de 500 entreprises par an. Là, en revanche, aucune information n’est encore disponible quant aux mécanismes d’aide ni aux critères d’accessibilité aux lignes de financement pour la simple raison que les équipes étaient, à l’heure où nous mettions sous presse, en train d’apporter les dernières retouches au dispositif. En attendant, l’on sait d’ores et déjà que Moussanada fera appel, entre autres, à des dispositifs d’assistance qui existent déjà, notamment ceux offerts par l’Agence nationale de la PME (Anpme). C’est en fait tout le dispositif de la mise à niveau (aujourd’hui appelée modernisation compétitive) qui a été mis à plat puis repensé.
Si les aides financières, les primes d’investissement sont bien entendu le fer de lance du contrat, il n’en demeure pas moins que beaucoup de PME, avant d’en arriver à l’investissement, ont d’abord besoin d’être recapitalisées et pérennisées. D’où la mesure qui prévoit la création de deux fonds. Le premier est un fonds de capital investissement qui prendra des parts dans le capital de PME leur permettant de bénéficier d’argent frais. Le deuxième fonds, lui, vient en réponse à un problème qui est souvent à l’origine de la disparition d’entreprises surtout celle à caractère familial : la transmission. Pour y remédier, le contrat programme prévoit donc la création d’un fonds spécialement dédié à la reprise d’entreprise et à la transmission. Et pour ne pas retomber dans les travers des années 1960 et 70, quand l’Etat prenait des participations, à travers l’expérience malheureuse de l’Office de développement industriel (ODI), ces fonds seront gérés par le secteur privé et les entreprises qui en seront chargées devront prendre des parts dans les fonds à hauteur de 20% au moins, révèle une source proche du dossier. S’il est vrai que le contrat programme accorde une large place aux cas de la PME, il n’en demeure pas moins que la philosophie du plan Emergence, qui consiste à faire émerger une industrie tournée vers les secteurs porteurs, fortement créateurs de valeur ajoutée et où le Maroc détient des avantages certains, reste prégnante. La démarche pour ce second volet consiste, comme l’expliquent des sources bien informées, à «enrichir le plan Emergence et le rendre encore concret et opérationnel».Sept secteurs sont donc retenus : l’offshoring, l’aéronautique et le spatial, l’automobile, l’électronique, le textile et cuir, l’agroalimentaire et les produits de la mer. Le travail ayant déjà été entamé avec Emergence, l’élaboration de mesures pour ces secteurs imposait d’aller encore plus dans le détail. Les équipes ont procédé au découpage de chacun des secteurs en plusieurs sous-secteurs, ce qui a permis d’identifier de manière plus fine les besoins de chaque catégorie d’entreprises pour pouvoir y apporter des réponses plus adaptées. A l’image de ce qui s’est fait pour l’offshoring, des «offres Maroc» ont été élaborées et d’autres le seront bientôt. Entre autres mesures annoncées, celles qui prévoient, par exemple, de baisser à leur niveau le plus bas les droits de douane sur certains intrants et matières premières spécialement le tissu pour l’industrie textile et certaines matières de base pour l’industrie agroalimentaire.
50 milliards de DH de PIB en plus
D’un autre côté, des zones d’activité dédiées seront mises sur pied pour favoriser le développement de ces champions nationaux. Pour cela, le gouvernement semble cette fois-ci décidé à en finir avec les zones industrielles d’ancienne génération. Le contrat programme introduit donc une rupture en la matière : il s’agira désormais de pôles industriels intégrés (les fameux P2I) et aussi de zones d’activité concertée. En résumé, il s’agit de zones industrielles alignées sur les standards mondiaux qui garantissent aux industriels des prestations qui vont de la disponibilité des locaux jusqu’aux activités de support. La CGEM en a d’ailleurs profité pour prévoir des passerelles avec une autre grande stratégie, actuellement en cours d’élaboration, celle relative au transport et à la logistique. Bien entendu, quand on parle de zones industrielles, la question qui se pose inévitablement est celle de la disponibilité du foncier et de son coût. Selon les mêmes sources, les nouvelles zones offriront des terrains ainsi que des locaux prêts à l’emploi aussi bien à la location qu’à l’achat et «à des prix très bon marché», promet-on. On parle, par exemple, d’un prix de location de 5 DH le mètre par mois. Pour ce qui est des lieux d’implantation de ces pôles, plusieurs sites sont déjà identifiés notamment à Kénitra, Had Soualem, Nouacer, Tanger et Fès. Par la même occasion, le contrat-programme prévoit de s’attaquer sérieusement à la mise à niveau des zones industrielles déjà existantes.
Enfin, le contrat programme prévoit un volet dit transversal et comprenant des mesures à caractère financier. C’est le cas de celle qui prévoit de permettre aux entreprises détenant des créances sur l’Etat, notamment à la suite d’exécution de marchés publics, de rendre liquides leurs créances grâce à un mécanisme d’affacturage. Pour cela, c’est la Caisse marocaine des marchés (filiale de la CDG) qui reprendra ces titres de créance à des conditions très avantageuses. Les entreprises qui ont le label CGEM auront elles aussi droit à des traitements préférentiels et autres avantages en plus de ceux accordés aux autres. Enfin, le contrat programme comporte des mesures concernant, par exemple, l’amélioration du climat des affaires et la formation profiteront à tous les secteurs et pas seulement à l’industrie comme le tourisme et les BTP. Ambitieux. C’est le moins qu’on puisse dire de ce programme au vu des mesures prévues mais aussi, et surtout, de ses objectifs. A terme, ce sont quelque 220 000 emplois qui devront être créés chaque année, un PIB additionnel industriel de 50 milliards de DH par an, 95 milliards de DH d’exportations en plus et 50 milliards de DH d’investissements privés.