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La Protection civile écartée de la procédure d’octroi des autorisations de construire

La protection incendie sera confiée à un bureau d’études spécialisé et agréé. Le projet ne fait pas l’unanimité dans le secteur de la construction. La responsabilité des sapeurs-pompiers sera totalement dégagée en cas de problème.

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Bonne nouvelle ou pas, pour les porteurs de projets de construction d’immeubles ou de bâtiments. Le service de la Protection civile sera écarté du processus d’octroi des autorisations de construire. C’est la nouveauté de taille incluse dans la dernière version du projet de règlement général de construction (RGC), dans sa partie liée aux autorisations de construire, que La Vie éco a pu consulter en exclusivité.

Cela fait plus de deux ans que les architectes militent pour la suppression de la direction générale de la protection civile de cette démarche. «La vocation première des sapeurs-pompiers est de sauver des vies et non d’instruire des plans», explique Karim Sbai, président de l’Ordre national des architectes de la région du centre. «Cette direction est un réel frein à l’investissement immobilier au Maroc», ajoute Rachid Khayatey, architecte et PDG de KLK Khayatey living. Dans la pratique, cette direction se base sur un guide, élaboré et approuvé en interne, pour accepter ou refuser un dossier. «Ce référentiel est en déconnexion totale avec la réalité marocaine. Les responsables ont puisé les mesures dans les volets les plus contraignants de réglementation française et anglaise notamment. Ce qui a donné lieu à un document hybride et sévère. Sur des projets, la Protection civile peut exiger la mise en place de 4 à 5 cages d’escaliers. Ce qui est exagéré. Ou encore l’interdiction de la mixité entre l’équipement et le logement», illustre M.Sbai.

M.Khayatey enfonce davantage le clou en citant une autre mesure «aberrante», à savoir l’interdiction de construire une maison marocaine autour d’un patio, à cause de la remontée de la fumée. Ce qui a pour conséquence de limiter le travail des architectes en matière de conception.

Des opérateurs déplorent la longueur des procédures

Autre reproche : «Le référentiel de la direction de la Protection civile laisse libre cours à diverses interprétations», précise le PDG de KLK Khayatey living. Du coup, le dossier peut être retardé de 6 mois à un an, en raison uniquement des va-et-vient au niveau de cette direction. Selon l’expérience de certains concepteurs de projets, les éléments de la Protection civile n’expriment pas des avis unanimes en interne, à cause justement de compréhensions divergentes des mesures prises dans ledit document. Autre élément qui aggrave davantage la situation, c’est le manque d’effectif ou même de compétences de cette direction.

Avec l’élimination de la Protection civile dans l’instruction de dossiers, le volet sécurité et prévention lors de la construction sera externalisé vers des bureaux d’études spécialisés. Les architectes demandent même que ces bureaux soient agréés. «L’électricité ou encore la stabilité d’un bâtiment sont bien confiées à un bureau d’études, et ce, de par le monde, la sécurité incendie devra l’être également», concluent les professionnels contactés.
D’autres opérateurs du secteur ne partagent pas ces avis. C’est le cas de ce promoteur à Rabat qui exprime une totale satisfaction des services de cette direction. «Les normes de sécurité imposées par la Protection civile sont rigides certes, mais tout aussi efficaces lors du déclenchement d’un incendie. D’autant que les mesures édictées conduisent à pomper de la surface constructible. Ceci n’est forcément pas en faveur de ces promoteurs et architectes contestataires des prestations des sapeurs-pompiers».

Pertes de recettes en vue pour la Protection civile

La direction de la Protection civile ne voit pas son éviction d’un bon œil. Selon une source appartenant à ce corps, les architectes ont fait jouer leurs lobbies pour obtenir gain de cause auprès des autorités publiques. En tout cas, «la responsabilité des sapeurs-pompiers sera totalement dégagée en cas de catastrophe», explique notre interlocuteur. Et d’ajouter : «Il est vrai que le référentiel est calqué en grande partie sur les pratiques en France. Mais nous l’adaptons au cas par cas. A Fès, par exemple, et spécialement dans l’ancienne médina, les maisons construites ne comprenaient pas assez de mesures de prévention. Nous avons adapté ce référentiel au moment de la réfection de ces maisons, par jurisprudence, par obligation ou des fois même officieusement». S’il y a bien un impact dont devrait pâtir la Protection civile, c’est bien au niveau des honoraires, surtout que certaines prestations sont facturées et versées sur un fonds spécial.

Quoi qu’il en soit, cette mesure du RGC donnera lieu à une éclosion de bureaux d’études spécialisés en la matière, qui pourraient accélérer la procédure certes, mais aussi avoir des conséquences fâcheuses sur le niveau des mesures prises pour assurer la sécurité dans un bâtiment.

[tabs][tab title = »Le référentiel de protection incendie est en cours de révision »]Les bureaux d’études qui devraient remplacer les sapeurs-pompiers dans les instructions des dossiers des autorisations de construire devraient se baser systématiquement sur le guide élaboré par la Protection civile. Ceci pourrait ne pas arranger la situation, puisque le cœur du problème réside dans ce document même. KarimSbai, président de l’Ordre national des architectes de la région du centre, assure, dans ce sens, qu’une commission nationale a été constituée avec le Conseil national de l’ordre des architectes, pour justement réviser ce texte et l’adapter au contexte national. Il est en cours d’actualisation et ne devrait pas tarder à voir le jour.[/tab][/tabs]