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Affaires

La notation du Maroc s’améliore pour la première fois depuis 1998

Le pays peut emprunter plus et à de meilleures conditions.
Les indicateurs extérieurs jugés «robustes», l’engagement
de poursuivre les réformes économiques et les efforts de rationalisation
budgétaire ont favorisé le relèvement de la note.
Le poids de la dette et le faible revenu par habitant restent handicapants.

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L’événement, pourtant d’une importance capitale pour le Maroc, est passé quasiment inaperçu. Il est vrai qu’il est intervenu en pleine période estivale (le 8 août dernier), mais il s’agit tout de même d’une première.
Standard & Poor’s (S&P), la première agence de notation financière dans le monde, a revu à la hausse le rating du Maroc en haussant la note de sa dette de BB à BB+. Cela veut dire que notre pays pourra désormais, d’une part, lever plus et plus facilement des fonds sur les marchés financiers internationaux et, d’autre part, le faire à des conditions plus avantageuses. Le relèvement de la note du Maroc a donné lieu à un rapport de l’agence, rendu publique le 26 août.
Sur un autre volet, ce relèvement permettra aux sociétés (privées ou publiques) marocaines notées, ou celles qui désirent l’être dans le futur, de prétendre à une position meilleure. Car, c’est l’une des règles du rating à l’échelle internationale, la note d’une entreprise locale ne peut en aucun cas être supérieure à celle de son propre pays. C’est le cas de quelques banques marocaines qui se retrouvent plafonnées par le risque souverain.
Depuis sa notation initiale en mars 1998, donc, c’est la première fois que le Maroc voit son rating s’améliorer. La note souveraine n’avait jusque là jamais bougé. Ce qui évoluait à chaque fois (à la hausse comme à la baisse), c’était juste son outlook. Autrement dit, l’appréciation assortie à la note et qui indique le sens de son évolution potentielle dans les deux ou trois ans à venir, sans présenter toutefois un caractère certain.
Cet outlook (appelé également perspective) est en effet passé de «stable» en mars 1998 à «négatif» en novembre 2001. Une situation qui a perduré 16 mois durant avant de redevenir «stable» en février 2003. Un an plus tard, l’heure était à l’optimisme quand S&P a relevé à «positif» son appréciation et, aujourd’hui, c’est la note qui s’améliore.
Ce faisant, elle permet au Maroc de rejoindre l’Egypte qui, elle, a perdu du terrain depuis sa première notation. Le Maroc demeure cependant loin derrière la Tunisie (cf. tableau) qui, elle, est située dans la catégorie «Investissement». Une catégorie beaucoup plus rassurante pour les bailleurs de fonds potentiels qui accepteront d’accorder à leurs locataires des emprunts à des taux nettement inférieurs à ceux accordés aux pays classés dans la catégorie «Spéculative», tels le Maroc.

Les finances extérieures se portent bien
Selon Luc Marchand, directeur associé chez S&P et auteur de l’étude sur le Maroc, si la note de ce pays a évolué, c’est en raison principalement des indicateurs extérieurs «robustes» que présente le pays et qui se sont améliorés avec la baisse de l’endettement public extérieur, mais aussi grâce aux transferts des MRE, aux recettes du tourisme et de la privatisation. L’amélioration de la note se trouve également justifiée, ajoute M. Marchand, par le fort engagement officiel à poursuivre les réformes économiques, les efforts de rationalisation des effectifs dans l’administration, la volonté de consolider le système fiscal à long terme et d’assurer une plus grande diversification de l’économie.
De l’autre côté, les points faibles que S&P détecte ont pour origine le poids de la dette qui demeure lourd, même si – l’agence le reconnaît – le Maroc a adopté une gestion dynamique de cette dette qui aboutit à sa baisse graduelle. Mais la baisse de la dette extérieure, on ne le sait que trop, a été en partie remplacée par la dette intérieure ; ce qui, de l’avis de M. Marchand, est «inquiétant si les réformes structurelles sur les dépenses publiques ne sont pas accélérées». Deux autres points «gâchent» le décor. D’une part, la base économique que l’agence de notation trouve «étroite». Et, d’autre part, un revenu par habitant – on ne peut le contredire – faible, ce qui le classe au 125e rang mondial selon l’«indice de développement humain» de la Banque mondiale. S&P fait d’ailleurs remarquer qu’à 1 555 dollars, le revenu annuel par habitant au Maroc est plus faible que celui de la plupart des pays classés dans la catégorie «BB».

Mais l’agence tempère en affirmant que ces trois éléments sont partiellement balancés par les bonnes perspectives de croissance.
Quant à l’outlook – stable actuellement -, S&P précise qu’il pourra s’améliorer si le gouvernement redresse de manière significative les points faibles et, inversement, il pourra fléchir si le rythme ralentit ou si l’état des finances publiques ou la position extérieure se détériorent.

Outlook stable mais qui pourrait s’améliorer si…
Luc Marchand met le doigt sur trois éléments qui «permettront d’aider la croissance économique» : la masse salariale dans le public, les dépenses de compensation et les autres dépenses de fonctionnement du secteur public.
Sur le premier chapitre, l’opération «Intilaka» a permis de régler en partie le problème, mais des efforts restent encore à faire en vue d’une meilleure allocation des ressources humaines en lieu et place des recrutements.
Sur le second, S&P, tout en observant d’un bon œil la determination du premier ministre à régler graduellement les dossiers du sucre et de la farine, pense que les produits pétroliers doivent suivre. En d’autres termes, la compensation doit disparaître.

Enfin, sur le dernier point, l’Etat devrait s’acheminer vers un système de dépense par objectif, estime l’analyste.
Les défis du futur se résument en deux mots. La baisse des dépenses de l’Etat et la poursuite de la libéralisation. Le reste devrait suivre

Luc Marchand, directeur associé chez Standard & Poor’s, auteur du rapport sur le Maroc : l’Etat doit s’acheminer vers un système de dépenses par objectif.

Rating ? De quoi s’agit-il au juste ?
Le rating ou notation est une opinion indépendante sur le risque de défaillance d’un émetteur ou d’une émission. Symbolisée par des lettres allant de «AAA» jusqu’à «D», elle permet aux investisseurs d’apprécier la qualité de crédit et de faire des comparaisons entre entités appartenant à des secteurs et à des pays différents sur une échelle globale.
Ces investisseurs peuvent ainsi faire leur choix en fonction du risque qu’ils souhaitent prendre et ajuster leur rémunération en conséquence.
Les notes évaluent la capacité et la volonté d’un émetteur à rembourser ses obligations financières en temps et en heure.
Pour un pays donné comme pour les investisseurs eux-mêmes, le rating revêt une importance extrême puisqu’il résume, en un langage devenu universel, des informations très diverses d’ordre financier, politique, social, et qui ont pour objectif commun d’évaluer la capacité et volonté de l’émetteur d’honorer ses engagements.