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Affaires

Le Crédit Agricole réoriente sa stratégie

L’agriculteur est désormais géré comme une entreprise.
Il bénéficie d’un crédit global sur cinq ans destiné à financer
l’investissement et l’exploitation.
Objectif à court terme, récupérer
100 000 clients.

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Le Crédit Agricole, après avoir revu sa copie et élaboré une nouvelle stratégie, est passé à la phase d’exécution. Un travail de fond est aujourd’hui finalisé dans deux directions pour ce qui est du business avec les agriculteurs : assainir la situation actuelle et revoir le produit à l’adresse de cette clientèle.
D’abord, la banque a compris que continuer à poursuivre la partie insolvable de sa clientèle en nourrissant l’idée d’être payée un jour est une chimère. C’est ainsi qu’elle a tout simplement renoncé à la dette sur 100 000 agriculteurs. Ces derniers présentent globalement un profil commun : ils possèdent une exploitation de moins de 20 hectares et doivent à la banque, en moyenne, 30 000 DH et leur débit, au départ une somme modeste, s’est gonflé par les intérêts de retard et de report. L’ensemble de l’opération coûtera au Crédit Agricole 3 milliards de DH, dont un milliard pris en charge par l’Etat.

Le potentiel de clientèle non encore touchée est estimé à 330 000 exploitations
Cette opération qui a concerné, en grande partie, les crédits consolidés en 2000, était annoncée et ce n’est qu’à la mi-juin que la mesure a été validée après son approbation par le conseil de surveillance de l’institution. Désormais, le Crédit Agricole s’est débarrassé de la gestion d’un dossier épineux, une patate très chaude que les politiques lui avaient léguée plusieurs décennies auparavant.
Concernant le produit lui-même, la banque a réalisé que, pour financer l’agriculteur, il faut le considérer comme une entreprise. Auparavant, l’exploitant agricole approchait sa banque, en plusieurs temps et selon la nature de l’opération qu’il voulait financer. Ainsi, il demandait un crédit pour entamer la campagne, un deuxième pour l’achat du bétail ou encore un autre pour financer l’achat d’aliments du bétail… Aujourd’hui, une telle démarche est abandonnée et l’agriculteur doit ficeler un dossier global, comprenant un crédit revolving sur cinq années.
Pourquoi un crédit global et pourquoi une période de cinq ans ? Un crédit global parce que l’exploitation est perçue comme une entité économique, selon, par exemple, la nature de la culture et des activités d’appoint comme l’élevage, dans ses différentes formes, avec des besoins sur une durée donnée. Le choix d’une période de cinq années, lui, s’explique par des données statistiques. En effet, le Crédit Agricole a établi que, sur les 48 dernières années, sur cinq années consécutives, deux campagnes sont jugées bonnes, deux autres mauvaises et la cinquième est généralement «mi-figue mi-raisin». C’est sur cette base qu’est désormais conçu le produit destiné aux agriculteurs. D’une part, le financement de l’agriculteur est perçu comme une opération d’une activité économique qui se situe sur une durée, et, de l’autre, l’aléa climatique est intégré dans la donne. Mieux encore, le crédit est géré en compte courant, évitant les frais de retard et excluant toute poursuite. Le tout en un dossier unique, plus flexible et renouvelable.
Pour accompagner cette nouvelle approche, l’activité de conseil est renforcée. Pour ce faire, 240 chargés de clientèle ont suivi une formation appropriée. Et puis le producteur de céréales, notamment, se voit proposer des formules de reconversion dans des cultures plus rentables et moins consommatrices d’eau, comme l’olivier, le caroubier ou encore le cactus…

Enfin, l’autre cheval de bataille pour la banque est l’accompagnement dans le financement de la mécanisation, le pays marquant un retard notoire sur la question.
Tout cela est bien beau, mais comment va faire la banque pour élargir sa clientèle, alors qu’elle vient justement de se défaire de 100 000 clients, ce qui représente plus de 50 % de son portefeuille (à peu près 190 000 clients au total) ? A cette question, la réponse se résume ainsi : le potentiel de clientèle non encore touché est estimé à 330 000 exploitations, sur l’ensemble du pays. Un des moyens de recruter de la clientèle est la création, en dehors de sa fondation qui travaille dans le micro-crédit en milieu rural, de Dar El Fellah. Cette institution, qui ne délivrera pas de crédits, est un instrument de conseil, de diagnostic et d’orientation. Tout le monde y est recevable, y compris ceux qui ont bénéficié de la suppression de dettes en cours. On les y aidera à ficeler un dossier ou à concevoir un plan de reconversion de culture…