Affaires
La guerre du PVC repart de plus belle
L’Administration avait décidé, en juillet 2007, de ramener les droits de douane sur la résine de PVC de 25 à 10%.
Un projet de décret, pourtant signé par deux ministres, a été annulé à la dernière minute Réunie fin février, la commission consultative des importations décide d’un taux de 17,5% au lieu de 10%.
Laguerre du PVC repart de plus belle. En effet, un avis récemment émis par la commission consultative des importations (CCI), réunie le 26 février, a mis le feu aux poudres. Cette commission, statuant pour la énième fois sur l’épineux dossier du PVC, a estimé que les droits de douane sur la résine de PVC, que seule la Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie (SNEP), filiale du groupe Chaâbi, fabrique au Maroc, doivent être de 17,5% au lieu de 10% comme recommandé dans le rapport de l’Autorité de la concurrence en juin 2007.
Colère des professionnels de la plasturgie qui ne comprennent pas le maintien d’un taux aussi élevé alors qu’une seule entreprise locale fabrique ce type de produit. D’autant plus en colère qu’ils avaient cru obtenir gain de cause, n’était le revirement de l’administration.
Flash-back. Début 2007, le ministère des affaires économiques et générales lance une enquête dans le secteur de la plasturgie suite à des requêtes de l’Association marocaine de la plasturgie (AMP) au sujet des droits de douane sur l’importation de résine de PVC estimés trop élevés et qualifiés de protection indue au seul fabricant, la SNEP. Au terme d’une longue investigation menée auprès d’une quinzaine d’entreprises de plasturgie, les enquêteurs aboutissent aux faits suivants : la SNEP accorde des réductions de prix à Dimatit, entreprise du groupe Chaâbi, qui permettent à cette dernière de proposer des produits plus compétitifs que ses concurrents et, surtout, les droits de douane de 25% constituent effectivement un facteur de distorsion. Suite à quoi le rapport a recommandé de ramener les droits de douane à 10% seulement. C’était en juin 2007.
Dans les semaines qui suivirent, la CCI se réunit et émet un avis en phase avec les recommandations de l’Autorité de la concurrence : les droits de douane seront fixés à 10 % sur la résine de PVC et à 25 % sur le produit fini.
La commission consultative des importations a transmis son avis à la Douane et au Trésor
Une fois le PV de réunion dressé, copie fut envoyée à l’administration des douanes à qui revenait la tâche de rédiger le projet de décret devant instituer les nouveaux taux. Les professionnels crurent alors que la partie était gagnée. D’autant plus qu’en août 2007 le projet de décret était déjà prêt et a été soumis à la signature des ministres concernés, ceux des finances, de l’industrie et du commerce, et du commerce extérieur. Mais le décret tombant à la veille de leur départ et en pleine campagne électorale, les ministres de l’époque, même s’ils étaient acquis à la cause, ont préféré ne pas signer le décret pour éviter toute interprétation électoraliste. Cela dit, dès que le nouveau gouvernement s’est installé, les nouveaux ministres des finances et du commerce et de l’industrie ont signé ledit décret. Il ne manquait plus que le paraphe du Commerce extérieur. Contrairement aux attentes des professionnels, ce dernier ne signera pas, préférant s’en remettre à la CCI, à nouveau sollicitée par la profession. Le 26 février, celle-ci se réunit et émet un avis comportant des droits de douane différents de ceux qu’elle avait elle-même recommandés quelques mois auparavant.
Il n’en fallait pas plus pour raviver la guerre entre certains professionnels de la plasturgie, membres de l’AMP, et la SNEP, accusée d’avoir fait du lobbying pour faire changer d’avis à l’administration. Pourtant, un membre de ladite commission assure que si «la décision a été revue, ce n’est pas pour faire plaisir ou défendre les intérêts de quiconque». Notre interlocuteur, pour avoir assisté à toutes les réunions de la commission et aux tractations en coulisses, affirme que «certains industriels du secteur demandent une baisse des droits de douane sur la résine importée qui constitue leur matière première, mais souhaitent en même temps que les droits de douane sur les produits finis qu’ils fabriquent soient maintenus». Deux poids deux mesures, en somme !
«Faux», répond-on du côté de l’AMP. Un membre de l’association indique que «le président de l’AMP a lui-même, lors de la réunion du 26 février, affirmé que les industriels étaient prêts à jouer le jeu et acceptaient une baisse des droits de douane sur les produits finis». La même source argue que «les droits de douane à leur niveau actuel (25%, NDLR) constituent une protection avérée pour la SNEP, car même si nous importons de la résine à bon prix, nous n’arriverons jamais à rattraper la marge de la SNEP qui est au moins de 25%, sans compter les frais d’approche que nous engageons à l’import». Pour les professionnels, l’argument majeur consiste à dire qu’une baisse des droits de douane sur la résine de PVC leur permettrait de baisser leurs coûts de production et d’aligner des prix compétitifs «au lieu de continuer à imposer un surcoût au consommateur marocain dû à la protection douanière de la SNEP».
Auprès du groupe Chaâbi, on s’en défend. «Le produit fini, comme le tube de PVC par exemple, est naturellement protégé car la nature du produit, qui est creux, fait que son importation n’est pas rentable». Pour ce qui est de la résine de PVC, poursuit-on chez Ynna Holding, «les professionnels peuvent l’importer et arrivent à aligner des prix très intéressants malgré les droits de douane». Le dossier est promis à de nouveaux rebondissements. Le dernier en date est l’annonce par le groupe Chaâbi, début mars, du retrait de ses deux filiales, la SNEP et Dimatit, de l’association marocaine de la plasturgie.
En attendant, la procédure légale, elle, suit son cours. La commission consultative des importations a transmis son avis à l’administration des douanes et à la direction du Trésor pour qu’elles entament la rédaction du nouveau projet de décret qui remplacera l’ancien, à moins d’un nouveau coup de théâtre !