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Le calvaire des notaires stagiaires : moins que le Smig pendant quatre ans au moins

Le stage, censé durer quatre ans, peut durer plus longtemps pour cause d’échec aux deux examens prévus dans le cursus

Un taux de réussite faible, compris entre 10 et 15 % n La moyenne des rémunérations est de 1 500 DH mois, une misère.

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Devenir notaire ? La profession séduit. Et pour cause, s’il est un métier parmi les professions libérales qui permet de gagner très confortablement sa vie, c’est bien celui-là. Mais devenir notaire au Maroc est loin d’être une chose aisée. «La profession est certes attrayante, mais le cursus de formation est plein d’embûches», souligne d’emblée un stagiaire notaire. C’est le moins que l’on puisse dire ! Pour décrocher le précieux sésame, le postulant doit s’armer d’une bonne dose de bravoure et de patience. Les conditions d’accès à la profession sont fixées par le dahir du 4 mai 1925, texte juridique s’inspirant d’une loi française de 1803, et qui régit actuellement le notariat au Maroc.

Deux examens organisés sous l’égide du parquet
En vertu de ce texte, il faut d’abord être titulaire d’une licence en sciences juridiques ou économiques, le droit privé étant particulièrement recherché. Un cursus de deux années d’études notariales effectuées en France peut également être pris en compte. «Une bonne moralité, un bon niveau de français et un dynamisme évident sont également des qualités à ne pas négliger», explique Houriya El Iraki Ambari, notaire assesseur de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc.

Mais le problème ne se situe pas là. Après les études, vient le stage obligatoire… et la galère. Le stage ? Il est de quatre années au minimum dans une étude de notaire.
Au bout des deux premières années, le postulant s’inscrit à l’examen dit de premier clerc. Cette année, cet examen, auquel ont postulé 350 candidats, se déroulera le 19 novembre à Rabat. «Il s’agit d’une épreuve organisée sous l’égide du ministère de la justice, le parquet notamment, avec une commission d’examen composée d’un magistrat et de deux notaires, de Casablanca et de Rabat», explique Abdelmajid Benjelloun Zhar, également notaire assesseur à la Chambre du notariat. Si ce premier obstacle est dépassé, le postulant, qui prend alors le titre de «premier clerc de notaire», se doit de passer une seconde période de stage, de deux années au minimum également, au bout de laquelle il doit réussir un examen professionnel. Ce dernier est programmé cette année le 10 décembre, toujours à Rabat. Près de 300 postulants y sont inscrits. Mais, «ces chiffres ne sont pas d’une grande exactitude puisque la liste finale n’est toujours pas établie par la direction des affaires civiles du ministère de la justice», précise Me Benjelloun Zhar. Pour ce qui est du taux de réussite, la Chambre du notariat moderne avance une moyenne de 10 à 15 % pour les deux concours. Très peu !

Après quinze années de stage elle n’est toujours pas notaire !
Et si on ne réussit pas ? On continue d’être «en stage». Ce parcours du combattant, Meryem Z. le connaît par cœur, elle qui a passé plus de quinze années en tant que stagiaire ! Chaque année, elle repasse l’examen avec l’espoir de passer à l’étape suivante. Sans succès. Cette postulante n’a pas baissé les bras pour autant puisqu’elle est toujours en stage dans une étude de notaire à Rabat, touchant un salaire à peine supérieur au Smig. «Je suis notaire par ancienneté», ironise-t-elle. Et d’assurer qu’elle ne baissera pas les bras avant d’avoir réussi ses deux examens.
Cette détermination est loin d’être la règle chez les notaires. Adnane S., 28 ans, n’a pas eu la patience d’aller jusqu’au bout. Après une licence en droit privé, décrochée à l’université Mohammed V Souissi à Rabat, il rejoint une étude de notaire à Témara. Quelques mois après, il jette l’éponge. «Je devais assurer tout le travail de l’étude. Je courais quotidiennement de la Conservation foncière à l’enregistrement en passant par l’administration des impôts, et ce à mes propres frais. Le notaire chez qui je passais mon stage venait à peine de s’établir et n’avait donc pas les moyens de payer un salaire que celui de sa secrétaire», souligne Adnane. Finalement, il se présentera au concours d’accès à l’Institut des cadres de la police à Kénitra. «Je n’ai pas hésité une seconde à quitter le notariat pour devenir commissaire de police», conclut-il. Les notaires déjà en exercice, pour leur part, savent bien qu’il y a un taux élevé d’abandons. «Il est vrai que l’abandon en cours de cursus est monnaie courante. C’est essentiellement dû à la longueur du cursus et aux difficultés des épreuves», reconnaît pour sa part Houriya El Iraki Ambari. Il est vrai aussi que l’obligation de passer un stage met les futurs notaires en position de faiblesse par rapport à leur employeur. Ainsi Soumia B., premier clerc, perçoit toujours 1 000 DH par mois seulement alors qu’il arrive au notaire, propriétaire de l’étude, de lui confier «la maison» pour une absence de quelques jours. «Ai-je le choix ?», constate-t-elle, dépitée ! Le sésame est à ce prix et nombre de notaires profitent des stagiaires et, disons-le, s’enrichissent sur le dos d’une main-d’œuvre payée moins que le Smig.

Rémunération
Un «bénévolat» quasiment imposé

Combien gagnent les notaires stagiaires ? Rien… ou presque. La moyenne des salaires dans le secteur est de 1 500 DH selon plusieurs témoignages recueillis par «La Vie éco».
Et encore ! «Nombreux sont les stagiaires qui ne perçoivent pas un sou. Leur “bénévolat” dure toutes les années de leur formation», souligne l’un d’entre eux. Et d’ajouter que des exceptions existent cependant. «Ceux qui font leur stage auprès d’une étude renommée touchent entre 4 000 et 5 000 DH en moyenne. Leur salaire peut même atteindre 10 000 DH pour certains». Veinards ! Il est à signaler que 587 notaires sont actuellement en exercice au Maroc.
211 sont établis à Casablanca alors que le reste (376 notaires) se répartissent sur les autres régions du Royaume.