SUIVEZ-NOUS

Affaires

La nouvelle réglementation aérienne perturbe la RAM et ses pilotes

L’arrêté de Karim Ghellab fixant la nouvelle réglementation du travail a été appliqué dans la précipitation, selon les pilotes
La RAM se donne trois mois pour d’éventuels ajustements.

Publié le


Mis à jour le

Karim Ghellab, ministre du transport, risque-t-il d’être à la base d’une discorde entre Royal Air Maroc et le personnel technique navigant ? Son arrêté relatif à la durée de travail du personnel navigant, publié au BO du 30 octobre 2008 et entré en vigueur le 1er décembre, a généré un problème de calcul du temps de travail et de repos du personnel technique navigant (pilotes et personnel de cabine). Pour rappel, cette nouvelle réglementation a été adoptée pour une harmonisation avec la législation européenne dans le cadre de l’accord d’open sky signé entre le Maroc et l’UE. La législation européenne est entrée en vigueur le 16 juillet 2008 et vise l’harmonisation du niveau minimum de sécurité dans les pays membres de l’UE.

Un temps de repos désormais calculé sur les heures de service et non plus sur les heures de vol
Pour la compagnie, les nouvelles dispositions étant de source réglementaire, il fallait bien s’y conformer. On précise cependant qu’une période de trois mois a été accordée au personnel navigant pour qu’il puisse faire ses remarques sur ces dispositions en vue d’éventuels ajustements. Mais ce n’est pas du tout l’avis du personnel navigant, notamment les pilotes, qui font des reproches à leur direction générale. En effet, selon une source autorisée au sein de leur association (AMPL), il n’y a eu aucune préparation avant l’entrée en application des dispositions de cet arrêté et les pilotes n’ont été consultés en aucune manière au moment de l’élaboration de ce texte. Les pilotes reconnaissent néanmoins que cette nouvelle réglementation «comporte de bonnes choses et d’autres qui le sont moins». Le problème se situe au niveau de l’assimilation des nouvelles règles et des mesures d’accompagnement susceptibles de permettre l’application de cette nouvelle réglementation dans de bonnes conditions.
Pour comprendre la situation, il faut savoir que, dans l’ancienne réglementation, on considérait comme temps de travail du personnel navigant seulement le temps de vol. Celui-ci débute au moment où l’avion commence à se déplacer et s’achève au moment où celui-ci s’immobilise à l’aéroport d’arrivée. Le temps de repos était calculé en fonction du temps de vol. Si celui-ci était inférieur à 7 heures, le temps de repos correspondant était équivalent à exactement deux fois le temps de vol. En d’autres termes, un pilote qui avait effectué 6 heures de vol, avait droit à 12 heures de repos à partir du moment où il quittait l’appareil. Dans le cas où le temps de vol était supérieur à 7 heures, le temps de repos équivalait alors à 3 fois le temps de vol.
Le nouveau système, qui ne présente pas que des inconvénients, ne prend plus en compte seulement les heures de vol, mais tout le temps durant lequel le pilote est de service. Or, le service débute à l’heure de présentation du pilote, c’est-à-dire une heure avant le vol, et prend fin 30 minutes après l’arrivée à destination, les temps d’escale étant comptabilisés également comme temps de travail. Désormais, le temps de repos équivaut au moins à la durée du service, avec un minimum de 12 heures dans la base d’affectation du pilote et 10 heures hors de cette base, le temps de repos débutant dès la fin du service.
Cette situation crée tout naturellement des frictions. Les pilotes se plaignent en fait du manque de préparation de la compagnie à ces dispositions. «Il est aujourd’hui difficile de savoir combien on a effectué d’heures de service et donc quel est l’équivalent en heures de repos. La RAM n’a pas les moyens de déterminer le temps exact», affirme l’un d’entre eux.
Selon Najib Ibrahimi, porte-parole de l’AMPL, l’arrêté du ministère du transport et de l’équipement a été calqué sur l’arrêté français équivalent du 25 mars 2008, avec toutefois, pour le cas français, une circulaire d’application contenant des instructions relatives à «la gestion des risques liés à la fatigue». A titre d’exemple, le porte-parole de l’association des pilotes de ligne cite l’aménagement, à bord des appareils, d’un lieu de repos quand il s’agit de vols long courrier, avec un équipage renforcé, c’est-à-dire avec un pilote supplémentaire. Ce lieu de repos doit être isolé de l’équipage et des passagers, «ce qui ne serait pas le cas pour tous les appareils de la RAM», relève M. Ibrahimi.
Mais les pilotes ne sont pas les seuls à être dérangés par ces nouvelles dispositions. La compagnie aérienne est également perturbée. Entre les protocoles d’accord signés avec ses pilotes, les obligations de repos imposés par la nouvelle réglementation et la nécessité de renforcer certains équipages (parfois même en les doublant par manque de co-pilotes pouvant prendre la place du commandant), certains de ses vols partent avec du retard. Bien entendu, au sein de la compagnie, on assure que tout va bien, mais les statistiques des retards sur certains vols sont parlantes.