Affaires
La Loi de finances enfin adoptée : des mesures pour moins taxer les pauvres et faire payer les plus aisés
Les conseillers ont introduit l’exonération de la TVA sur les opérations de crédits réalisées par les associations de microcrédit et sur l’importation de films documentaires et éducatifs. Baisse des droits de la première immatriculation sur les petites voitures, accès des petits promoteurs au marché du logement social, relèvement de la TIC sur les boissons alcoolisées…, le détail des principales mesures.
Le projet de Loi de finances 2012 est finalement arrivé en fin de parcours deux mois presque après son dépôt à la première Chambre, le 14 mars dernier. Mardi 15 mai, en effet, la Chambre des représentants a adopté le texte, en deuxième lecture, par 118 voix pour et 45 contre.
Auparavant, les conseillers, qui avaient été saisis du projet le 23 avril dernier, ont introduit, eux aussi, à l’instar des députés de la première Chambre, une bonne demi-douzaine d’amendements, acceptés par la commission des finances de la Chambre des représentants. Parmi les amendements des conseillers, on peut citer, notamment, l’exonération pour un an (1er janvier au 31 décembre 2012) de la TVA sans droit à déduction sur les opérations de crédit réalisées par les associations de microcrédit au profit de leurs clients, ainsi que sur le matériel et équipements servant à leur fonctionnement ; et l’exonération de la TVA à l’importation sur les films documentaires ou éducatifs. Rappelons que lors de l’examen du projet à la première Chambre, les députés avaient supprimé cette exonération -ancienne- concernant les films documentaires. Les conseillers n’ont donc fait que rétablir la mesure, mais, encore une fois, pour une année seulement.
Le reste des amendements des conseillers porte essentiellement sur des questions de forme, comme les dates d’entrée en vigueur ou encore la procédure de liquidation d’un impôt, par exemple.
Il faut dire que le texte avait déjà été «toiletté» par les représentants. Le gouvernement, pour mémoire, avait en effet accepté 26 amendements sur 139 présentés par les députés, majorité et opposition confondues. Pour l’essentiel, ces amendements portaient sur des allègements des charges au profit des classes moyennes et des plus modestes des citoyens, d’un côté, et leur hausse pour les classes considérées comme aisées. On peut rappeler à ce titre la baisse de 3 000 DH à 2 500 DH de la taxe sur la première immatriculation pour les véhicules de puissance inférieure à 8 chevaux fiscaux et de 6 000 DH à 4 500 DH pour les puissances comprises entre 8 et 10 chevaux fiscaux. Dans le domaine de la santé, l’exonération de la TVA sur le traitement des maladies chroniques a été étendue à certaines pathologies comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’asthme, les produits utilisés dans la réanimation, la dialyse et la cardiologie. Toujours à l’endroit des plus modestes, les députés avaient introduit un amendement, accepté par le gouvernement, consistant en la suppression de la taxe sur l’audiovisuel pour les ménages consommant moins de 200 kWh par mois.
La réforme de la compensation pour financer le fonds de solidarité
Pour encourager les petits promoteurs à accéder aux marchés du logement social et ainsi bénéficier des avantages fiscaux y afférents, la majorité avait, par un amendement, ramené le nombre de logements sociaux à construire pour y avoir droit, de 500 à 200 en milieu urbain et de 100 à 50 en milieu rural (les valeurs amendées, précisons-le, sont en fait des propositions apportées par le nouveau gouvernement dans le projet qu’il avait présenté au Parlement).
Comme il l’avait déclaré bien avant son entrée au gouvernement, le parti de Abdelilah Benkirane, le PJD, pour mener son action sociale et, en même temps, ne pas trop peser sur les finances publiques, déjà passablement malmenées, entend taxer davantage les produits qui lui paraissent superflus ou de luxe, imposer un peu plus les plus aisés afin de pouvoir imposer moins les catégories démunies, voire les exonérer d’impôts ou de taxes. C’est dans ce sens que la majorité avait par exemple proposé un amendement, accepté par le gouvernement, consistant en l’augmentation de la TIC sur la bière qui passe de 800 à 900 DH l’hectolitre, et sur les alcools forts de 10 500 DH à 15 000 DH. On peut aussi rappeler la hausse de 3 000 DH à 6 000 DH de la vignette automobile pour les véhicules dont la puissance fiscale est comprise entre 11 et 14 chevaux et de 8 000 DH à 20 000 DH pour les puissances égales ou supérieures à 15 chevaux. C’est une façon de demander à ceux qui, par la puissance de leur motorisation, profitent le plus des subventions sur les carburants, d’en restituer au moins une partie, via ces nouvelles taxations.
La création du fonds de solidarité nationale s’inscrit également dans cette logique puisque son financement est assuré par une contribution des entreprises (voir encadré) et une augmentation de la TIC sur les tabacs. Une question reste néanmoins posée : la contribution des entreprises étant limitée dans le temps (pas plus d’une année), comment assurer un financement pérenne à ce fonds de solidarité ? Car, mis à part la taxe sur les tabacs, les autres sources de financement ne sont pas très claires. Le texte qui l’institue parle de dons et legs, de recettes diverses et de dotations budgétaires ! Par contre, ses missions, elles, sont nombreuses et clairement définies : contribution au financement du Ramed, aide aux personnes en situation de handicap, lutte contre l’abandon scolaire à travers l’octroi de manuels, de fournitures scolaires et d’aides financières directes au profit des élèves scolarisés issus de familles modestes.
Mais on peut penser que lorsque le gouvernement parle de dotations budgétaires au profit de ce fonds, son idée est que ces dotations proviendraient en réalité des économies qu’il réaliserait sur la caisse de compensation en la réformant.