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La hausse du taux directeur de BAM évitera-t-elle la pression inflationniste ?

Une restriction du crédit peut juguler l’inflation quand cette dernière est monétaire. Les produits alimentaires sont les principaux responsables de cette hausse du niveau des prix. La banque centrale reste vigilante quant aux effets de second tour et à  la spirale haussière des prix et des salaires.

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L’économie marocaine est-elle menacée de surchauffe inflationniste ? La décision, prise il y a quelques jours par la banque centrale, de relever son taux directeur de 25 points de base le suggère amplement. A 4,8% au mois d’août, en glissement annuel, la cote d’alerte semble atteinte, selon Bank Al Maghrib. Cette dernière rappelle, au passage, que cette mesure est, à cet égard, une «mesure préventive», puisque, selon ses estimations, l’évolution des prix sur l’ensemble de l’année 2008 devrait se situer entre 3,6% et 3,9%.

La question qui se pose, cependant, est de savoir dans quelle mesure cette hausse du taux directeur va agir sur le niveau des prix à la consommation. Une restriction de crédit, résultat que semble rechercher l’institut d’émission par la mise en place de cette mesure, aurait-elle un impact sur l’évolution des prix ? Pour cela, il faudrait que l’inflation constatée soit d’origine monétaire. Or, tout semble indiquer que tel n’est pas le cas aujourd’hui.

La décomposition de l’indice du coût de la vie (ICV) montre bien, en tout cas, que l’inflation dont on parle au Maroc est pour l’essentiel d’origine alimentaire, tirée principalement par les produits agricoles frais (fruits et légumes) et le poisson frais; mais aussi, quoi qu’en légère décélération mais toujours à un niveau très élevé, par les produits alimentaires de base, conséquence de la mauvaise récolte en 2007/2008, ainsi que du renchérissement des cours des matières premières agricoles sur le marché international. Il faut d’ailleurs rappeler ici que les prix des produits alimentaires de base ont augmenté, en glissement annuel, de 19,4% en mai, de 18,2% en juin et de 17,1% en juillet 2008.

De façon globale, l’indice des produits alimentaires, sur la période considérée (entre août 2007 et août 2008), a évolué de 8,3%, tandis que l’indice des produits non alimentaires a augmenté de 1,8% (1,8% pour l’habillement, 0,7% pour l’habitat, 0,3% pour les soins médicaux, 1,7% pour les loisirs et la culture, 2,8% pour les équipements ménagers, 3,3% pour les transports et les communications).

Quelle corrélation entre masse monétaire et niveau des prix ?
La même tendance est observée s’agissant de l’ICV sur les huit premiers mois de 2008 comparés aux huit premiers mois de 2007 : + 7% pour les produits alimentaires, et + 1,2% pour les produits non alimentaires, donnant lieu à une inflation globale de 3,8%.

Cependant, nous explique Bank Al Maghrib, si l’inflation est en effet d’origine alimentaire et pour l’essentiel importée, ses effets commencent néanmoins à se diffuser des bien échangeables vers les biens non échangeables, en particulier les services, tels que «restaurants, cafés et hôtels», «consultations médicales» et «transport privé».

En outre, l’institut d’émission estime que l’intensification des pressions inflationnistes apparaît également à travers l’inflation sous-jacente, meilleur indicateur, selon les économistes, puisque, en excluant certains postes de dépense, dont les produits sont sujets à des perturbations, elle traduit plus correctement l’évolution de la demande.

Cette inflation sous-jacente est en effet supérieure à 4% depuis mars dernier (voir courbe). Pour la banque centrale, cette situation risque de donner lieu à des effets de second tour, c’est-à-dire à la spirale «prix élevés-salaires élevés», d’autant que, explique-t-elle, la pression sur les prix à la production industrielle est très perceptible. D’où sa décision du 23 septembre de relever son taux directeur de 3,25% à 3,50%. Résultat, le coût de refinancement des banques commerciales auprès de la banque centrale se renchérit de 25 points de base.

Sur le plan de l’orthodoxie monétaire, la mesure est tout à fait normale, le rôle des banques centrales étant de surveiller le niveau de l’inflation et donc, quand elle apparaît ou menace d’apparaître, de la juguler par le biais du taux de refinancement.

La question qui reste néanmoins posée est de savoir quelle corrélation existe, dans le cas du Maroc spécifiquement, entre la demande des agents économiques et les taux d’intérêt ? Et surtout, quel impact peut produire une hausse de la masse monétaire sur le niveau des prix, puisque, il y a encore peu, l’agrégat M3 pouvait afficher des progressions frôlant les 20%, alors qu’au même moment l’inflation, elle, était contenue à 1,5 ou 2%.

Par ailleurs, la banque centrale est-elle toujours le seul recours pour les banques commerciales en matière de refinancement ? A l’heure où la planète finance est gagnée par l’incertitude, où les vérités d’hier ne sont plus que des chimères, il n’est peut-être pas inopportun de soumettre au moins à débat certaines questions que l’on croyait réservées au petit monde fermé des experts.