Affaires
Le crédit à la consommation, secteur oligopolistique ? 4 sociétés contrôlent 71% des encours
Un rapport demandé par le Conseil de la concurrence pour constituer un fonds documentaire. La forte concentration ne constitue pas pour l’heure un risque en raison de la multitude d’opérateurs et de la mobilité de la demande.

Le Conseil de la concurrence poursuit son grand déballage. Après les télécoms et l’industrie pharmaceutique, l’entité présidée par Abdellali Benamour a dévoilé mardi 28 juin les grandes lignes d’un rapport préliminaire sur le secteur du crédit à la consommation réalisé à sa demande par le cabinet BFive Consulting.
L’étude identifie quelques facteurs de nature à présenter des risques pour la saine concurrence sur ce marché. Pour l’heure, toute prise de position du conseil est exclue. En fait, par sa démarche, il entend simplement se doter d’un fonds documentaire qui pourrait servir de référentiel pour ses futures saisines ou demandes d’avis éventuelles ayant trait au secteur du crédit à la consommation.
Les auteurs de l’étude relèvent un fort degré de concentration du secteur. Ils observent en effet que quatre sociétés de crédit à la consommation, en l’occurrence Wafasalaf, Eqdom, Vivalis et Salafin, concentrent 71% des encours de crédit, avec 33 % et 23 % respectivement pour les seules Wafasalaf et Eqdom.
A titre comparatif, les consultants de BFive notent qu’en France les dix premiers acteurs du crédit à la consommation avoisinent à peine 60 % de parts de marché.
Pas de risque pour la concurrentiabilité à l’heure actuelle
En outre, les mêmes big four marocains concentrent 85 % de la production du secteur, 73% de sa valeur ajoutée créée et accaparent même 82 % des gains nets générés, d’après les estimations de BFive.
Tout cela fait dire au cabinet d’étude que le secteur se trouve dans une zone de vigilance importante, étant entendu que les situations de fortes concentrations sectorielles sont de nature à favoriser un contrôle des prix défavorable pour le consommateur. Néanmoins, il y a plus lieu de parler d’une situation semi-oligopolistique que d’un oligopole à proprement parler, tempère-t-on, ne serait-ce que parce que plus de 20 sociétés opèrent aujourd’hui dans le secteur du crédit à la consommation.
Reste que les mouvements de concentration ont tendance à s’accélérer en lien notamment avec le poids grandissant des banques sur le secteur. La moitié des sociétés de crédit à la consommation en exercice aujourd’hui est en effet contrôlée par des banques lesquelles accaparent à travers leurs filiales 61% des parts de marché des crédits à la consommation. Et, effectivement, les grandes opérations de concentration sur le secteur du crédit à la consommation sont de plus en plus le fait des banques ou de leurs filiales. Citons à ce titre l’absorption de Cetelem par BMCI Crédit Conso qui vient d’être mise sur les rails, ou encore la reprise en 2010 des participations de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) dans Sofac par le CIH.
L’un dans l’autre, ces facteurs, en renforçant la concentration du secteur, pourraient donc porter préjudice à sa «concurrentiabilité». Mais là encore, les spécificités du marché marocain atténuent le risque. «La demande est suffisamment mobile pour prévenir les hausses de taux et le niveau de coûts de sortie est faible. Par ailleurs, les clients ont la possibilité de reporter leur demande sur les concurrents à travers le mécanisme du rachat de crédit», commentent les experts de BFive.
Plus que cela, les auteurs de l’étude notent que les sociétés de crédit à la consommation se sont engagées de leur propre initiative dans une tendance à l’abaissement des taux ces dernières années à grands renforts d’offres promotionnelles, et ce, afin de rattraper la baisse de production enregistrée en 2009.
Tout aussi avantageux pour la clientèle, les taux d’intérêt du crédit à la consommation sont tendanciellement orientés à la baisse, influencés notamment par une meilleure maîtrise du risque, un refinancement à moindre frais (pour les grands opérateurs du marché du moins), et des charges d’exploitation relativement contenues. Dans ce sillage, à fin 2006, le taux débiteur marginal global calculé par Bank Al-Maghrib (BAM) qui mesure le taux appliqué aux contrats de crédit à la consommation, s’établissait à 8,66% contre 7,14% à fin 2008 et 7,30% à fin 2009.
En somme, il ressort de cette étude que les conditions du marché restent aujourd’hui des plus avantageuses pour le consommateur, et, plus généralement, la concentration du secteur ne constitue pas aujourd’hui un risque avéré pour sa «concurrentiabilité».
Pour autant, le risque de survenance de situation d’abus de position dominante n’est pas écarté. «Les banques disposent d’informations exclusives et détaillées sur leurs clients, et sont de ce fait dans des situations privilégiées. Elles peuvent alors orienter les clients les plus solvables vers leurs filiales de crédits consommation et refuser les autres clients qui iront vers les plus petites sociétés de crédit à la consommation», prévient BFive.
