Affaires
Le crédit au logement social plus cher
Le surcoût provient de l’application par les banques d’une TVA de 10% sur les intérêts qui en étaient exonérés auparavant. Le ministère des finances a tout fait pour que cette hausse passe inaperçue. Les crédits contractés avant 2015 ne sont pas concernés.

L’année 2015 démarre mal pour les acquéreurs de logements sociaux. Le crédit leur coûtera plus cher. La raison en est que les banques appliquent depuis le début de ce mois de janvier, en conformité avec les dispositions de la Loi de finances 2015, une TVA sur les intérêts des crédits aux logements à 250 000 DH qui en étaient exonérés auparavant. Ce changement alourdira les traites d’une population déjà fragilisée, sachant que l’on retrouve dans les rangs des acquéreurs de logements sociaux de nombreux bénéficiaires de la garantie Fogarim qui ont déjà du mal à éviter le défaut de paiement selon l’ancien tarif. Il faut croire que l’Exécutif, dans sa course pour accroître les recettes fiscales, est décidé à n’épargner aucune niche. Si au moins les pouvoirs publics assumaient cette position publiquement ! Mais le fait est que le ministère des finances a tout fait pour que la levée de l’exonération de la TVA sur les crédits aux logements sociaux passe inaperçue…
Rappel des faits. Tout est parti d’une disposition contenue dans la note de présentation du projet de Loi de finances 2015 qui a semé la confusion sur le logement social. Il s’agit de «l’application d’un taux de TVA de 10% aux opérations de crédit relatives à ce dispositif, qui étaient précédemment exonérées en faveur des promoteurs», ainsi que cité dans la note de présentation. Face aux divergences d’interprétation qu’a suscitées cette mesure, le ministère des finances est monté au créneau pour accorder ses violons. Comme expliqué alors par le ministre Mohamed Boussaïd à La Vie éco, cette disposition décline un simple ajustement réglementaire dans le but de supprimer une exonération de la TVA inapplicable et inappliquée. Cette exonération, selon l’argumentaire du ministre, a été introduite en 2008 en faveur des promoteurs et n’aurait jamais été appliquée en raison de la complexité de sa mise en œuvre par les banques. En somme, il n’est question d’impact ni pour les promoteurs immobiliers, ni pour les acquéreurs, selon les Finances. Une affirmation qui, il faut le rappeler, revenait dans le discours du département de Boussaïd jusqu’aux dernières phases de l’adoption définitive de la Loi de finances 2015.
Des rentrées prévisionnelles faibles pour l’Etat
Sauf qu’en parallèle les banquiers, soutenus par les fiscalistes, défendent une interprétation qui fait bien ressortir un impact pour les acquéreurs. Ils insistent en effet sur le fait que l’abrogation introduite dans la Loi de finances supprime la base réglementaire qui leur permettait de faire bénéficier les acquéreurs de logements sociaux à crédit d’une exonération de la TVA sur les intérêts. Pour étayer leur argumentaire, les banquiers tiennent à préciser que la justification des exonérations d’intérêts en faveur des acquéreurs par l’article abrogé par la Loi de finances 2015 a bien été admise par la Direction générale des impôts lors de multiples contrôles fiscaux. Au final, avec l’abrogation de l’exonération des opérations de crédit pour le logement social introduite dans la Loi de finances 2015, les banques s’estiment dans le devoir d’appliquer aux acquéreurs une TVA de 10% sur les intérêts de leurs crédits au lieu de l’exonération.
Tout en ayant tranché la question en interne, les banquiers disent avoir multiplié les négociations avec les Finances avant l’adoption du Budget 2015 pour bloquer l’abrogation de l’exonération. «Les établissements se sont entre autres appuyé sur des simulations des recettes d’impôt issues de cette mesure, réalisées au niveau du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), faisant ressortir des rentrées prévisionnelles relativement faibles», dévoile le directeur d’une banque de la place.
Un surcoût de 6%
Le seul point sur lequel les banques seront au final écoutées concerne l’application de la TVA de 10% pour les seuls crédits contractés à partir du 1er janvier 2015, introduite via un amendement des conseillers. Car, il faut bien comprendre que dans sa formulation initiale, la disposition allait s’appliquer aux crédits contractés en 2015 mais aussi au stock existant, soit plusieurs dizaines de milliers de dossiers portant sur des dizaines de milliards de DH.
L’impact n’en est pas moins notable maintenant que la levée de l’exonération n’est appliquée que pour les dossiers postérieurs au premier janvier 2015. Signalons d’abord que si les banques interprètent unanimement la mesure comme devant se traduire par une application d’une TVA de 10% sur les intérêts des crédits acquéreurs de logements sociaux, toutes ne l’ont pas encore déclinée. Ainsi, si certains établissements ont déjà diffusé une circulaire informant l’ensemble de leur personnel de la levée de l’exonération de TVA et adapté toutes leurs procédures en conséquence, d’autres en sont encore à opérer les ajustements nécessaires. «Et même si ces établissements en retard ne répercutent pas la TVA sur les crédits accordés actuellement, ils le feront de manière rétroactive, au plus tard d’ici mars», garantit un directeur de banque.
S’agissant à présent du surcoût qu’induira l’application de la TVA sur les intérêts, si l’on considère le paramètre type d’un crédit pour le logement social, soit un montant d’emprunt de 200 000 DH contracté sur une durée de 25 ans au taux de 6%, les mensualités ressortent à 1 290 DH. En appliquant un taux de TVA de 10% sur les intérêts, le surcoût pour l’acquéreur ressort à 74 DH, ce qui augmente sa mensualité de près de 6%, à 1 363 DH. Pour un emprunteur dont le financement est adossé à la garantie Fogarim assortie d’un taux d’intérêt pouvant aller jusqu’à 7%, le surplus est plus important encore. Si ces surcoûts peuvent paraître négligeables, il reste qu’ils peuvent facilement faire basculer des emprunteurs en situation précaire dans le défaut de paiement.
