Affaires
La paperasse, l’éternel casse-tête des Marocains
Les dépenses relatives à certaines procédures peuvent dépasser les 5 000 DH. Les pièces demandées et les délais de délivrance varient selon les régions et le profil des demandeurs. Le retard dans l’exécution du projet de simplification est dû principalement à l’absence de formation des fonctionnaires et l’inefficacité de la communication.

Le chantier de la simplification des procédures administratives a pris un gros retard. Du moins, les résultats obtenus jusque- là sont en deçà des attentes. Par conséquent, dans plusieurs régions ou localités, le citoyen continue de galérer pour obtenir un simple petit document ou pour exécuter un acte administratif. En plus du temps perdu, la lourdeur a un coût financier souvent très élevé. Jugez-en !
Les formalités les plus courantes coûtent au minimum 50 DH. Ce montant pourrait dépasser les 5 000 DH pour les procédures les plus compliquées. Notons que cette évaluation, qui comprend les frais directs et indirects ainsi que le temps consacré à ces procédures, n’est pas basée sur une étude officielle. Il s’agit uniquement d’une enquête de terrain qu’a menée La Vie éco en vue d’approcher le coût d’une démarche administrative que tout un chacun est obligé d’effectuer à n’importe quel moment de l’année, entre autres, se marier, déclarer un nouveau-né, s’inscrire dans une université, changer d’emploi ou tout simplement renouveler sa CIN et/ou son passeport…
Pour certains documents, il est impossible de déposer une demande par courrier ou de mandater un tiers
Prenons le livret de famille, obligatoire pour déclarer une naissance. La procédure d’octroi de ce document paraît très simple et peu coûteuse. Il suffit de présenter la copie intégrale de l’acte de naissance des deux époux, une copie de leur carte d’identité nationale, une copie de l’acte de mariage et de verser 50 DH de frais. Soit un total de 98 DH de frais (40 DH pour les deux actes de naissance et 8 DH de timbre pour la légalisation des CIN et l’acte de mariage) et une demi-journée à consacrer aux démarches puisque tous ces documents peuvent être traités dans une même administration. Cependant, il n’en est rien sur le terrain. Et pour cause, en plus des documents précités, les intéressés doivent présenter un certificat de résidence et trois copies légalisées de la CIN au lieu d’une seule, soit 48 DH supplémentaires et une journée de plus, vu que le certificat de résidence ne peut être délivré le jour même. En outre, si l’un des époux et/ou les deux habitent loin de leur ville de naissance, ils doivent obligatoirement programmer un voyage pendant les jours ouvrables pour demander la copie intégrale de l’acte de naissance. Car cette dernière ne peut être délivrée qu’au bureau de l’état-civil du lieu de naissance.
De même, le livret de famille, pour lequel toutes ces pièces sont demandées, ne peut être délivré que par le bureau de l’état-civil du lieu de naissance de l’époux. Pis, il n’est pas possible, contrairement à ce l’on dit ou pense, d’effectuer une demande par correspondance ou de mandater un tiers. En somme, si un natif de Dakhla installé à Tanger a besoin de la copie intégrale de l’acte de naissance ou veut demander le livret de famille, en plus des frais de timbres, il doit également prévoir un budget de plus de 4 000 DH pour le billet d’avion aller-retour -s’il veut s’épargner un long voyage en autocar. A cela s’ajoutent au moins 2 000 DH pour les frais annexes (hébergement, nourriture, déplacements…) car le délai de traitement du livret est de deux jours minimum.
La CIN biométrique ne remplace pas toujours l’acte de naissance
En cas de changement de l’adresse habituelle, le renouvellement de la carte d’identité électronique est tout aussi contraignant. En principe, il suffit de la restituer en y adjoignant un certificat de résidence délivré par les services de la Sûreté nationale ou de la Gendarmerie royale, en plus de 75 DH de frais administratifs. Pourtant, dans certains arrondissements, les fonctionnaires exigent aux intéressés de présenter des documents supplémentaires, en l’occurrence l’acte de naissance et l’attestation de travail. «Dans certains cas, ce n’est qu’au moment du traitement du dossier que les agents en charge se rendent compte que les documents exigés ne sont pas nécessaires», témoigne un citoyen.
Pour rappel, l’objectif de l’administration est de substituer la carte d’identité biométrique à quatre documents les plus demandés dans les différentes procédures administratives: l’extrait d’acte de naissance, le certificat de nationalité, le certificat de vie et le certificat de résidence. Ce qui fait qu’au moment de la demande et ou du renouvellement du passeport biométrique, le citoyen doit présenter uniquement une copie de la CIN légalisée, le formulaire rempli ainsi qu’un timbre de 300 DH. Or, certaines annexes administratives exigent la présentation de l’acte de naissance et du certificat de résidence.
Le même problème se pose pour l’extrait du casier judiciaire puisque le citoyen doit présenter un extrait de l’acte de naissance en plus de la copie de la CIN. Somme toute, les pièces justificatives et les délais varient selon la région, le profil du demandeur ou… l’humeur du fonctionnaire de service. Pourtant, les bases de la simplification sont bien posées et… sont logiquement connues de toutes les administrations, aussi bien au niveau central que territorial. Il s’agit principalement de l’élimination des procédures et des pièces justificatives sans assise juridique et de celles qui ne sont pas nécessaires à l’accomplissement d’une procédure, ainsi que l’harmonisation des modalités et des délais des procédures, notamment à travers la réduction des phases de traitement et des services opérationnels impliqués. La question qui se pose est de savoir pourquoi ce chantier traîne en longueur alors qu’il fait partie des priorités du gouvernement marocain depuis la fin des années 90, soit depuis l’ère du gouvernement d’alternance ? Au regard de certains experts, le problème pourrait se résumer en deux éléments. Le ministère de tutelle n’investit pas trop en matière de formation des fonctionnaires des annexes de l’administration et des caïdats. Sans compter que les actions de communication interne et externe autour des nouvelles procédures sont limitées. C’est donc le citoyen qui en subit les conséquences.
