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La structure des recettes de la TVA peu corrélée à celle du PIB !
Le tertiaire contribue pour plus de 55% au PIB mais génère moins de 30% des recettes de la TVA. Le secteur secondaire, avec une part de 28% dans le PIB, produit plus de 70% des recettes de cette taxe. Cette asymétrie est-elle liée aux dépenses fiscales ou au phénomène de l’informel ?
Le produit de la TVA représente 28% des recettes fiscales du Trésor et plus de 35% des recettes fiscales publiques en 2016. Ainsi, cette taxe est la première source de financement de l’Etat et des collectivités locales ; ces dernières percevant 30% du produit de la TVA. Sa part dans les recettes fiscales globale n’a cessé de progresser, passant de 27,5% sur la période 1990-2007 à 36,3% entre 2008 et 2016, selon des données publiées le 20 juin 2017 par Bank Al-Maghrib (BAM). Et ceci, malgré l’importance des dérogations dont elle est l’objet et qui, forcément, en affectent le rendement. Il faut rappeler en effet que les dépenses fiscales en matière de TVA ont représenté 46,8% (ou 15,2 milliards de DH) des dépenses fiscales totales en 2016.
Mais si le poids de la TVA dans les recettes fiscales se justifie amplement, eu égard à son assiette large, au modèle de croissance du Maroc basé sur la demande intérieure, en particulier sur la consommation, et à la suppression progressive, depuis 2005, des dérogations qui l’affectent, sa structure en revanche interpelle, de prime abord tout au moins.
En croisant les données des comptes nationaux (dans le tableau des ressources et des emplois) et celles du ministère de l’économie et des finances, on s’aperçoit en effet que la structure de la TVA par produit, c’est-à-dire suivant les sources sectorielles des recettes de cette taxe, ne correspond guère à la structure du PIB. Alors que le secteur tertiaire est celui qui contribue le plus fortement au PIB avec une part supérieure à 55% (et qui, par ailleurs, est le premier employeur avec 40% de la population active occupée), sa part dans les recettes de la TVA est de l’ordre de 28% (27,5% en moyenne entre 2008 et 2016). A contrario, le secteur secondaire, qui pèse à peine 30% du PIB, fournit plus de 70% des recettes de la TVA. Quant au secteur primaire, il ne génère que 0,7% des recettes de cette taxe. En d’autres termes, le produit de la TVA, tel que cela apparaît dans les statistiques du HCP et du ministère des finances, est inversement proportionnel au poids économique des secteurs d’activités. A quoi cela est-il dû ? Est-ce lié aux dépenses fiscales qui bénéficient à certaines activités plus qu’à d’autres ? Lorsqu’on examine les dépenses fiscales par secteur et par type d’impôt, on s’aperçoit en effet que plus de la moitié (56,3%) des dépenses de la TVA profite au secteur tertiaire. Sans doute, une partie de ces dépenses ont-elles un caractère social puisque c’est dans le tertiaire que sont classées les activités de cette nature.
Pour autant, cette répartition de la dépense fiscale (de la TVA) suffit-elle à expliquer l’asymétrie observée entre le poids économique des secteurs et leur contribution aux recettes de cette taxe ? L’écart entre les recettes générées par le secteur secondaire et celles provenant du secteur tertiaire est tel, comme on l’a vu, que la répartition de la dépense fiscale, pas si inégalitaire que cela (44% pour le premier et 56% pour le second), paraît tout au plus une explication partielle.
Agir sur la TVA pour améliorer la compétitivité de l’industrie
Tout semble indiquer, en fait, que la faible part du tertiaire dans les recettes de la TVA serait surtout liée au phonème de l’informel ; étant entendu que l’absence de facturation serait plus courante et plus aisée dans les activités de cette nature (comme le commerce ou la réparation, par exemple) que dans les branches ou sous-branches du secteur secondaire, comme l’industrie, l’énergie ou même, à des degrés divers, le BTP.
Sachant que le grand défi de l’économie marocaine aujourd’hui est celui de relever le rythme de croissance des activités non agricoles, et plus particulièrement les activités industrielles, seules à même de créer des emplois stables et rémunérateurs, n’y aurait-il rien à faire sur ce point précis de la fiscalité et, plus exactement, de la TVA ? Bien entendu, la TVA c’est le consommateur final qui la paie, mais tant qu’il existe une multitude de taux, le problème du butoir, et il n’est pas le seul, se posera toujours. Et puis, dans une économie ouverte, ne serait-il pas plus opportun d’alléger la taxe sur les produits échangeables, quitte à l’augmenter sur les produits et services non échangeables, qui sont à l’abri de la concurrence ?
[tabs][tab title = »Les plus gros contributeurs aux recettes de la TVA« ]Les industries manufacturières, qui font partie du secteur secondaire, sont la branche d’activité qui génère la recette la plus élevée de la TVA : une moyenne de 22,6 milliards de DH par an au cours des dix dernières années. Sa part dans le produit de la TVA est de 35% en 2016 et de 33% en moyenne au cours de la dernière décennie. Les sous-branches “industries alimentaires et tabac” et “industries mécaniques, métallurgiques et électriques” sont les plus grosses contributrices aux recettes de cette branche, avec des parts respectives de 10,6% et 10,5%. La deuxième branche du secteur secondaire qui contribue le plus aux recettes de la TVA, c’est le BTP avec une part de 27% et une moyenne de 23,4% (quelque 19 milliards de DH) ces dix dernières années. En troisième lieu, enfin, les produits énergétiques, bien qu’en reflux ces dernières années, participent pour près de 15% en moyenne (10,2 milliards de DH par an) aux recettes de la TVA.[/tab][/tabs]