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Affaires

La libéralisation du ciel bute sur une affaire de sous

L’Office des aéroports et l’ONMT devraient contribuer au financement
des lignes déficitaires n Les professionnels du tourisme contestent le
montage proposé par les autorités de tutelle n L’idée
de payer la TPT aux aéroports évoquée à nouveau.

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Quatre heures, c’est le temps qu’aura duré la réunion marathon qui s’est tenue samedi 10 janvier, au Hyatt Regency de Casablanca, et à laquelle assistaient Adil Douiri, ministre du Tourisme, Fathia Bennis, directrice de l’ONMT (Office national marocain du tourisme) et des représentants des opérateurs privés du tourisme. A l’ordre du jour, la libéralisation du transport aérien.
La nouvelle carte du ciel n’est, en effet, pas encore arrêtée de manière définitive et l’on s’attend à ce que le ministre du Transport et celui du Tourisme en annoncent les contours d’ici à fin janvier… si tout se passe bien. Et pour cause, l’ouverture du ciel est conditionnée par le financement du déficit sur certaines lignes aériennes qui seront mises en place dans le cadre de la libéralisation. L’on s’en doute, une fois le ciel marocain ouvert, les compagnies aériennes desservant le pays, qu’elles soient nationales ou étrangères, ne voudront exploiter que des lignes bénéficiaires. Aucune compagnie, charter ou régulière, ne voudra donc s’engager sur des lignes comme Francfort-Marrakech ou Marseille-Ouarzazate qui assurent un faible taux de remplissage. Or, ces dessertes sont indispensables pour remettre à flot des villes sinistrées comme Fès, Tanger ou encore Ouarzazate.
Par conséquent, l’idée consiste à lancer des appels d’offres pour l’exploitation de ces lignes. Les compagnies intéressées devront estimer le montant du déficit attendu sur ces lignes. Ensuite, le ministère du Transport sélectionnera le moins-disant et couvrira son déficit. Ainsi, tous les intervenants y trouveront leur compte. D’après les estimations du ministère de l’Equipement et du Transport, il faudra 100 MDH par an pour assurer l’équilibre des lignes en question.

Un fonds spécial à créer
Avant d’annoncer la libéralisation du secteur, Karim Ghellab, ministre de l’Equipement et du Transport, veut donc renflouer ses caisses pour avoir les moyens de ses ambitions. Selon des sources bien informées, le financement de ces lignes ne peut se faire que par la création d’ un fonds spécial. Reste à savoir comment ce fonds sera financé.
Adil Douiri, ministre du Tourisme, a donc pris son bâton de pèlerin pour apporter son écot. Objectif : sensibiliser les opérateurs privés du secteur touristique sur l’opportunité de mettre à contribution l’ONMT à cette libéralisation.
L’idée des deux ministres est simple : d’ici à 2005, un moyen de financement régulier sera trouvé, mais pour 2004 rien n’est disponible. «Pour financer ces lignes déficitaires, il faudrait mettre à contribution des organismes publics, en l’occurrence l’ONDA (Office national des aéroports) et l’ONMT qui apporteront chacun 50 MDH», indique une source proche du dossier.
Cette proposition n’a pas fait l’unanimité chez les représentants des opérateurs du tourisme qui ont déclaré à La Vie éco que «l’ONDA, avec son milliard de chiffre d’affaires annuel a, peut-être, les moyens de contribuer à cette libéralisation et aura un retour sur investissement en taxes aéroportuaires puisque la fréquence des vols augmentera, alors que l’ONMT, avec un budget de 300 MDH, ne peut se permettre de donner 50 MDH».
La réflexion s’est alors tournée vers un autre mode de financement, la taxe de promotion touristique, payée par les touristes pour chaque nuit passée dans un hôtel. Cette taxe est reversée à l’ONMT qui bénéficie ainsi de ressources complémentaires de l’ordre de 50 à 60 MDH. Il y a trois ans, certains opérateurs prônaient de réformer cette taxe en la déplaçant des hôtels vers les titres de transports internationaux à l’instar des taxes aéroportuaires qui reviennent à l’ONDA et l’ODEP. Depuis, ce projet de réforme, avec la polémique qui s’en est suivie, est resté dans les tiroirs.
Aujourd’hui, après cette réunion du 10 janvier, il semblerait que le projet est officiellement remis à l’ordre du jour et inscrit dans l’agenda du ministre du Tourisme. D’autant, affirme-t-on, qu’il permettra de doubler, voire de tripler les recettes actuelles collectées au titre de la TPT qui passeraient ainsi à 100 ou 150 MDH.
Le financement des lignes déficitaires pourra ainsi être effectué. Mais il faudra définir les modalités de mise en application de cette réforme. D’autres réunions suivront donc.
Pour l’instant, la rencontre du samedi 10 janvier augure d’une bonne préparation pour la libéralisation du transport aérien et démontre, si nécessaire, que le ministre des Transports veut avoir les moyens de sa politique avant de faire des annonces fracassantes. Il n’en demeure pas moins que pour beaucoup d’opérateurs, «cette réflexion est peut-être prématurée, d’autant que le temps que cette libéralisation se mette en place, nous serons déjà fin 2004-début 2005. Les décaissements ne se seront donc pas faits avant». MM. Ghellab et Douiri ne désirant pas faire de déclarations pour l’instant, il faudra attendre leur sortie publique programmée dans les prochains jours pour connaître les contours de cette libéralisation